Le négociateur américain George Mitchell est depuis dimanche au Proche-Orient. Depuis des mois, l’administration Obama tente d’obtenir un arrêt de la colonisation. Peut-elle réussir ?
Rashid Khalidi : Je ne crois pas que le gouvernement israélien va arrêter le processus de colonisation. Il a annoncé qu’il continuera à bâtir de nouvelles constructions à Jérusalem-Est et dans d’autres colonies de Cisjordanie. Avant même l’arrivée en Israël de George Mitchell, le gouvernement de Benyamin Netanyahou était décidé à continuer sur cette voie. La majorité des partis qui y participent est convaincue de la nécessité de la colonisation.
Le gouvernement américain a-t-il adopté la bonne stratégie ?
C’était une erreur de concentrer tous les efforts sur la colonisation et ne pas mettre l’accent sur d’autres points, comme la fin de l’occupation, la levée des barrages et des check-points. De cette façon, les Israéliens n’auraient pas mis toute leur énergie à mobiliser contre la demande d’Obama. Il faut reconnaître que l’arrivée au pouvoir en Israël d’une nouvelle équipe beaucoup plus à droite qu’auparavant a compliqué la tâche de Barack Obama. Seule la chute du gouvernement Netanyahou permettrait d’obtenir un arrêt de la colonisation.
Le président Obama a-t-il compris son erreur ?
Si le président et George Mitchell lâchent maintenant sur la colonisation, Benyamin Netanyahou et la droite israélienne auront gagné, ce qui n’est pas bon pour l’image des États-Unis. En même temps, si Barack Obama veut relancer la négociation, il faut qu’il accentue la pression sur les Israéliens. Il peut le faire.
Comment ?
Il existe plusieurs possibilités. Les États-Unis pourraient par exemple reconnaître un État palestinien doté de frontières provisoires durant deux ans, dans l’attente d’une solution définitive. Ils pourraient encore dire clairement que si les deux parties ne trouvent pas un accord avant une date précise, le dossier sera porté devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Il faut absolument redoubler d’efforts sur ce dossier.
L’équipe de Barack Obama est-elle plus objective sur ce dossier que celle de George W. Bush ?
Le processus de nomination au sein de l’administration américaine est compliqué et interminable. Beaucoup de postes sont encore vacants. Au département d’État par exemple, l’équipe n’est pas au complet. L’administration compte des membres très pro-israéliens. Tel Dennis Ross, membre du Conseil national de sécurité (NCS), en charge des questions de sécurité à la Maison-Blanche, ou encore la secrétaire d’État Hillary Clinton. Pour autant, il ne faut surtout pas perdre de vue que ce qui compte dans le système américain, c’est la volonté du président.
Vous êtes un ami proche de Barack Obama [1]. Est-il toujours convaincu de la nécessité d’aboutir à un résultat dans le conflit israélo-palestinien ?
Je ne suis plus en contact avec le président depuis longtemps. Mais je sais que Barack Obama est convaincu que la politique américaine stupide menée par le président George W. Bush ces dernières années envers Israël et la Palestine a échoué. Qu’elle a des conséquences négatives pour l’image des États-Unis et qu’elle a nui à ses intérêts. Que le nouveau président ait lancé ce chantier dès la première année de son mandat, est la preuve que, pour lui, c’est important. A-t-il pour autant les clés d’une solution ? Je ne sais pas.
Les Palestiniens sont divisés entre Hamas et Fatah. Le sont-ils aussi sur la vision d’un futur État pour leur peuple ?
Ils n’ont pas de vision commune. Favorable à une solution à deux États, le Fatah du président Mah moud Abbas n’a pas de stratégie claire pour les négociations. C’est la même chose pour le Hamas. Alors qu’il était opposé à l’idée de deux États à sa création en 1987, il y est aujourd’hui favorable. Si Washington réussit à amener les Israéliens à la table des négociations, les Palestiniens devront eux aussi arriver avec un plan. Les divisions palestiniennes ont été exploitées et aggravées par la politique américaine, mais aussi celle de l’Iran et des grandes puissances. Cela doit cesser. C’est pourquoi une négociation américano-iranienne est importante, pas seulement en ce qui concerne le dossier nucléaire. Une détente aurait un effet positif sur l’arène palestinienne.
Barack Obama a toujours dit que la résolution du conflit israélo-palestinien passait par une solution de paix globale, c’est-à-dire la paix avec l’Iran, la Syrie et les acteurs régionaux. Cette vision est-elle toujours d’actualité ?
La vision d’Obama d’une paix globale au Proche-Orient s’effrite, se désagrège même en raison de la pression incroyable d’Israël et de ses partisans au sein de la droite américaine pour en finir avec le régime iranien. Sur ce point, l’administration Obama a reculé, ce qui a contribué à dégrader ses relations avec la Syrie. On en voit les effets collatéraux au Liban où le premier ministre n’arrive pas à former son gouvernement, mais aussi à Bagdad où les tensions avec Damas sont très fortes. Ce panorama n’est pas très encourageant. Mais cette vision, qu’Obama avait présentée lors de son discours à l’université du Caire le 4 juin dernier, est absolument nécessaire pour changer la relation des États-Unis avec cette région.