Le 5 novembre 2008, le gouvernement israélien a ordonné le bouclage de la bande de Gaza. Nourriture, médicaments, combustibles, équipements pour les systèmes sanitaires et de distribution d’eau, fertilisants, bâches en plastique, téléphones, papier, colle, chaussures, tasses, etc. Les Gazaouis manquent de tout. Selon [la confédération d’ONG] Oxfam, seuls 137 camions de nourriture ont été autorisés à entrer dans l’enclave palestinienne au cours du mois de novembre, soit en moyenne 4,6 par jour contre 123 par jour le mois précédent et 564 toujours par jour en décembre 2005. Les deux principaux fournisseurs d’aide alimentaire à Gaza sont l’Agence de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) et le Programme alimentaire mondial (PAM). L’UNRWA nourrit à elle seule près de 750 000 personnes, ce qui nécessite l’envoi d’une quinzaine de camions par jour.
Entre le 5 et le 30 novembre dernier, seuls 23 camions ont pu passer les barrages israéliens, soit 6 % du convoi nécessaire, et, dans la première semaine de décembre, 12 camions ont pu pénétrer dans Gaza, soit 11 % du nombre requis pour répondre aux besoins de la population. Au mois de novembre, l’UNRWA s’est trouvée à trois reprises à court de réserves alimentaires, ce qui signifie que près de 20 000 personnes n’ont pas reçu leur ration alimentaire normale à trois reprises ce mois-là. Selon John Ging, directeur de l’UNRWA à Gaza, la plupart des gens qui recourent à l’aide humanitaire ne disposent d’aucun autre moyen de subsistance. Le 18 décembre 2008, l’UNRWA a suspendu tous ses programmes de distribution de nourriture – réguliers et exceptionnels – en raison du blocus israélien.
Le PAM a dû affronter les mêmes problèmes et n’a pu envoyer que 35 camions sur les 190 prévus pour couvrir les besoins. Pis encore : le PAM doit maintenant payer les frais de stockage des produits alimentaires qu’il ne peut pas faire entrer dans la bande de Gaza. Ces coûts se montaient à 215 000 dollars pour le seul mois de novembre. Si le siège se poursuit, l’organisation devra verser 150 000 dollars de plus pour le mois de décembre, autant d’argent qui, à défaut de soulager les Palestiniens nécessiteux, viendra enrichir des entreprises israéliennes.
La plupart des boulangeries de Gaza (30 sur 47) ont dû cesser toute activité par manque de gaz pour alimenter les fours. Les gens utilisent toutes sortes de combustibles pour préparer à manger. Ainsi que l’indique clairement l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les bonbonnes de gaz domestique sont nécessaires au fonctionnement des couveuses à poussins. A cause du manque de gaz et de grains pour les élevages, des centaines de milliers de poulets ont dû être abattus. Selon la FAO, il n’y aura plus la moindre volaille sur le territoire d’ici au mois d’avril. Or le poulet représente la principale source de protéines animales pour 70 % des habitants de Gaza. Avec les restrictions israéliennes sur les transferts de fonds, les banques ont été contraintes de fermer leur porte le 4 décembre dernier. La Banque mondiale a d’ores et déjà prévenu que tout le système bancaire de Gaza risquait de s’effondrer si ces restrictions étaient maintenues.
L’effondrement d’une société
Le 13 novembre 2008, l’unique centrale électrique de la bande de Gaza a suspendu sa production en raison du manque de combustible industriel. Les turbines ont cessé de fonctionner. Dix jours plus tard, elles refusèrent de redémarrer quand la centrale a reçu du nouveau combustible. La centaine de pièces de rechange commandées pour réparer les turbines a été bloquée dans le port israélien d’Ashdod pendant plusieurs semaines dans l’attente d’une autorisation des douanes israéliennes. Ayant été saisies depuis plus de quarante-cinq jours, ces pièces sont à présent mises aux enchères par les autorités israéliennes, et le produit de ces ventes sera consigné sur des comptes bancaires israéliens. Dans la semaine du 30 novembre, 394 000 litres de combustible industriel ont pu être livrés à la centrale électrique de Gaza, soit environ 18 % du minimum hebdomadaire qu’Israël est légalement contraint d’autoriser pour le territoire. Cela a permis de faire fonctionner une turbine pendant deux jours... avant un nouvel arrêt de la production. La compagnie électrique de la bande de Gaza a annoncé que la plupart des foyers allaient être privés d’électricité entre quatre et douze heures par jour.
Aucun des combustibles nécessaires aux transports et aux générateurs de secours n’est entré dans l’enclave palestinienne : ni pétrole (bloqué depuis le début du mois de novembre), ni gaz domestique. Les hôpitaux de Gaza semblent alimentés en énergie grâce à des livraisons clandestines provenant d’Egypte et transitant par les tunnels frontaliers. Ces livraisons sont, paraît-il, gérées et taxées par le Hamas. Néanmoins, depuis le 23 novembre, deux hôpitaux de Gaza sont à court de gaz.
Nous assistons aujourd’hui à l’effondrement de toute une société, mais la communauté internationale reste inerte. Les seules mises en garde émanent des Nations unies, et elles sont largement ignorées. En quoi le fait de priver les habitants de Gaza de nourriture et de soins médicaux pourrait-il aider à mettre les Israéliens à l’abri des roquettes Qassam ? En quoi l’état des souffrances et de la misère des enfants gazaouis – qui représentent plus de la moitié de la population – peut-il être profitable à qui que ce soit ? Le droit international et la décence humaine exigent leur protection.