Trois militants thionvillois de France-Palestine Solidarité se sont rendus au Proche Orient le mois dernier pour y dresser un constat amer : la situation sur place ne cesse de se dégrader. Retour sur leur voyage en cinq maux.
La rue des Martyrs à Hébron : la chaussée est désormais séparée en deux par une grille qui maintient Israéliens et Palestiniens à distance.
Chaque année, une sorte de pèlerinage est organisée sur les lieux où se trouvait le village de Damoun, l’un des villages palestiniens disparus, avant 1948 .
Bethléem : vue sur une partie des 700 km de mur de séparation érigés par Israël depuis 2002.
Quinze jours c’est peu. Mais à la faveur de leur périple, Grégory Kotoy, Mariangeles Espinola Vega et Laurence Baur, les trois militants de l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS) qui se sont joints à une délégation Grand Est envoyée sur place, ont pu voir énormément de choses. En Israël comme en Cisjordanie, de Jérusalem à Tel Aviv, Nazareth ou Bethléem, en passant à Haïfa, Hébron, Ramallah et Naplouse, deux constats : partout les populations souffrent d’être simplement palestiniennes et pourtant, elles parviennent à vivre, bâtir, espérer malgré les contraintes.
« C’est ce qu’ils appellent le sumud en arabe : un mélange de résilience et de résistance qui est assez incroyable… », explique Grégory Kotoy. Pourtant, les maux dont ils souffrent sont profonds.
Colonisation
Elle a progressé de manière « spectaculaire » assure Mariangeles Espinola Vega qui s’était rendue une première fois en Cisjordanie en 2011 : « Dans les quartiers de Silwan où il y avait quelques drapeaux israéliens sur les maisons, aux fenêtres des immeubles, il y en a aujourd’hui des dizaines… Et les patrouilles de soldats qui vont avec dans ces quartiers. À Hébron, c’est la même chose. » Les militants dénoncent une politique délibérée qui va bien au-delà de la seule occupation : « Avec l’implantation des colons viennent les check points, les restrictions de liberté, de circulation, les vexations et provocations diverses. Tout cela dans un but : repousser les Palestiniens toujours plus loin. »
Pauvreté
Empêchés de se déplacer librement – « aller visiter un parent à Jérusalem peut prendre des jours alors que les distances sont courtes », explique Mariangeles Espinola Vega –, d’accéder à certaines fonctions, les Palestiniens font face à de grandes difficultés, « encore renforcées à Jérusalem est par des différences de traitement flagrantes en termes d’investissements publics… », souligne Grégory Kotoy. Pour autant, « personne ne dort dehors », constatent encore les deux militants mettant en avant les solidarités communautaires qui se sont développées.
Insécurité
L’armée et la police sont partout et pourtant « l’atmosphère est étouffante », souligne Mariangeles Espinola Vega. Pour Grégory Kotoy, dont c’était le premier voyage sur place, « croiser un colon en civil avec son fusil d’assaut à l’épaule, cela fait un drôle d’effet… » Une ambiance qui traduit ce paradoxe : « On a le sentiment qu’ils vivent ensemble et séparés en même temps avec des droits et des devoirs différents. Je n’ai pas fait l’expérience du régime d’apartheid de l’Afrique du sud, mais j’imagine que cela devait être comparable… », lance Grégory Kotoy.
Enclavement
La délégation ne s’est pas rendue à Gaza, à feu et à sang actuellement. Mais la situation d’enclavement est sensiblement la même dans les autres territoires : partout les check points rendent la circulation des biens et des personnes compliquée voire impossible. « À Wadi Fukin, près de Bethléem, quand je suis venue en 2011, il y avait quelques maisons de colons israéliens sur les collines environnantes. Aujourd’hui, elles sont partout et comme le village est au creux d’un val entouré de collines, il est complètement bloqué… », explique Mariangeles Espinola Vega.
Mémoricide
En Terre sainte, la mémoire est un enjeu et les usages politiques du passé sont légions. Les « fouilles archéologiques qui sont menées autour de l’Esplanade des mosquées ou dans le secteur de Silwan près de Jérusalem par exemple sont très loin de faire l’unanimité au sein même de la communauté scientifique israélienne elle-même dont une partie crie à l’instrumentalisation », explique Grégory Kotoy. Dans quel but ? Montrer que l’occupation juive de ces territoires est antérieure à tout autre. Côté palestinien, c’est autre chose : « Il y a eu plus de 500 villages détruits après la Nakba(littéralement, la catastrophe, c’est-à-dire l’exode massif après la création de l’État d’Israël en 1948). Aujourd’hui, les témoins de l’époque sont de moins en moins nombreux : des visites de certains sites comme celui du village de Damoun sont organisées. Pour transmettre le souvenir. Mais c’est compliqué. Il y a une tentative de mémoricide en cours », s’insurge Grégory Kotoy.
Photos : DR AFPS