Décembre 2006. Mandatée par le bureau national de l’AFPS, je participais à la mission organisée par la Coordination européenne des comités Palestine (CECP). Suite aux élections législatives remportées par le Hamas, le nouveau gouvernement était boycotté par les Etats-Unis et l’Union européenne.
La mission européenne terminée, je devais rencontrer pour notre association des personnalités politiques et syndicales palestiniennes issues de l’ensemble de l’éventail politique.
Parmi eux/elles, qui me fit forte impression, Hani Al Hassan [1], figure historique de la lutte nationale, l’un des membres fondateurs du Fatah. Physiquement, il en imposait par son autorité naturelle, son maintien, sa courtoisie. Intellectuellement aussi, à cela s’ajoutait une fine intelligence politique. Il était alors responsable du Fatah en Cisjordanie et membre du Comité Central. Il avait été l’un des proches de Yasser Arafat sans toujours souscrire à ses choix (notamment il avait été très critique des accords d’Oslo et des négociations bilatérales avec Israël).
Resté proche du peuple palestinien, il était favorable à un gouvernement d’unité nationale qu’il tenait pour essentielle. Il considérait impossible la mise hors-jeu du Hamas, alors qu’historiquement il y avait toujours eu en Palestine des courants religieux, parties intégrantes du peuple palestinien, même si, laïque comme le Fatah dont il était, il affirmait « la religion est pour Dieu, et la patrie pour tous ».
Il fit pour nous une analyse complexe et complète de la situation politique palestinienne, israélienne et internationale.
Sans illusions sur la politique menée par ce qu’il est convenu d’appeler la « communauté internationale », il avait souligné le rôle négatif des Etat Unis dont le président Abbas n’avait rien obtenu à part des balles et des fusils pour frapper le Hamas ! … et l’attitude de l’Europe qui se contentait de regarder, alors qu’il aurait souhaité un plus grand rôle de la France et de l’Europe. « La paix est possible dans les trois mois, si les Etats-Unis le veulent », disait-il.
Lorsque je quittai son bureau, à l’issue de l’entretien, j’eus le sentiment qu’à défaut d’avoir eu le privilège de rencontrer Yasser Arafat de son vivant, j’avais eu celui de rencontrer un homme d’Etat véritable et l’un des leaders historiques de la lutte pour l’indépendance de la Palestine.
Quelques mois plus tard le président Abbas préférera écouter et soutenir le sulfureux Mohamed Dahlan dans le conflit qui opposera le Fatah et le Hamas dans la bande de Gaza, plutôt que le très clairvoyant Hani Al Hassan, ce qui consacrera de fait l’implosion de l’unité palestinienne.