Alors que les combats font rage dans le sud de la Syrie, d’autres régions aspirent à retrouver une vie stable après des années de guerre, comme à Yarmouk, cet immense camp de réfugiés palestiniens devenu un quartier important du sud de Damas, la capitale. La guerre a ravagé cette zone, qui a notamment été contrôlée par le groupe Etat islamique avant d’être reconquise par le régime cette année.
Chassés par les années de combats, les quelque 160 000 habitants de Yarmouk ont connu un nouvel exil, raconte Pierre Krähenbühl, le directeur de l’UNRWA, l’agence de l’ONU qui vient en aide aux réfugiés palestiniens. En début de semaine, il a pu se rendre sur place et rencontrer des réfugiés palestiniens de Syrie qui espèrent une reconstruction aujourd’hui incertaine.
Pierre Krähenbühl, commissaire général de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), a visité le 3 juillet le camp palestinien de Yarmouk, une première pour un haut responsable des Nations unies depuis des années dans ce quartier du sud de Damas ravagé par les combats. Les forces progouvernementales ont repris en mai le camp de Yarmouk, qui était aux mains de jihadistes dont le groupe Etat islamique (EI), au terme de plusieurs semaines d’une offensive dévastatrice.
« C’est une profonde émotion parce que Yarmouk est un endroit qui est très au cœur de l’identité des réfugiés de Palestine, raconte Pierre Krähenbühl. C’est un endroit où depuis presque 70 ans, ils ont établi une communauté qui a grandi jusqu’à atteindre 160 000 personnes, juste avant le début du conflit syrien. Aujourd’hui, on se rend dans un lieu qui est totalement dévasté, détruit de manière presque inconcevable, au terme de toutes ces années de conflit. On ne s’imagine pas tout à fait comment il peut même être reconstruit. »
« La question au cœur de mes rencontres avec les réfugiés qui ont fui ce quartier est de savoir si un jour, ils vont pouvoir retourner dans des appartements qu’ils ont dû fuir, dans des maisons qu’ils ont dû abandonner. Dans l’histoire des réfugiés de Palestine, c’est un rappel douloureux de ce que cette communauté vit depuis bientôt 70 ans », poursuit le commissaire général de l’UNRWA.
En 2012, Yarmouk, qui abritait 160 000 réfugiés avant le début de la guerre, a été le théâtre de violents combats entre différents groupes rebelles et les forces du régime. Ces violences ont poussé quelque 140 000 personnes à fuir avant que le régime n’impose un siège implacable au camp, plongeant les milliers de personnes restées à l’intérieur dans un dénuement extrême.
« Double traumatisme »
En 2015, le groupe Etat islamique (EI) s’est emparé de la majeure partie du camp, provoquant une nouvelle vague de déplacements. En 2018, le régime syrien, appuyé par les Russes, a reconquis la totalité du camp, en y expulsant les jihadistes de l’EI et du groupe Tahrir al-Cham.
« Le camp s’est vidé pratiquement de l’ensemble de sa population qui se trouve dans d’autres parties de Damas ou des quartiers aux alentours, poursuit Pierre Krähenbühl. Au cœur de leur demande se trouve la possibilité de retourner dans ce quartier. C’est parce qu’ils y sont émotionnellement attachés et parce que, dans l’histoire des réfugiés de Palestine, abandonner un domicile, fuir d’un endroit qu’on a connu comme le sien, cela signifie très souvent dans leur histoire ne pas y retourner. C’est un double traumatisme que vit cette communauté. C’est pour cela qu’ils posent cette question avec une telle intensité. »
« Nous n’abandonnerons pas les réfugiés de Palestine qui ont dû fuir Yarmouk, conclutle commissaire général de l’UNRWA. Il s’agira de dialoguer maintenant autant avec les autorités sur place qu’avec d’autres acteurs, pour savoir quelles sont les réelles perspectives. Entretemps, on va continuer à assister cette communauté. »