Une trentaine d’entre eux viennent de signifier leur refus des assassinats ciblés dans les territoires occupés et d’exprimer en même temps une condamnation morale et politique du prétendu droit d’Israël à bombarder des populations civiles sans défense dans l’indifférence générale de la communauté internationale. Alors que la crise politique, économique et morale s’approfondit dans leur pays, une telle initiative ouvre un espace pour les démocrates et pacifistes israéliens ; elle donne aussi du poids aux éléments de l’OLP engagés dans une négociation à haut risque avec le Hamas dans le but de maintenir cette organisation dans le jeu politique palestinien tout en négociant avec lui un arrêt des attentats contre les civils sur le territoire d’Israël. Petit sursaut moral, petite brise d’espoir permettant peut-être de reculer le moment où d’une part, les factions palestiniennes se lanceront dans la guerre civile programmée par Sharon et où, d’autre part, Israël s’enfoncera dans le délire de la liquidation totale de l’état-major politique palestinien et le transfert massif des populations vers les bantoustans hautement sécurisés ou vers l’exil.
Le bonheur comme le malheur ne venant jamais seul, remarquons aussi, dans notre pays et, plus généralement dans la communauté juive internationale, l’apparition d’une réflexion et d’un courant organisé de résistance au chantage à l’antisémitisme, instrumentalisé par Sharon et tous ses porte-voix dans l’ensemble des médias et des sphères culturelles et politiques des pays occidentaux. Après le livre de Pascal Boniface " Est-il permis de critiquer Israël ? ", vient de sortir à la Découverte un remarquable petit ouvrage collectif intitulé Antisémitisme : l’intolérable chantage - Israël-Palestine, une affaire française ? (7,50euros). Cet ouvrage est signé de :
Etienne Balibar, Rony Brauman, Judith Butler, Sylvain Cypel, Eric Hazan, Daniel Lindenberg, Marc Saint-Upéry, Denis Sieffert et Michel Warschawski. En voici la quatrième de couverture :
" Lorsque Sharon est venu en France, je lui ai dit qu’il doit absolument mettre en place un ministère de la Propagande, comme Goebbles. " La déclaration à un grand quotidien israélien de Roger Cukierman en septembre 2001 fait froid dans le dos.
Ce livre est né de l’effroi devant le soutien croissant apporté au gouvernement israélien par une partie de la communauté juive et de ses représentants et par de nombreux intellectuels français, juifs ou non. Effroi aussi devant l’utilisation de plus en plus systématique du thème de la " nouvelle judéophobie ", pour disqualifier toute critique de la politique militaire et coloniale menée par le gouvernement d’Ariel Sharon. Effroi plus général enfin devant la voie suicidaire empruntée par la société et les gouvernements israéliens et ses répercussions sur une partie de la communauté juive de France.
Aujourd’hui, les militants de gauche, en particulier ceux qui militent pour une paix juste au Proche-Orient, sont ainsi confrontés à une inacceptable logique du soupçon et à un intolérable chantage à l’antisémitisme. C’est à cette logique que certains d’entre eux ont souhaité répondre ici, en démontant les mécanismes de ce chantage, en rappelant leurs engagements et leur condamnation des actes antisémites commis en France, et en réaffirmant leur droit à critiquer Israël.