Le carton d’invitation envoyé de longue date bien avant pour assister à cette cérémonie était pourtant clair : « Remise du Prix des droits de l’Homme de la République française par Bernard Kouchner à 15 heures au Quai d’Orsay ».
La raison de ce changement brutal de lieu décidé la veille est hautement significative. Elle tient à une déclaration du CRIF s’en prenant au choix opéré par la « Commission consultative des droits de l’Homme » qui, en toute indépendance, a voulu honorer cette année, notamment le PNGO, c’est-à-dire le réseau des ONG palestiniennes – pas moins de 200 – au titre que celui-ci œuvrait, hors les partis, à une réconciliation nationale inter-palestinienne pour déboucher sur une issue pacifique au conflit israélo-palestinien.
Le CRIF s’est insurgé contre ce choix souverain, attaquant violemment le PNGO d’être partie prenante de la campagne BDS visant, pacifiquement mais efficacement, à mettre un terme à l’impunité dont bénéficie Israël et qui constitue une des raisons majeures de l’absence de paix basée sur le droit au Proche-Orient.
Bernard Kouchner, en plein débat sur l’identité nationale où est remis en cause toute forme de communautarisme, a cédé à une organisation communautaire qui, bien que française, se comporte désormais, hors son rôle initial, en soutien absolu et systématique de la politique de l’Etat israélien ce qui est loin d’être le cas de ladite communauté que cette institution prétend représenter.
Mais non seulement le ministre a cédé – provoquant publiquement le désaveu du Président de la « Commission consultative des Droits de l’Homme » sur ce changement de lieu – mais il en a rajouté dans son intervention. S’en prenant directement au PNGO et à ses représentants présents, il a condamné toute forme de boycott de l’Etat israélien entachant ainsi gravement, d’un seul coup et à lui tout seul, la décision prise.
Si la communauté internationale faisait son « travail » depuis le temps que dure ce conflit la société civile n’aurait pas à utiliser cette forme d’action pacifique mais efficace. Si Bernard Kouchner, apôtre du droit d’ingérence, n’était pas porteur d’une connivence intellectuelle avec Israël nous n’en serions pas là.
En somme, si Bernard Kouchner avait été en poste à l’époque, jamais Nelson Mandela n’aurait été libéré et jamais le régime d’apartheid n’aurait été vaincu comme cela fut le cas précisément sous l’effet d’un boycott international de l’Afrique du Sud raciste et ségrégationniste.
C’est pitoyable et c’est indigne la France. Mais cela en dit long sur la politique française qui n’est pas prête de jouer un rôle positif dans cette région du monde et qui s’isole du monde arabe chaque jour un peu plus. Faudra-t-il, comme il a été fait aux USA [1], sortir un livre décapant sur « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère française » ?
En ces circonstances peu glorieuses, nous voulons redire tout l’honneur qui revient à la « Commission consultative des Droits de l’Homme » et à son président et tout le déshonneur que portera désormais comme à la boutonnière, comme un signe distinctif, le soit disant Ministre des Affaires étrangères de la France.
Nous exprimons notre solidarité et adressons nos félicitations à nos amis du PNGO. Nous leur disons aussi que la France qu’ils ont entendue à « Sciences Po. » par la voix d’un ministre, ce n’est tout simplement pas la France « Patrie des droits de l’Homme », c’est la France défigurée, une France amputée de ses valeurs fondatrices.