Comme espéré dans le Palestine Solidarité de juin 2004, l’accès à l’eau potable des habitants d’El Haddalin (village de bédouins sédentarisés au sud de Hébron) a pu, cet été, être amélioré, mais avec toujours l’obligation pour les habitants d’un transport à dos d’âne sur de longues distances. Contrairement à ce qui était prévu le chantier n’a pas été conduit par Hydraulique sans Frontières (HSF), ni financé par le Collectif de Caen et l’AFPS...
Un changement dans la conduite du projet initial
Au printemps dernier, les tergiversations des Israéliens - interdiction des travaux, puis accord oral pour leur reprise, une fois que nous étions de retour en France - avaient entraîné une nouvelle situation. Nos interlocuteurs palestiniens nous faisaient savoir en juin, qu’ils ne pouvaient attendre l’automne pour achever le chantier, alors qu’HSF n’était en mesure d’envoyer une mission qu’à la mi-septembre.
A la mi-août, le Président du Joint Service Council (JSC), structure locale regroupant les communes entourant Yatta, nous apprenait que l’adduction d’eau était en cours de réalisation par une ONG locale avec des fonds anglais ! Il nous incitait à nous investir sur autre projet dans la même région, sans nous fournir plus de précisions. HSF décidait alors de transformer la mission prévue en mission de prospection et de préparation pour un ou plusieurs chantiers ultérieurs. C’est ainsi que fin septembre, avec une ingénieur de HSF, nous étions de retour à Yatta.
Sur place nous avons eu les explications de la rupture, par le JSC, de la convention signée avec HSF : d’une part la pression des populations bédouines dans cette région semi-désertique à l’approche de l’été ; d’autre part, la prise en charge, pendant plusieurs mois, par l’ONG locale, des salaires du personnel du JSC, grâce à des fonds du gouvernement britannique.
Vers l’achèvement du projet ?
Ne parlant plus de la ‘’région bédouine’’ , le JSC nous a proposé quelques projets peu convaincants (par exemple relier une école à un réseau existant, alors que l’eau ne coule dans les canalisations que un ou deux jours tous les deux à trois mois), comme si l’impératif était de réaliser quelque chose, quelle qu’en soit l’utilité sociale...
A trois jours de notre départ, au cours d’une réunion que nous avons provoquée, le représentant du village d’El Haddalin nous prenant à partie s’est opposé très vivement au Président du JSC. En contrepartie de l’importante participation financière (2000 $) demandée par le JSC à la municipalité d’El Haddalin pour l’adduction d’eau réalisée durant l’été (les travaux réalisés avec des canalisations métalliques ont coûté près de quatre fois plus cher que ceux proposés par HSF), il avait été promis que les fonds et l’assistance française permettraient l’arrivée de l’eau à proximité immédiate des habitations du village, ce que visiblement le JSC n’envisageait plus. Pourquoi ? Pour ne pas concentrer l’aide sur un village ?
Finalement, grâce à la médiation du représentant d’un autre village bédouin, le lendemain matin le président du JSC donnait son accord pour étudier le projet. Celui-ci, finançable par l’enveloppe de 6000 € prévue, et qui améliorera les conditions de vie d’un millier de personnes vivant dans des conditions misérables, nous est apparu comme celui à retenir en priorité et à réaliser au printemps prochain. Une nouvelle convention est en préparation. Mais l’accord s’est fait à l’arraché. Le président du JSC aurait aimé pouvoir affecter les 6000 € confiés à HSF à d’autres projets qu’il jugeait plus urgents.
Quels enseignements en tirer pour d’autres projets ?
Notre mission nous a permis de mieux comprendre la question de l’eau dans la région de Yatta et le rôle clé de la Palestinian Water Authority (PWA). Dans cette région, lorsque un réseau d’adduction d’eau existe, il ne fonctionne, surtout en été, que quelques jours tous les 2 à 3 mois. Il permet alors d’alimenter les citernes à partir desquelles les habitants se ravitaillent. La demande prioritaire est donc le financement et la réalisation de citernes individuelles ou collectives.
Là où il n’y a pas de réseau pour l’eau, il n’est pas envisageable pour l’instant d’en créer, faute de ressources en eau. Les espoirs reposent, à un horizon estimé de 1 à 4 ans selon les interlocuteurs, sur la réalisation de nouveaux aqueducs à partir de ressources aquifères à l’Est d’Hébron... si le projet de Mur ne conduit pas à l’annexion de ces ressources !
En ce qui concerne tout projet hydraulique, la PWA joue un rôle incontournable.Elle a une connaissance à la fois globale et précise de la conception et du fonctionnement des réseaux de la Cisjordanie. Son rôle est d’évaluer les besoins et les priorités, de monter les dossiers d’autorisation et de mieux coordonner tous les projets relatifs à l’eau, année après année.
Elle œuvre aussi à faire émerger les projets et aide les municipalités à les monter. La PWA finance certains projets (dont elle est maître d’œuvre ou qu’elle sous-traite) et travaille à trouver des financements pour d’autres projets dont le financeur peut être le maître d’œuvre.
Ainsi donc, si un groupe local a un projet, il convient de contacter l’Unité de Pilotage des Projets (PMU) de la PWA. Une autre démarche est de s’engager à soutenir un projet proposé par la PWA .
Notre expérience nous a montré qu’il est difficile de mener un projet sans être sur place. A distance, internet ou fax et une langue commune sont essentiels. Il est nécessaire aussi d’avoir à l’esprit que les circonstances actuelles contraignent les Palestiniens à rechercher en priorité des bailleurs de fonds.
Malgré les difficultés rencontrées, nous avons bon espoir qu’au printemps prochain l’eau arrivera aux trois regroupements d’habitations des familles composant la population d’El Haddalin, grâce au projet conduit par HSF, projet d’ores et déjà déposé auprès de la PWA.
Sa réalisation devrait ajouter, à son utilité sociale, l’apaisement de tensions politiques locales et être l’occasion d’associer à nouveau de façon exemplaire des Palestiniens, des Israéliens (Ta’ayush y enverra des volontaires) et des Français.