Salah, ‘’un prisonnier politique’’
Salah a été arrêté en 2005 pour tentative de complot contre le rabbin Ovadia Yossef. Cette figure éminente du parti Shass (extrême-droite religieuse) se distingue régulièrement pour ses déclarations pour le moins hostiles envers les arabes. En 2001, il n’hésitait pas à déclarer " Il faut anéantir les Arabes. Il ne faut pas avoir pitié d’eux, il faut leur tirer dessus avec des super missiles, les anéantir, ces méchants, ces maudits.’’
La notion de complot selon les autorités israéliennes est pour le moins vague. En effet, Salah est passé avec quelques amis en voiture devant la maison du rabbin avant de faire demi-tour. Il sera arrêté quelques semaines plus tard. A la tentative de complot s’ajoutera une accusation d’appartenir d’abord au FPLP, puis faute de preuves aux jeunesses du FPLP. Cette deuxième accusation fait de la majorité des étudiants palestiniens des coupables aux yeux d’Israël, selon Denise Hamouri.’’ Ici, la plupart des étudiants palestiniens appartiennent aux jeunesses de quelque chose.’’
Deux heures après l’arrestation de son fils, les autorités se rendent au domicile des Hamouri et fouillent la maison de fond en comble. Ils ne trouveront aucune preuve. ‘’Ils ont bien fouillé. Ils ont rien laissé de coté mais ils n’ont rien trouvé. Moins ils trouvaient, plus ils s’énervaient. Quand on voit ce dont il est accusé et ce qu’ils ont amené … ‘’
Des preuves concrètes, les autorités israéliennes n’en ont pas besoin pour incarcérer les Palestiniens. Souvent, les Israéliens s’appuient sur des aveux obtenus par des méthodes pour le moins contraires au droit international. Comme le raconte Denise Hamouri, les trois mois d’interrogatoire après l’arrestation de Salah seront les plus difficiles.
‘’C’est une épreuve difficile. Ils ne dorment pas la nuit. Son père était un peu malade à l’époque. Ils l’avaient fait venir et disaient à Salah qui était derrière la vitre : ‘’Voila ton père est là, si tu dis rien, on va le mettre en cellule et tu sais qu’il est malade’’. Ils utilisent les pressions psychologiques.’’
Pendant cette période d’isolement, destinée à obtenir des aveux, ‘’ils ne sont pas au courant du jour et de la nuit.’’. Salah n’avouera pas des faits qu’il nie avoir commis. Pour lui, ce sera l’incarcération dans l’attente d’un jugement futur.
Pour sa mère, ‘’On lui reproche avant tout d’être un militant. C’est un prisonnier politique.’’
L’intervention de Bernard Kouchner
En 2008, Madame Hamouri parvient à rencontrer Bernard Kouchner très rapidement lors d’une visite du ministre à Jérusalem. ‘’On lui a dit 3 ans en prison, c’est assez par rapport à ce qui lui est reproché. Lui il a compris, ou voulu comprendre, qu’il fallait qu’il soit jugé. Moi je demandais qu’il soit libéré. Il a compris comme il a voulu. Le lendemain, on nous a téléphoné en nous disant soit vous acceptez un plaider coupable et Salah sera emprisonné 7 ans, soit vous êtes responsable qu’il soit détenu davantage.’’. Ce compromis sous la contrainte est accepté par 95% des prisonniers palestiniens. Salah n’avait pas le choix…
‘’Apparemment, d’un coté il y a Gilad Shalit et de l’autre il y a mon fils. Et les préférences vont d’un coté plutôt que de l’autre.’’
Pour que le combat de la famille Hamouri commence à connaitre une certaine médiatisation en France, il a fallu que Gilad Shalit soit fait prisonnier par le Hamas le 25 juin 2006.
‘’Shalit a été arrêté. On en entendait parler partout à la radio. On disait qu’il était français, qu’il fallait faire quelque chose. Je me suis dit qu’il n’y pas de raisons que mon fils ait un traitement différent.’’
Les autorités françaises refusent de comparer les deux affaires. Denise Hamouri est également stupéfaite quand on présente Shalit comme un innocent. ‘’Shalit ce n’est pas un otage, c’est un prisonnier de guerre. Il représente quand même une armée d’occupation.’’. Elle a cependant écrit aux parent de Shalit et plaidé pour la libération de leurs enfants respectifs.
Ce traitement différent entre son fils et Shalit révolte Denise Hamouri. Nicolas Sarkozy n’a toujours pas reçu Denise Hamouri alors qu’il s’est entretenu à trois reprises avec les parents de Gilad Shalit depuis son arrestation. ‘’. En septembre dernier, j’avais été invitée à la fête de l’Humanité. On s’était pris à l’ avance pour obtenir un rendez-vous avec le Président. On nous a dit qu’il n’avait pas le temps.’’. Alors quand on rappelle la promesse du Président d’aller ‘’chercher tous les otages français, quoi qu’ils aient fait’’, la mère de Salah ne peut s’empêcher d’en rire.
La position des autorités françaises, cette lettre envoyée par Rama Yade la résume parfaitement. Pour la secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, « Salah n’ayant pas présenté d’excuses, le juge militaire l’a donc condamné à sept ans de prison ». Une attitude qui ne prend pas en compte les réalités de la justice militaire israélienne. ‘’On avait demandé a l’avocate si cela aurait changé quelque chose s’il s’était excusé. Elle a dit non. C’est un tribunal militaire. La France réagit comme si c’était la même justice qu’en France. Toutes les violations des droits de l’Homme par Israël, cela ne les dérange pas. Ce qui les dérange c’est que Salah ne s’excuse pas.’’
Il en est un autre qui ne semble pas maitriser le dossier à merveille. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë ,a en effet proposé dernièrement de négocier pour une extradition de Salah vers la France. Cette position exaspère Denise Hamouri qui estime que la première chose à faire avant de parler d’extradition est de demander à l’intéressé s’il envisage cette solution. A son arrestation, les Israéliens lui avaient proposé de quitter Israël pour la France afin d’éviter la prison. ‘’Salah avait refusé, il sait bien que partir c’est sans retour.’’
Cette indifférence relative des autorités se retrouve sur le plan médiatique. Hormis l’Humanité (qui a offert une tribune toute la semaine dernière à Denise Hamouri), Libération et plus rarement le Monde évoquent l’histoire de Salah. Pour les grandes chaines de télévision nationale, c’est le silence radio. Denise Hamouri précise ‘’Quelqu’un a contacté Charles Enderlin pour un reportage. Il a uniquement répondu qu’il était au courant’’.
Le dernier espoir pour Salah : faire partie de l’échange dans une libération de Shalit
Pour Salah, comme pour les 11 200 prisonniers palestiniens, la possible libération de Shalit constitue un immense espoir de libération. Si l’espoir était grand il y a quelques semaines, il est cependant retombé ces derniers temps. Denise Hamouri espère quant à elle que Salah fera partie de l’échange avec Shalit. C’est uniquement sur ce point qu’elle espère une action des autorités françaises. Salah résidant à Jérusalem, il ne rentre pas en compte dans les libérations classiques de prisonniers. Comme le précise sa mère, ‘’Il a une carte d’identité de Jérusalem ce qui généralement complique les choses car quand il y a des décisions de libération de prisonniers entre l’Autorité Palestinienne et les Israéliens, ils comptent jamais dedans. C’est pour ça que la libération de Shalit serait la seule possibilité pour Salah. Car pour Shalit, c’est le Hamas qui décide. Ils vont donner une liste’’. En priorité sur la liste, ce sont des militants du Hamas qui ont été condamnés à la perpétuité.
Aujourd’hui, Denise Hamouri refuse de placer trop d’espoir dans une action des autorités françaises. ‘’ Le gouvernement français donne du crédit a un tribunal militaire. Je ne suis pas révoltée car je ne m’attendais pas à autre chose. On savait qu’il était du coté des Israéliens. Mais je vais continuer de demander au Président de faire son travail et de tenir ses promesses. Il a annoncé qu’il irait chercher les prisonniers. Florence Cassez par exemple, les faits qui lui sont reprochés sont loin d’être glorieux. Mais dès qu’on en est à Israël attention !
En attendant, Salah a déjà des projets dès qu’il sera libéré : se rendre en France et particulièrement à la fête de l’Humanité. L’occasion pour lui de remercier en personne le député communiste Jean-Claude Lefort et tous les autres membres du comité de soutien…