Le Hamas veut montrer qu’il existe encore. Hier (20), il a multiplié les démonstrations, notamment de rue, pour lancer un message à une population palestinienne durement éprouvée par vingt-deux jours de bombardements. Près du Parlement, pratiquement détruit, on était pourtant loin des rassemblements monstres qu’affectionne particulièrement le mouvement islamiste. Ils n’étaient que deux à trois mille à avoir répondu à l’appel du parti dominant la bande de Gaza, malgré le relais des mosquées. Les drapeaux verts flottaient, les jeunes arboraient fièrement leurs bandeaux frappés du sigle de l’organisation créée par Cheikh Yassine. Comme toujours, certains enfants, qui ne devaient même pas avoir cinq ans, étaient déguisés en « combattants », portant mini-treillis et kalachnikov en plastique !
Un manifestant montrait une pancarte sur laquelle était écrit en hébreu : « La résistance a gagné, Israël a perdu ». Un gros homme barbu monopolisait la sono et lançait, à grands roulements de « r », dans un exercice qui s’apparente à la méthode Coué : « Est-ce qu’ils ont détruit le Hamas ? Est-ce qu’ils ont écrasé le Hamas ? Est-ce qu’ils ont tué les dirigeants du Hamas ? » Et la foule de répondre comme un seul homme : « non ». Tous les dirigeants n’ont certes pas été tués mais les principaux leaders du Hamas se sont bien gardés de se montrer en pleine rue. Les seconds couteaux se sont chargés du discours. Comme Ismaïl Radwane, qui a remercié « ceux qui sont venus pour la fête de la victoire, la victoire de la résistance malgré les blessures ». Comme en écho, un sayyed (docteur de l’islam) expliquait à qui voulait l’entendre : « Nous étions censés être éliminés, nous devions être renversés mais nous sommes toujours debout, ici ! Tout le monde maintenant nous regarde, le Hamas est toujours là et restera. Vous savez pourquoi ? Parce que le Hamas est un concept, une croyance et une foi. »
Une fois de plus, Israël et le mouvement de la résistance islamiste jouent à un drôle de jeu, la volonté de « destruction du Hamas » mise en avant par les dirigeants israéliens pour légitimer leur agression contre la bande de Gaza ne convainc que ceux qui veulent bien y croire. Il s’agit au contraire de faire entrer le Hamas dans le jeu régional et non plus de le rejeter. Même si, comme l’a fait hier le secrétaire général de l’ONU en visite dans la bande de Gaza, aucun contact n’est officiellement établi. Les pays occidentaux ne verraient aucun problème à entamer des pourparlers avec les islamistes palestiniens à partir du moment où ces derniers deviennent des alliés objectifs. À l’issue du sommet de Charm el-Cheikh, Nicolas Sarkozy a proposé l’organisation d’une conférence internationale destinée à « poser les bases d’une paix durable » au Proche-Orient, sans préciser qui seraient les représentants palestiniens. La présidence française estime par ailleurs que le moment n’est pas venu d’ouvrir des discussions directes avec le Hamas. Ce qui laisse entendre que ce pourrait être le cas dans l’avenir.
Pour l’heure, le Hamas doit tenir compte de l’initiative de Mahmoud Abbas, qui a proposé la constitution d’un gouvernement d’union nationale afin de préparer des élections. Ahmed Youssef, conseiller politique du « premier ministre » du Hamas, Ismaïl Hanyieh, explique à l’Humanité qu’il faut « un gouvernement de réconciliation nationale avec toutes les factions palestiniennes », mais il ajoute aussitôt qu’ « Abbas ne peut rien discuter. Il est faible, il apparaît comme ayant collaboré. Il doit écouter ». Pour lui, « tout le monde viendra discuter avec le Hamas. Sans parler au Hamas aucun problème ne sera réglé ». Seul problème, lorsqu’on lui demande comment former un tel gouvernement, il estime que le Hamas « a la majorité au Parlement et a donc le droit de former ce gouvernement ». Ce qui ne permet pas, pour l’instant, de dépasser les blocages. Seule nouveauté, peut-être, la reconnaissance du rôle incontournable de l’Égypte pour la reprise du dialogue interpalestinien.