Depuis 2009 au moins, Stéphane
Hessel n’a cessé de dénoncer
la politique du gouvernement
israélien. Il a qualifié l’opération militaire
contre Gaza de crime de guerre et même
de crime contre l’humanité. En mai dernier,
il dénonçait « l’impunité scandaleuse » dont
jouit ce gouvernement qui bafoue le droit
international. Le 10 juin, après l’attaque
sanglante contre la flottille cherchant à
briser le blocus de Gaza, il prônait le boycott
des produits israéliens, tout comme il
y eut un mot d’ordre de boycott contre
les produits sud-africains du temps de
l’apartheid : « Je crois que l’initiative BDS
(boycott, désinvestissements, sanctions) est
une stratégie morale qui a démontré son
potentiel de réussite. »
Cette campagne, qui a
obtenu de beaux succès en Europe du Nord
et en Allemagne, commence à se développer
en France. Insupportable pour les soutiens
inconditionnels de la politique israélienne.
Un certain Sammy Ghozlan porte plainte en
tant que directeur du « Bureau national de
Vigilance contre l’Antisémitisme » (BNVA). Ce
« directeur », ancien commissaire à la retraite,
délégué du CRIF (Conseil représentatif des
institutions juives de France) pour la Seine-
Saint-Denis, n’en est pas à son premier fait
d’armes. En juillet 2004, par exemple, il avait
informé la presse d’une agression antisémite
dans le RER D avant que, quatre jours plus
tard, on découvre que la victime avait
tout inventé ! Sammy Ghozlan se glorifie
d’avoir déposé quelque 80 plaintes contre
des Français engagés dans la campagne
Boycott-Désinvestissements-Sanctions.
Stéphane Hessel n’est que le plus célèbre.
Qu’on ne prenne pas ces plaintes à la légère.
On se souvient qu’en 2005, la Cour d’appel
de Versailles avait condamné Edgar Morin
pour « diffamation raciale » envers le peuple
juif. Le sociologue avait dû aller jusqu’à la
Cour de cassation pour obtenir l’annulation
de cette condamnation infamante.
Les consignes de Michèle Alliot-Marie
Le 19 février dernier, au dîner du CRIF de
Bordeaux, la ministre de la Justice et garde
des sceaux, déclarait : « Je n’accepte pas
que des personnes responsables associatifs,
politiques ou simples citoyens appellent au
boycott de produits au motif qu’ils sont cashers
ou qu’ils proviennent d’Israël. Je souhaite que le
parquet fasse preuve de davantage de sévérité
à ce sujet. J’ai donc adressé une circulaire
aux parquets généraux, leur demandant
d’identifier et de signaler tous les actes de
provocation à la discrimination. J’entends
que tous les auteurs d’actes soient poursuivis
dès qu’ils auront été identifiés et notamment
quand les appels auront été faits sur internet. »
Bien entendu, les militants de la campagne
BDS n’appellent nullement à boycotter les
produits cashers ! [1]
Déjà, à Bordeaux, une militante a été
condamnée pour avoir apposé, dans
un magasin Carrefour, un autocollant
« Boycott Apartheid Israël » sur un produit,
en l’occurrence une bouteille de jus de fruit
soupçonnée de provenir d’une colonie en
Cisjordanie [2]. Carrefour, qui avait porté plainte
pour dégradation, fut débouté, mais le
tribunal a requalifié la plainte en « incitation
à la discrimination raciale », à l’avantage
de deux associations, « Avocats sans
frontières » et la chambre de commerce
France-Israël. La militante a été condamnée
à une amende de 1 000 euros. Le tribunal
a utilisé l’article 24, alinea 8, de la loi sur la
presse de 1881 qui réprime « l’incitation à
la haine raciale ». Quel détournement de la
loi !
Cinq militants sont convoqués devant
le Tribunal correctionnel de Mulhouse
pour avoir distribué des tracts appelant au
boycott des produits israéliens. D’autres
sont appelés à comparaître ailleurs encore.
Le 14 octobre prochain, c’est une sénatrice
« verte », Alima Boumediene, qui doit
comparaître devant le tribunal de Grande
instance de Pontoise, sur la plainte du
même Sammy Ghozlan et toujours parce
qu’elle soutient le boycott des produit
israéliens, action assimilée à « incitation
à la haine raciale ». Alima Boumediene-
Thiery, 54 ans, s’est fait remarquer pour son
engagement sur les questions sociales. Il
est clair que le gouvernement français s’est
engagé à fond dans la répression de toute
action citoyenne, et non-violente, contre la
politique extrémiste de Netanyahu et de son
ministre raciste Lieberman.
P.S. Encore une précision : Sammy Ghozlan vient de
recevoir, le 12 juillet dernier, la légion d’honneur, des
mains de Brice Hortefeux.
Stéphane Hessel, 92 ans, né
à Berlin, d’origine juive par
son père, a fui le nazisme.
Résistant français et déporté
à Buchenwald, il fut un des
rédacteurs de la Déclaration
universelle des droits de
l’homme en 1948, puis
ambassadeur de France durant
de longues années. Il vient
d’être mis en examen, le
24 septembre 2010, pour
« incitation à la haine raciale ».