Est-ce la fin de l’ère Benjamin Nétanyahou ? L’inculpation pour corruption du Premier ministre israélien au moment précis où les députés doivent se prononcer sur le prochain chef de gouvernement pourrait précipiter la fin du règne du « roi Bibi », estiment les commentateurs.
Pour la première fois de son histoire, Israël se réveille avec un Premier ministre inculpé. Et de surcroît pour corruption, abus de confiance et malversation dans trois affaires différentes, pire scénario envisagé par Benjamin Nétanyahou depuis que la justice a commencé à s’intéresser à lui.
En coulisses, certains pensent que le procureur général Avichaï Mandelblit allait abandonner des chefs d’accusation, voire tout le dossier contre M. Nétanyahou, plus pérenne des Premiers ministres israéliens, au pouvoir depuis dix ans sans discontinuer. Mais le procureur général l’a inculpé [le 21 novembre] sous tous les chefs d’accusation possibles pour les faits qui lui sont reprochés dans une saga judiciaire qui pourrait, elle, s’éterniser.
A court terme, c’est véritablement le pouvoir de Benjamin Nétanyahou, chef du parti de droite Likoud, qui est remis en cause. Pourquoi ? M. Nétanyahou n’a pas réussi à rallier 61 députés, seuil de la majorité parlementaire, pour former un gouvernement au terme des élections anticipées d’avril, puis de septembre. Son rival, le centriste, Benny Gantz, a échoué également dans cette tâche et le président israélien Reuven Rivlin a dû la confier jeudi au Parlement lui-même.
« La fin est claire »
Au cours des trois prochaines semaines, les élus israéliens doivent donc choisir entre trouver un nouveau Premier ministre capable de rallier une majorité ou mener le pays vers de troisièmes élections en moins d’un an.
« Sans tenir compte des questions morales et légales, la situation politique du Premier ministre est douloureusement claire : ses chances d’atteindre 61 sièges sont quasi inexistantes, et donc telles sont aussi ses chances de former un 5e gouvernement », résume Amit Segal, commentateur marqué à droite au quotidien Yediot Aharonot.
« La fin est claire. La question à présent est de savoir à quelle point la route sera cahoteuse », écrit Yehuda Yifrah, commentateur de l’hebdomadaire Makor Rishon, aussi marqué à droite, la famille politique de M. Nétanyahou, Premier ministre sortant.
Benny Gantz, ex-chef de l’armée, qui convoite le poste de Premier ministre, a appelé à la « démission » de son grand rival après son inculpation.
Déjà en début de semaine prochaine, M. Nétanyahou pourrait perdre des plumes, car les lois israéliennes interdisent à un ministre, et non au Premier ministre, de rester en fonction s’il est inculpé.
Or, en plus du poste de Premier ministre, en sursis jusqu’aux délibérations des députés, M. Nétanyahou cumule les portefeuilles de l’Agriculture, de la Santé, des Affaires sociales et de la Diaspora, dont il devra vraisemblablement se départir.
Maître dans l’art de la survie politique, Benjamin Nétanyahou, 70 ans, a promis « de ne pas abandonner », dénonçant « un coup d’Etat » contre lui ourdi par la justice.
Il a appelé à « enquêter sur les enquêteurs », à la base du dossier contre lui, et ses partisans à se mobiliser en masse en sa faveur, alors qu’une manifestation anti-Nétanyahou est prévue en milieu de journée à Tel-Aviv.