Depuis plusieurs semaines, Obama croyait avoir obtenu qu’Israéliens et Palestiniens entament des négociations indirectes, sous l’égide américaine. George Mitchell, l’émissaire de la Maison-Blanche au Proche-Orient, devait bientôt accomplir les allers et retours nécessaires entre les deux camps. Une mission aux objectifs limités, car il est fort loin, le temps où Obama, à peine élu, espérait lancer une « négociation globale », en échange d’un « gel complet » de la colonisation israélienne dans les territoires occupés. Une demande que Netanyahou avait refusée tout net, et, déjà, sans y mettre les formes.
Le 9 mars, la visite à Jérusalem de Joe Biden, vice-président des Etats-Unis, s’est déroulée dans des conditions invraisemblables. Dans la soirée, en compagnie de son épouse, il se rend en voiture à la résidence de Netanyahou, où le Premier ministre les attend pour dîner. C’est alors qu’il apprend, par téléphone, que le gouvernement israélien a autorisé la construction de 1600 nouveaux logements à Jérusalem-Est, cette partie de la ville qui doit en principe devenir la capitale du futur Etat palestinien. Estimant être pris ainsi en traître, Joe Biden donne aussitôt l’ordre à son chauffeur de faire demi-tour. Dans les cuisines de Netanyahou, on met sans doute les plats à réchauffer car c’est finalement avec une heure et demie de retard qu’arrivera le couple Biden, pour partager une soupe à la grimace, et dans une ambiance sinistre, selon les invités présents. Le vice-président US est furieux. Ami indéfectible d’Israël - il a toujours favorisé les votes des crédits militaires destinés à cet allié des Etats-Unis-, il n’admet pas un tel traitement. Netanyahou tentera, bien sûr, de le convaincre qu’il a été mis devant le fait accompli par son ministre de l’Intérieur, président du parti ultraorthodoxe Shass et partisan de la colonisation à outrance.
Changement d’ambiance, le lendemain, quand Joe Biden rencontre à Ramallah, le résident de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Embrassades suivies de cette confidence inhabituelle « Je suis le premier vice-président des Etats-Unis à critiquer le comportement d’Israël », déclare Joe Biden.
Vingt-quatre heures passent. Joe Biden « fait la paix » avec Netanyahou, selon la presse israélienne, l’assure que la Grande Amérique demeure un allié sûr, et l’invite à le rencontrer à Washington, lorsqu’il viendra assister, la semaine prochaine, au congrès de l’Aipac, le puissant lobby juif et pro-Likoud américain. Puis, le 11 mars, paraît un article détonant dans le quotidien « Haaretz ». Sans être le moins du monde démenti, le confrère israélien annonce que le gouvernement a l’intention de construire, dans les prochaines années, et pour l’essentiel à Jérusalem-Est, 50 000 nouveaux logements « coloniaux ». De nouveau, l’humiliation pour Obama.
Un « savon » Hillary
A Washington, cela n’empêche pas les dirigeants de l’Aipac de critiquer vertement les diverses déclarations des responsables américains. Celle, par exemple, de David Axelrod, le principal conseiller d’Obama, qui juge « insultant » le comportement d’Israël. Ou celle de Hillary Clinton, qui a tenu à faire savoir qu’elle avait téléphoné durant quarante-trois minutes à Netanyahou. Et elle lui a « passé un savon », à en croire l’un de ses collaborateurs. .
Remarquable aussi, par sa violence et sa drôlerie tout à la fois, ce fameux éditorial de Thomas L. Friedman, dans le « New York Times » du 14 mars. « Je suis un fan de Joe Biden », écrit-il. Avant d’ajouter que celui-ci aurait dû rentrer à Washington sans dîner avec Netanyahou, mais en lui laissant cette note : « Message de l’Amérique au gouvernement israélien : des amis ne doivent pas laisser des amis conduire saouls. Et, aujourd’hui, vous êtes en train de conduire en état d’ébriété. »
Lundi 15 mars, Netanyahou s’est même permis de répondre avec insolence à Obama. Lequel a exigé – Et Hillary Clinton s’est montrée ferme sur ce point, en téléphonant au Premier ministre israélien – l’annulation du projet des 1600 logements à Jérusalem-Est. Résultat : une rebuffade supplémentaire. « La construction continuera à Jérusalem, comme cela a été le cas depuis quarante-deux ans », a proclamé Netanyahou, avant d’ajouter, sans la moindre gêne, qu’il en ira bientôt de même dans les colonies de Cisjordanie.
Quant à l’Elysée et au Quai d’Orsay, leurs locataires sont trop passionnés par les élections régionales pour s’exprimer avec une vigueur quelconque.