A l’attention de M. Bernard Kouchner,
Ministre des Affaires étrangères et européennes
37, Quai d’Orsay
75351 Paris
Paris, le 21 avril 2010
Objet : Accession d’Israël au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE).
Monsieur le Ministre,
Nous vous écrivons en tant que Plateforme de 42 organisations françaises et internationales de développement, d’aide humanitaire et de défense des droits de l’Homme, au sujet du débat en cours sur l’accession d’Israël au sein de l’OCDE et en perspective des réunions des 29 avril et 6 mai prochains ainsi que du Conseil ministériel annuel de l’OCDE, qui aura lieu à Paris les 27 et 28 mai 2010.
L’OCDE a adopté le plan de route pour l’accession d’Israël à l’organisation depuis novembre 2007.
Monsieur le ministre, nous tenions à vous rappeler que :
La politique et les pratiques israéliennes sont en contradiction avec les principes de l’OCDE sur les droits de l’Homme, la démocratie et le respect du droit.
La politique israélienne viole également les principes de l’OCDE se rapportant au développement économique et à l’ouverture des marchés (pour exemple, l’article 1 b) de la Convention de l’OCDE rappelle que l’organisation a pour objectif de promouvoir des politiques visant (…) « à contribuer à une saine expansion économique dans les pays Membres, ainsi que non membres, en voie de développement économique »).
La question de l’accession d’Israël à l’OCDE devrait être considérée dans le cadre du processus de paix.
Récompenser le gouvernement israélien en acceptant qu’il devienne – sans aucune condition – membre de l’OCDE reviendrait à :
signaler à Israël que continuer à occuper les Territoires palestiniens et violer le droit international n’a aucune conséquence ;
diminuer la portée de futures positions de la communauté internationale ;
signifier aux Palestiniens la preuve de la mauvaise volonté de la communauté internationale, en récompensant de manière inconditionnelle Israël alors que les violations du droit international se poursuivent.
L’entrée d’Israël dans l’OCDE pose enfin une grave question de territorialité. Il semblerait en effet qu’un accord ait été obtenu, afin de permettre à Israël de soumettre des données à l’OCDE concernant Jérusalem-Est, le plateau du Golan et les colonies israéliennes en Cisjordanie. Ces territoires seront reconnus comme le « territoire économique » de facto d’Israël. Le compromis proposé par l’OCDE1 est insuffisant car il n’est pas conforme à l’obligation des Etats tiers de ne pas reconnaître les violations au droit international.
De manière générale, aucun changement du comportement du gouvernement israélien en matière de respect des droits de l’Homme, de droit international humanitaire et de ses engagements dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient n’a pu être observé. Au contraire, la situation actuelle inspire le plus grand pessimisme. Les conséquences de l’opération militaire israélienne dans la bande de Gaza sont connues, auxquelles se superpose la poursuite du blocus. A Jérusalem-Est, les nouvelles colonies, les expulsions de familles palestiniennes et les démolitions de maisons se sont aussi accélérées.
Selon le rapport de l’association israélienne Ir Amin, publié le 11 mars, la mairie de Jérusalem projette de construire 50 000 nouveaux logements dans les quartiers de colonisation situés dans le secteur oriental de la Ville sainte.
Les appels répétés de l’UE à un changement de ces pratiques n’ont pas été pris en compte. Vous avez déclaré devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 7 avril 2010 que « les moyens de pression sont assez faibles ». Conditionner la présence d’Israël à l’OCDE au respect des droits de l’Homme peut toutefois constituer un moyen de pression efficace.
Nous vous invitons donc, lors des prochaines réunions des 29 avril et 6 mai, et lors du Conseil des 27 et 28 mai à :
1) Rejeter la demande d’accession à l’OCDE de l’Etat d’Israël et confirmer publiquement que cette accession est suspendue et liée aux obligations israéliennes en matière de respect des droits de l’Homme, de droit international humanitaire et de ses engagements au regard du processus de paix ;
2) Saisir l’opportunité du Conseil de l’OCDE pour proposer les mesures nécessaires, parmi lesquelles la fin immédiate du blocus de la bande de Gaza et de l’expansion des colonies et des démolitions de maisons ;
3) Prendre des mesures supplémentaires pour s’assurer que tous les instruments existants de coopération entre la France, l’UE et Israël s’appliquent uniquement à Israël même et en aucune façon aux colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Bernard Ravenel
Président de la Plateforme des ONG Francaises pour la Palestine