Le concept que l’on puisse donner sa vie pour une cause est révéré dans l’histoire par les nations, les religions et les systèmes politiques. Dans la culture palestinienne, c’est le statut le plus élevé qui soit, le sacrifice ultime. Devenir un "shahid" (un martyr) est parfois voulu avec tant de force que cela pousse des jeunes hommes et femmes vers l’action militaire alors qu’ils sont beaucoup trop jeunes et trop mal préparés.
Pourtant, dans notre société et au cours de l’Histoire, se battre pour son pays, sa religion ou une cause juste est l’honneur ultime, le Purple Heart des nations [1]. Mais ce qui continue à nous stupéfier c’est que quelqu’un offre sa vie pour le pays d’un autre, la cause d’un autre, au nom de de la justice sociale, politique et humaine dans le monde.
Les Palestiniens ont une longue histoire de sacrifice. Par centaines de milliers ils sont morts au nom de la Palestine, même avant qu’Israël ne soit créé. Lors de la Révolte arabe de 1936 et en 1939 contre le Mandat britannique et les groupes juifs, 5000 Palestiniens au moins furent tués. En 1948 et 1967, des dizaines de milliers encore ont péri dans les guerres qui ont mené à la création d’Israël puis, plus tard, à l’occupation de la Cisjordanie, et de Jérusalem, de la bande de Gaza, et des Hauteurs du Golan syrien.
Si l’on y ajoute la première et deuxième Intifada et toutes les autres situations intermédiaires où des Palestiniens sont morts, le nombre de victimes par rapport à la population palestinienne est énorme,
Bien sûr on pourrait dire que ceux qui sont morts sont tombés au nom de leur pays, dans l’espoir que leur mort ne seraient pas vaine, en rêvant que l’Etat palestinien indépendant verrait le jour sur le lieu de leur sacrifice ultime.
Si ceci est noble -et on ne peut pas l’interpréter différemment- qu’en est-il de ceux qui viennent d’autres pays et parlent d’autres langues mais mettent leur vie en cause pour la Palestine ? La semaine dernière, Tristan Anderson , qui a 38 ans, a été frappé en pleine tête par un projectile -une grenade lacrymogène à longue portée et haute vélocité- tiré par les soldats de l’occupation à Nil’in.
Apparemment il s’agit d’une nouvelle version améliorée des anciennes grenades lacrymogènes israéliennes, car selon des témoins oculaires, Anderson et un autre manifestant se tenaient à une distance considérable des soldats quand il fut frappé.
La force de l’impact a causé des dégâts très importants à la tête, aux yeux et au cerveau de Tristan qui est actuellement toujours inconscient dans un hôpital de Tel Aviv, sans qu’on sache ce qui va se passer ensuite.
Selon une déclaration faite pas ses parents le 15 mars, Tristan se battait pour la justice sociale dans le monde. La Palestine était son combat le plus récent et peut-être le dernier.
En ce jour de malheur, le vendredi 13 mars, Tristan s’était rendu à Nil’in en Cisjordanie pour protester, avec les villageois et d’autres internationaux, contre le Mur qu’Israël y construit.
Les villages jumeaux de Bilin et Nilin sont chaque semaine le lieu de manifestations non violentes contre le mur qui, quand il sera achevé, aura confisqué plus de 40 % de leurs terres.
En plus des villageois et d’autres Palestiniens qui viennent chaque semaine se joindre aux manifestations, des Internationaux et quelques militants de la Paix israéliens sont présents, se mettant parfois en danger.
Depuis le début de ces protestations hebdomadaires, 4 Palestiniens ont été tués par les soldats israéliens, dont le petit Ahmad Moussa, 10 ans, en juillet 2008. Des centaines d’autres Palestiniens et Internationaux ont été blessés.
Malheureusement, Tristan Anderson n’est pas le seul militant de la solidarité internationale a sentir dans sa chair l’oppression militaire sans discrimination qu’Israël inflige aux Palestiniens et à ceux qui les soutiennent.
Cette semaine marquait aussi le sixième anniversaire de la mort de Rachel Corrie, la jeune militante américaine qui a trouvé une mort brutale quand un bulldozer israélien l’a écrasée à Gaza. Rachel Corrie, avec d’autres militants de la Paix, tentait alors d’empêcher la démolition de maisons palestiniennes à Rafah.
En avril 2003, Tom Hurndall, un Britannique de 22 ans, a lui aussi reçu une balle dans la tête, tirés par un tireur d’élite israélien à Rafah, dans la bande de Gaza, alors qu’il essayait, par sécurité pour des enfants palestiniens, de les accompagner chez eux dans la zone frontière souvent dangereuse qui sépare Gaza de l’Egypte [2] Après 9 mois passés dans un état végétatif, Hurndall est mort dans un hôpital de Londres.
Le même mois de cette même année, à Jénine, un char israélien a tiré sur l’ Américain Brian Avery et l’a gravement blessé au visage. Il en est resté défiguré.
Chaque année des dizaines d’Internationaux courageux viennent en Palestine défendre les droits des Palestiniens et faire face avec eux à la brutale machine militaire israélienne. C’est toujours un acte de courage de se tenir sans armes devant une armée très lourdement équipée et qui a souvent le doigt sur la gachette.
Pratiquement tous les jour, les Palestiniens qui vivent sous l’occupation font courageusement face aux soldats et aux colons israéliens et ils paient souvent le prix ultime pour cela.
Dans ce contexte ce n’est que justice que de rendre hommage à ceux qui prennent aussi sous leur aile la cause palestinienne. Ces individus uniques considèrent que la cause palestinienne est liée à toutes les autres causes pour la justice dans le monde. Se battre pour la Palestine et la justice sociale en Palestine c’est se battre pour la justice sociale partout. Et c’est précisément pour cela que l’on doit honorer ces êtres courageux car leur cause n’est pas seulement d’améliorer la situation en Palestine mais également dans tous les endroits du monde où l’injustice est présente. Malheureusement, se battre pour la justice pour la Palestine implique souvent que l’on risque sa vie.
Des gens comme Tristan, Rachel, Brian et Tom l’ont appris à leurs dépens [3].