Ce livre-bilan était nécessaire.
De mars 2003 à novembre 2005
Leila Shahid et ses compères,
Dominique Vidal et Michel Warschawski
ont sillonné les centres-villes
et les banlieues françaises pour parler,
pour échanger, pour débattre sur la
Palestine, sur Israël, sur les perspectives
de paix et ses impasses. En même
temps ils ont été amenés à se confronter
au public sur la manière dont le
conflit israélo-palestinien est représenté,
raconté et aussi instrumentalisé
dans la société française.
Un Palestinien, un Israélien, un Français
présentant ensemble à partir de leur
culture propre toute la problématique
du conflit devant les milliers de personnes
et en particulier devant les jeunes
Français d’origine arabe constitue une
expérience singulière dont le bilan méritait
d’être présenté.
C’est ainsi que les protagonistes de ce
Tour de France original vont être amenés
à préciser la substance de leur voyage
au coeur d’une société française plurielle
en crise et en perte de repères.
L’échange a été « franc et massif »,
l’écoute exceptionnelle. En même temps
l’émotion était au rendez-vous d’une
démarche fondée d’abord sur la rationalité
politique. Un ensemble de
moments intenses et forts. On retrouvera
donc, synthétisés dans un langage clair,
très accessible, l’ensemble des thèmes
qui ont traversé et animé le débat sur
la question palestinienne pendant cette
deuxième Intifada : sur le terrorisme,
sur la lutte armée, sur le racisme, l’antisémitisme,
l’islamophobie, sur la politique
de l’Etat israélien, sur le concept - et la politique - du « clash des civilisations
». Tout est présenté avec une
pédagogie concrète que pourraient envier
de nombreux enseignants...
Une leçon d’histoire en même temps
pour un conflit dont la profondeur historique
est sans pareil mais sans laquelle
on ne peut parler sérieusement des
enjeux qu’il porte. La nécessité pour
les Palestiniens, en particulier, de comprendre
le lien entre le processus sioniste
et la Shoah, souvent rappelé par
Edward Saïd, expliqué à la fois par
Leila Shahid et Michel Warshawski,
relève de cette mémoire historique indispensable.
Et bientôt, à travers un raisonnement
politico-historique d’une logique implacable,
le conflit n’apparaît plus seulement
comme une confrontation entre Palestiniens
et Israéliens : il devient vite le paradigme
des tensions qui traversent le
monde... et donc la France. Une France
dont la mémoire historique nationale est
donc sérieusement interpellée, sur le
colonialisme, sur son rapport avec le
monde arabe, la « question juive » et
Israël etc... Bref la spécificité française
est aussi mise en relief à partir de la
question palestinienne qui amène également
à s’interroger sur les effets de
longue durée d’une histoire déformée,
occultée ou mal assimilée, et surtout sur
les déformations insidieuses dans les
discours politico-culturels dominants
(voir le débat sur la réhabilitation du
colonialisme) et dans la propagande quotidienne.
En un mot si l’on pense que lire, savoir,
comprendre et distinguer sont les procédures
nécessaires de l’intelligence,
alors ceux qui aiment la Palestine et qui
ont à coeur de construire un mouvement
de solidarité à la hauteur des défis en
Palestine mais aussi en France auront
avec ce livre un indispensable manuel
de base qui, sans pathos inutile, avec les
armes de la raison, nous donne des raisons
fortes d’une solidarité internationaliste
politiquement mais aussi éthiquement
fondée.
Bernard Ravenel
« De même, les intellectuels
arabes, aujourd’hui
français, d’origine marocaine,
tunisienne, algérienne, syrienne,
libanaise, souvent exilés
politiques, progressistes, certains
enseignant à l’université ou
écrivant et étant publiés en
français, ont-ils leur part de
responsabilité. La majorité d’entre
eux n’entretient pas le moindre
contact indispensable avec ces
jeunes, elle est absente de leur
réflexion politique et culturelle,
tout comme une grande partie de
l’intelligentsia française. Un tel
constat de défaillance a sans
doute plus d’un niveau
d’explication. En tout état de
cause, on ne peut que regretter
cet enfermement dans des tours
d’ivoire des centres-villes où ils
vivent et travaillent, au détriment
de la périphérie. (...)
J’aurais donc envie de lancer un
appel aux intellectuels arabes
pour qu’ils fassent l’effort du
déplacement dans ces territoires
qui ne sont pas forcément les
leurs, mais où ils découvriraient la
force du contact réel avec des
jeunes en demande. »
Extraits de la page 18.
Intervention de Leila Shahid