Lundi 20 décembre 2004, 15h30, au nord de Jérusalem, à dix kilomètres de Ramallah. Dernier check point.
Après une heure de route, je descends du bus avec une vingtaine de passagers palestiniens. Je récupère mon sac à dos, passage à pieds par de longues files d’attente, contrôle d’identité avant de reprendre un autre bus.
La ville de Ramalah en Palestine (80.000 personnes) est le centre politique et administratif de la Cisjordanie.
Depuis le transfert de l’Autorité palestinienne en décembre 95, ce centre universitaire et culturel très important, abrite également le Conseil législatif palestinien, la plupart des ministères, les délégations internationales, les bureaux des ONG et les moyens de communications privées et nationaux.
Ramallah, mardi 21 décembre, 19h30.
La nuit est tombée depuis deux heures déjà, c’est du bar du Ziryab que je rapporte les événements de cette journée. Je suis au troisième étage d’un immeuble du centre ville de Ramallah, dans le bar du restaurant le Ziryab. S’y retrouvent les Palestiniens et les Européens des associations humanitaires, des ONG, les journalistes et les Palestiniens du monde des affaires. Lumière tamisée et fond de musique arabe, autour d’un verre de vin local, d’une bière et d’une assiette d’houmous. Il y a presque autant de femmes que d’hommes, elles sont jeunes et souvent très belles.
Ramallah, le même jour à 11h30, place Al Manara.
La place des Lions de Ramallah, se remplit de groupes de jeunes, filles et garçons, portant des drapeaux et des banderoles aux couleurs verte, blanche et rouge de la Palestine. Beaucoup d’entre eux tiennent également des portraits du président Arafat, décédé à Paris il y a 40 jours. Le rassemblement atteint bientôt 1000 à 1500 personnes. En cortège ils se dirigent vers la Moqata, à 1,5 km, où se trouve la tombe du leader historique palestinien. Des chants et des slogans à sa gloire sont repris par tous et emplissent la ville. Les passants pour la plupart acquiescent et certains applaudissent ce débordement joyeux. En tête, symboliquement, cinq jeunes cagoulés, en tenue de combat, matraques, haches et pistolets factices à la main. Ils longent le haut mur de protection qui entoure la Moqata et arrivent devant l’entrée principale.
Le service d’ordre, assuré par des militaires palestiniens ‘’bon enfants’’, fait entrer les jeunes par petits groupes après s’être assurés qu’ils ne portaient pas d’armes. Avec quelques étrangers, journalistes et humanitaires nous entrons avec eux.
A l’intérieur du sanctuaire de la Moqata.
C’est dans la Moqata que vivait le président Arafat, isolé du reste de la Palestine, avant son départ pour Paris pour des observations médicales. Sur un immense parvis, plusieurs milliers de femmes, d’enfants et d’homme de tous âges, de toutes conditions. Ils chantent et reprennent de longues incantations à l’unisson. Une très forte émotion touche chacun de nous à la présence de cette ferveur, quand plus forte encore, une immense clameur s’élève dans le ciel bleu de Ramallah.
Sur un promontoire de terre entourée d’une pelouse, se dresse une immense structure de verre. Elle abrite la dépouille du chef historique vénéré. Un service d’ordre militaire en tenue de parade tente difficilement de contenir tous ceux qui veulent y entrer pour lui rendre un hommage personnel, pour l’anniversaire des 40 jours après sa mort terrestre. Des classes de jeunes enfants, filles et garçons en uniforme de leurs écoles, accompagnés de leurs professeurs passent en priorité et font le tour de la tombe recouverte de couronnes de fleurs et du drapeau palestinien. Aux quatre angles un piquet d’honneur de soldats imperturbables.
Ils s’inclinent respectueusement, certains prononcent quelques versets du Coran et ressortent, tous visiblement très émus. Ils reprennent aussitôt les chants avec ceux qui sont à l’extérieur.
Un dernier contrôle pour les délégations officielles. Elles sont reçues par le président du Parlement palestinien Rawhi Fattouh qui assure jusqu’à l’élection présidentielle l’intérim à la tête de l’Autorité, depuis la disparition du Président Arafat, en attendant les élections, délai prévu par la Loi fondamentale. Des dignitaires des religions musulmane, juive et chrétienne, de nombreux notables, des femmes et des hommes politiques palestiniens, des représentants du Croissant rouge, des ONG, du monde associatif et humanitaire, vont présenter à l’Autorité palestinienne, leur respect à la mémoire du chef politique et militaire disparu.
Il est 15h30, sous le soleil déjà couchant la foule se disperse lentement, les cameramen prennent les derniers plans sous le ciel bleu de décembre.
Le 9 janvier 2005 prochain, 60 jours après la disparition du 1er président palestinien, se déroulera la première élection présidentielle de la jeune démocratie palestinienne de l’après Arafat.
Comme les dernières élections municipales du 24 décembre 2004, l’organisation et le vote lui-même s’effectueront sous contrôle international.
Plusieurs centaines d’observateurs de plusieurs pays, dont déjà sur place, une mission du Parlement européen conduite par l’ancien premier ministre français Michel Rocard.