Gaza,de notre correspondant
Al-Ahram Hebdo : Le retrait israélien de la bande de Gaza et du nord de la Cisjordanie est-il la conséquence de la résistance palestinienne ou bien des négociations et pressions internationales ?
Abdullah Al-Efringui : Poser la question de cette manière est injuste pour les deux parties palestiniennes concernées par la négociation et la résistance. En effet, il est impossible de dissocier la lutte militaire de l’action politique. Dans l’équation palestinienne, la lutte militaire est inacceptable en vertu des accords d’Oslo, mais elle est légitime pour le peuple palestinien et les ailes militaires des factions. Le retrait israélien est le fruit de plus de quatre ans de seconde Intifada et aussi des énormes efforts politiques qu’a déployés le président défunt Yasser Arafat et que le président Mahmoud Abbass poursuit. Il y a aussi un troisième facteur : Le contexte interne en Israël qui ne peut supporter la poursuite de l’occupation de la bande de Gaza et garantir le maintien des colons. Sharon veut jeter de la poudre aux yeux du monde en prétendant qu’il veut parvenir à une entente avec les Palestiniens, en se retirant de Gaza. Il est vrai qu’il va évacuer la bande de Gaza, mais il œuvre clandestinement à propager le chaos dans ce territoire. La question qui s’impose est : Comment agiront les Palestiniens après le retrait.
Al-Ahram Hebdo : Comment concevez-vous le retrait israélien de Gaza ?
Abdullah Al-Efringui : Ce retrait ne doit pas se faire aux dépens de la Cisjordanie et de Jérusalem. Son objectif ne doit pas être de donner à Israël l’occasion de poursuivre la construction du mur de séparation et d’étendre les colonies en Cisjordanie. Nous œuvrons pour que le retrait de Gaza soit une partie de la Feuille de route et non une solution israélienne imposée par Sharon aux Palestiniens.
Le Hamas et le Djihad islamique ont commencé à transférer leurs expériences dans le domaine de la résistance de Gaza à la Cisjordanie. Quelle est votre position au sein du Fatah ?
Les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, l’aile militaire du Fatah, respectent la lignée politique du mouvement ainsi que les accords conclus. Non ne voulons pas adopter l’action militaire comme seul et unique moyen de résistance. Le Hamas et le Djihad adoptent une politique différente. Je pense que s’ils participent aux prochaines élections et au gouvernement, ils adopteront une position différente.
Des signes d’un affrontement entre les forces politiques palestiniennes à Gaza pointent à l’horizon. Qu’en pensez-vous ?
Personne ne veut voir le déclenchement de tels événements. Le Hamas veut prouver sa présence. Il a acheté 40 000 uniformes militaires, 70 drapeaux verts (de Hamas), 100 000 casques. Il a acheté des Jeeps qu’il a peints en vert, couleur du mouvement. Les membres du Hamas essaient de paraître comme ceux qui ont libéré Gaza. L’Autorité palestinienne et le Fatah ont préparé, eux, des drapeaux de la Palestine et non des drapeaux du Fatah ainsi que des uniformes civils afin que les citoyens participent à la célébration du retrait israélien de Gaza. Au sein du Fatah, nous ne voulons pas de heurts avec les frères du Hamas. Le sang palestinien est une ligne rouge qu’il ne faut pas dépasser bien que les membres du Hamas aient dépassé cette ligne à plusieurs reprises afin de prouver leur présence dans la rue palestinienne.
Des rumeurs disent que le Fatah a l’intention de former une armée populaire pour aider à maintenir l’ordre à Gaza, après le retrait israélien. Cette armée sera-t-elle une concurrente de l’armée populaire du Hamas à Gaza ?
Nous n’avons aucune idée sur la formation d’une telle armée. Le Fatah ne veut pas assumer davantage de fardeaux. Il possède déjà des ailes militaires qui ont largement contribué à l’Intifada avec les autres factions. Le Fatah ne peut se défaire de ces ailes ni les laisser isolées des évolutions politiques. Il est indispensable d’assimiler ces ailes ainsi que les ailes des autres factions à condition que tous respectent la ligne politique de l’Autorité palestinienne.
Entendez-vous intégrer ces factions dans les services de sécurité palestiniens ?
L’Autorité palestinienne est un projet d’Etat. Chaque Etat a ses services de sécurité et ses forces qui portent l’arme sous l’autorité de l’Etat. La démocratie est le juge sur la scène palestinienne. Ce qui signifie que si le Hamas accède au pouvoir à travers les élections, le Fatah n’aura pas le droit de porter l’arme.
Quelles sont les raisons de la crise actuelle entre le Hamas et le Fatah ?
Le Hamas adoptait une certaine ligne politique. Maintenant, il a commencé à adopter la ligne politique du Fatah tout en brandissant ses anciens slogans. Par conséquent, le Hamas est entré en confrontation avec ses anciens slogans et avec tous ceux qui attirent son attention sur cette contradiction. Le Hamas accusait le Fatah de négocier avec les Etats-Unis et Israël, alors que maintenant le Hamas est entré dans le jeu et a commencé à négocier avec les Américains et les Israéliens. D’autre part, le Hamas prétend que c’est lui qui dirige la lutte armée alors que ce n’est pas vrai. Il prétend aussi qu’il lutte contre la corruption, mais la corruption ne se limite pas au Fatah et à l’Autorité. Lorsque nous levons l’emblème de la lutte contre la corruption, nous devons la combattre où qu’elle se trouve, que ce soit à l’intérieur de l’Autorité ou du Hamas. Une grande partie du programme du Hamas est d’attaquer l’Autorité palestinienne. Ce afin de créer une atmosphère générale palestinienne réclamant le changement. Nous sommes pour le changement mais à travers les cadres démocratiques.
Le Hamas a profité des erreurs du Fatah. De plus, il a réussi à attirer des professeurs d’université ainsi que des personnalités actives sur la scène palestinienne. Qu’en pensez-vous ?
Le Fatah a payé le prix de tous les aspects négatifs d’Oslo ainsi que des erreurs de l’Autorité. De plus, il n’a pas profité des réalisations de cette dernière. Malheureusement, ce sont toujours les aspects négatifs qui apparaissent à la surface et il est facile d’adresser des critiques. Israël a détruit les sièges et les appareils de l’Autorité et par conséquent les institutions du Fatah. Et ce, afin de détruire l’idée de l’Etat palestinien qu’adoptaient l’Autorité et le Fatah.
Le Hamas est né au sein des institutions islamiques palestiniennes. Il a fait son entrée dans la société palestinienne grâce à l’accord d’Israël, lorsque le Fatah était interdit. Le Hamas a fondé des institutions sociales qui n’ont pas fait l’objet de bombardements israéliens. Ces institutions ont grandi sous l’ombrelle de l’Autorité. Tous les dons allaient au Hamas qui a fortement bénéficié des institutions européennes. La destruction des institutions du Fatah et de l’Autorité et le blocus imposé à Yasser Arafat avaient pour objectif de frapper la tête de l’Autorité et ses symboles. Pour ce qui est du Hamas, il est certain qu’un grand nombre de ses dirigeants ont perdu la vie mais ses institutions n’ont pas été touchées. Aujourd’hui, Israël refuse de permettre à l’Autorité palestinienne d’obtenir des armes et des munitions des pays frères pour compenser les pertes des quatre dernières années. Par contre, le Hamas a profité de l’atmosphère générale qui régnait auparavant et a acheté d’énormes quantités d’armes. De plus, le Hamas possède maintenant d’énormes fonds qui dépassent de 100 fois ceux du Fatah. Le Hamas se trouve à l’extérieur de l’Autorité et personne ne peut lui adresser des critiques sur les erreurs qui se trouvent au sein de l’Autorité. Le Hamas a le droit de concurrencer le Fatah, mais dans le cadre de la souveraineté de la loi. Le Fatah commence à suivre la bonne voie loin des sentiments. Il commence à organiser des congrès régionaux et prépare le 6e congrès général du mouvement.
Certains jugent que le Fatah n’a pas de stratégie précise pour gérer le conflit avec Israël. Qu’epensez-vous ?
Ce jugement est injuste. Cependant, je dirai que le mouvement est dans une position difficile sur le plan financier aussi bien que sur le plan de la structure et de l’administration, car le Fatah a assumé le projet de l’Autorité au cours des 10 dernières années ainsi que l’action militaire en dehors du cadre de l’Autorité tout au long de la seconde Intifada. Cependant, ceci n’empêche pas que le Fatah ait une vision politique claire. Il tente de sortir de l’impasse et a commencé à prendre certaines mesures dont la dernière était la tenue de la réunion du Comité central du Fatah à Amman avec la participation de tous ses membres à l’intérieur comme à l’extérieur.
Cette impasse est-elle due à l’absence de symboles et l’infiltration de profiteurs au sein du mouvement ?
Il est certain que la disparition de Yasser Arafat a provoqué un grand vide que personne ne pourra combler. C’est cependant ce que nous cherchons à faire par l’action institutionnelle.
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