Juste quelques semaines après le début de l’Intifada d’al-Aqsa en 2000, j’ai été séduit et attiré par une idée originale pour résoudre le conflit palestino-israélien, laquelle continue à me séduire 18 ans après. Les grandes lignes de ce projet — l’acceptation de la solution à deux états, Israël et la Palestine, vivant dans la paix et la sécurité l’un à coté de l’autre, sur la base des frontières du 4 juin 1967 [1] — demeurent valables à condition que les trois conditions suivantes soient respectées :
- La séparation entre les deux états serait - ou doit être - de nature politique, sans être assortie par le genre de stricte séparation géographique et démographique préconisée et soutenue par les gouvernements israéliens successifs et par les partis politiques traditionnels.
- Partenariat entre les deux états sur les questions pour lesquelles la division est difficile et non souhaitable.
- Préservation de l’unité du pays et respect de l’attachement de ses habitants, qu’ils soient Arabes ou Juifs, pour l’ensemble du pays ou pour une partie de celui-ci, que cet attachement soit psychologique et affectif, religieux ou historique.
L’idée est simple et suffisamment claire, même si ses implications, les engagements qu’elle entraîne, et sa mise en oeuvre, nécessitent des clarifications. Elle demanderait des modifications significatives à la solution à deux états mais ne modifierait pas son essence ou n’affecterait pas sa dynamique principale.
D’une part, cette idée est en prise de façon sérieuse avec l’exigence fondamentale des Israéliens juifs de préserver Israël en tant qu’état dont la majorité des citoyens sont juifs. D’autre part, elle est aussi en prise de façon sérieuse avec l’exigence fondamentale palestinienne d’un état palestinien indépendant sur la base des frontières du 4 juin 1967, et du retour des réfugiés, ou au moins de ceux qui le souhaitent, que ce soit vers l’état palestinien ou vers leur foyer dont ils ont été déracinés en 1948. De plus, elle offre une approche plus prometteuse pour être en prise de façon sérieuse avec les autres problèmes épineux, tels que Jérusalem et les colonies.
Réfugiés : Tout réfugié palestinien sera en mesure d’exercer son droit au retour, que ce soit vers l’état de Palestine en tant que citoyen aux droits égaux, ou vers Israël en tant que résident permanent, dont les droits de citoyenneté seraient réalisés dans l’état palestinien. Cette distinction entre droits de citoyenneté et droits de résidence rendrait le droit au retour plus facile à avaler, particulièrement pour les Israéliens juifs qui mettent l’accent sur un état dans lequel les Juifs constituent la majorité des citoyens.
Colonies : Une fois qu’il y aura eu un accord sur les frontières entre les deux états, les colons juifs se retrouvant avec les frontières de l’état palestinien seraient en mesure de choisir de rester partout où ils sont – naturellement, sans leurs privilèges actuels – soit en tant que citoyens palestiniens avec des droits égaux, soit en tant que résident permanents dans l’état de Palestine, exerçant leur droit de citoyenneté dans l’état d’Israël. Dans la plupart des autres formulations, les colonies demeurent un problème difficile impossible à résoudre. L’annexion des colonies à Israël, mêmes en tant que blocs, diminuerait la viabilité et l’attrait d’un état palestinien. Évacuer les colons et démanteler les colonies, ou les principaux blocs de celles-ci, serait dur à assumer pour tout gouvernement israélien.
Jérusalem : Même selon les scénarios diffusés actuellement, la solution sous tous ses aspects pour Jérusalem combine partage et partenariat, étant donné que certaines des dimensions du problème de Jérusalem ne peuvent pas être divisés entre deux états. Nous avons donc besoin de décomposer les éléments de ce problème complexe, et de distinguer ceux qui peuvent soumis à une division et ceux qui ne le peuvent pas. Le projet bâti sur cette idée envisage Jérusalem comme une ville ouverte, unifiée au niveau municipal, avec Jérusalem-Ouest étant la capitale d’Israël et sous sa souveraineté, et Jérusalem-Est étant la capitale de la Palestine et sous sa souveraineté. Les habitants arabes de Jérusalem seraient citoyens de la Palestine, tandis que les Juifs de Jérusalem resteraient, comme ils le sont, citoyens d’ Israël.
Le pays dans son ensemble resterait un bloc et un espace physique, en ce qui concerne la main d’oeuvre, les déplacements, et la résidence. De cette façon, à la fois les Palestiniens et les Juifs israéliens ressentirait que le pays tout entier est le leur, même s’ils étaient citoyens d’un état qui n’est qu’une partie de ce pays. C’est une faute, au mieux, et une tromperie, au pire, de sous-estimer l’importance d’accorder du crédit à cet attachement.
Enfin, puisque la solution à un état est un rêve lointain, et puisque la solution à deux états, telle qu’elle est répandue et défendue selon les points de vue palestinien, arabe et international, a commencé à se fissurer et à s’effondrer à la suite des positions et pratiques israéliennes continues, ne devrions nous pas être en prise de façon sérieuse avec des idées telles que celles esquissées ici ? Je le pense. Et aux sceptiques et aux peureux des deux côtés je dis : ayons une discussion franche et honnête !
Le Dr Said Zeedani est professeur associé de philosophie à l’Université Al-Quds University. Une version de cet article a été publiée initialement en arabe dans Al Hayat.
Traduit de l‘anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers