En poste à Gaza depuis quinze mois, Suzanne Leuenberger a vécu avec les Palestiniens l’horreur des bombardements israéliens. L’employée des Nations unies a quitté hier le territoire, pour des vacances prévues de longue date.
Le Temps : Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez vécu ces derniers jours ?
Suzanne Leuenberger : C’est une expérience traumatisante, pour nous, mais surtout pour les gens qui ne peuvent pas quitter la bande de Gaza. Les enfants, surtout, ont très peur. Il n’y a quasiment plus d’électricité ; la population vit dans le noir, sans chauffage, avec des fenêtres cassées par les bombardements. On ne sait jamais quand ni où ça va tomber. Il n’y a pas de caves pour se protéger et les maisons sont en mauvais état. Il est impossible de faire des frappes à Gaza sans toucher de civils, c’est tellement dense. Les morts et les blessés s’accumulent. Les hôpitaux sont débordés, ils n’acceptent plus que les blessés graves. Ils n’ont ni la place ni les moyens.
– Quelles sont les priorités ?
– La plupart des points d’entrée dans le territoire sont fermés, il faut absolument qu’Israël autorise une ouverture. Nous avons pu faire rentrer un peu de médicaments, de farine, d’huile, mais ça ne suffit pas. En théorie, pour nourrir 750000 Palestiniens, l’Unrwa a besoin de 100 camions de farine par jour, on en a livré 100 en tout. La majeure partie de la population dépend de notre aide.
– Avez-vous constaté un ressentiment de la population vis-à-vis du Hamas, ou seulement de la colère contre l’Etat hébreu ?
– Je n’ai entendu personne critiquer le Hamas, les gens sont surtout en colère contre ceux qui leur envoient des bombes sur la tête. Mais de toute façon, ils parlent très peu de politique, ils sont trop occupés à survivre, ils ont peur et se préparent au pire.
– Israël a autorisé les étrangers à partir. Y a-t-il eu un mouvement de masse ?
– Les humanitaires sont restés, mais nombre d’étrangers mariés à des Palestiniens en ont profité pour quitter le territoire, ce qu’ils n’avaient pas eu le droit de faire depuis des années.