Notre second voyage en Palestine s’achève. Nous y avons passé deux semaines, comme l’an dernier mais cette fois seuls, Odile et moi. Forts de nos relations palestiniennes rencontrées lors du premier voyage nous avons estimé que nous pouvions voyager seuls à la fois plus près des palestiniens et sans les entraves d’un groupe qui n’est pas toujours homogène.
Nous sommes arrivés le 5 octobre.
Deux jours plus tôt des heurts violents avaient opposé de jeunes manifestants musulmans à l’armée israélienne sur l’Esplanade des Mosquées. La presse française avait indiqué que les troubles étaient dus à la présence d’un groupe de touristes français en tenue peu adéquate avec les lieux ce qui avait déclenché cette réaction de jeunes musulmans choqués par cette attitude irrespectueuse des lieux sacrés.
En fait le mardi nous avons rencontré à Jérusalem des membres de ce groupe de français qui nous ont expliqué que, bien loin d’être les causes de ces troubles, ils en avaient été les témoins. Ils étaient sur l’Esplanade lorsqu’ils ont vu arriver des colons israéliens, armés comme toujours, et accompagnés de soldats, envahissant l’esplanade avec l’apparente résolution de venir prier sur la pierre du sacrifice d’Abraham qui se trouve à l’intérieur de la Mosquée d’Al Aqsa. Immédiatement de jeunes musulmans se sont interposés pour les empêcher d’entrer dans la mosquée tout en appelant des renforts par téléphone portable.
En quelques minutes l’échauffourée a tourné à la manifestation, les gaz lacrymogènes et les matraques israéliens chassant les musulmans qui se réfugièrent à l’intérieur de la mosquée et en interdirent l’accès aux colons.
La situation n’était pas tout à fait rétablie le mardi 6 octobre et nombre de routes et de rues vers à la vieille ville étaient fermées, la police israélienne quadrillant la zone et en interdisant l’accès. Une fois de plus il nous a donc été donné de voir sur place le décalage, pour ne pas dire plus, des faits et de la relation qui en est donnée par nos media.
Nous avons quitté Jérusalem le mardi matin pour Bethléem, nous y avons retrouvé nos amis comme si nous les avions quittés la veille, ce fut d’ailleurs partout la même impression d’amitié vraie et de retrouvailles chaleureuses.
La situation n’a guère évolué depuis un an, le désespoir se lit dans les yeux et dans les discours de beaucoup de nos amis. Évidemment le rapport Goldstone avait, pour un temps, redonné quelque espoir à ce peuple humilié mais le refus des Etats-Unis, de la GB et de la France de le voter à l’ONU, et plus encore l’accord de l’Autorité Palestinienne sur ce point avec les occidentaux ont démoralisé ce peuple qui en a pourtant vu bien d’autres.
Certes plusieurs check points ont été supprimés dont celui de l’entrée de Naplouse qui était l’un des plus durs, mais la main de fer de l’occupant israélien ne s’est pas vraiment desserrée.
Le 7 octobre nous avons décidé de prendre le bus régulier de 7 heures à Bet Saour pour Jericho. C’est le bus qui prend les étudiants qui vont à l’université proche de Jérusalem mais du côté palestinien du Mur. Lors du passage du check point nous avons assisté à ce qu’est un contrôle israélien et ce qui est le quotidien de ces étudiants.
Le bus passablement bondé s’arrête. Un soldat monte à bord et comme il ne peut circuler à son aise dans l’allée centrale surpeuplée, fait ouvrir la porte latérale du bus et pousse sans ménagement dehors 5 ou 6 jeunes garçons qu’un de ses comparses fait immédiatement aligner contre le mur sous la menace (et ce n’est pas un vain mot) de son arme. Le soldat parle hébreu ou plus exactement hurle aux passagers de sortir leurs cartes d’identité et de les lui remettre, il les arrache plus qu’il ne les prend. Je ne comprends pas ce qu’il dit mais il est clair qu’il hurle des ordres avec mépris pour ceux auxquels il s’adresse. Je le fixe intensément et je sais qu’il s’en rend compte et je sens même qu’il se concentre pour ne pas croiser mon regard. Je crois que notre présence lui gâche un peu son plaisir sadique de dominer ces gamins de son âge et de leur montrer qu’il est le maître et qu’il peut faire, en toute impunité , tout ce qu’il veut dans ce bus.
Les étudiants savent aussi que ce garçon de leur âge a tous les pouvoirs sur eux et que nul au monde ne prendra leur défense si par malheur le contrôle tourne au drame. Ils regardent par terre, leur regard est vide, il n’y a pas même de la haine qui justifierait la répression, Il y a une immense solitude de ses jeunes que rien ne saurait protéger de cet énergumène armé d’une mitraillette et soucieux de s’en servir au premier prétexte que nul ne veut lui donner.
Je pense aux habitants de mon village en France qui, sur le problème palestinien, renvoient les deux parties dos à dos. J’aimerais qu’ils soient là en cet instant, eux qui se plaignent de tout et qui ne plaignent jamais personne.
Ici, en Palestine, l’humiliation est permanente et la menace de la force brutale aussi. Lorsque nous avons quitté le lendemain Bet Saour pour Ramallah nous sommes tombés sur une petite manifestation de gamins à l’entrée de la ville. Ils lançaient des pierres vers, plutôt que sur, des soldats israéliens à proximité du check point de Kalandia. Il était 17 heures et le trafic était intense, la chaleur assez accablante. Les militaires israéliens ripostaient en lançant des grenades lacrymogènes et peut-être même, me sembla t’il au son, à tirer des balles en plastique. Les voitures qui n’avaient pas d’air conditionné devaient garder les vitres ouvertes pour éviter à leurs passagers de suffoquer. Les gaz s’engouffraient alors avec les conséquences qu’on imagine. Les israéliens avaient fermé la grande route et forçaient le trafic à travers un camp de réfugiés aux rues étroites et complètement "gazées". Tous les passants suffoquaient, les mères tentaient de protéger tant bien que mal leurs bébés et leurs enfants en larmes, en pleurant de douleurs car ces gaz ne sont pas inoffensifs bien sur.
J’apercevais ces enfants qui lançaient des pierres, beaucoup trop éloignés pour espérer toucher leur cible et je pensais à ce qu’un médecin nous avait dit la veille à Bethléem sur l’apparition récente et surprenante de nombreux cas de crises cardiaques et même d’AVC chez les enfants en Palestine.
Bref il est clair que la violence n’a pas diminué en un an. Rien n’a changé si ce n’est que les colonies ont grandi, que les confiscations de terres se perpétuent, et les destructions de maisons palestiniennes aussi. A Jérusalem même, les expulsions et les confiscations de maisons se multiplient dans les quartiers arménien et musulman.
Sans aucune autre raison, si ce n’est celle de confisquer et de s’approprier le bien d’autrui, des soldats investissent ces maisons pour le compte de l’état israélien qui les revend exclusivement « à des juifs » comme l’exige la loi israélienne qui interdit à un non- juif d’acheter un bien en Israél.
Notre amie Ranaa nous raconta comment quelques jours auparavant en marchant dans Naplouse elle croisa un groupe de gamins jouant. Le plus petit était en pleurs, inconsolable.
Pourquoi pleures-tu ainsi ? lui demande notre amie
On joue à la guerre, lui répond l’enfant, et ils veulent encore que je sois le Palestinien.
… et alors ? Questionne Ranaa étonnée.
Je ne veux pas … ils perdent toujours !
Le dernier jour de notre séjour nous avons croisé au détour d’une ruelle de Jérusalem dans la partie du quartier arménien qui commence à être colonisé par les colons juifs, deux juifs français. L’un devait être un religieux, tout enveloppé qu’il était dans un grand châle blanc, tefillins aux côtés et kipa sur le crâne mais affublé d’une énorme mitraillette en bandoulière…à midi en plein cœur de Jérusalem envahie de touristes étrangers !
Leur conversation était animée. Il était question de Torquemada qui, selon le « civil » était juif et avait été terriblement antisémite. Ils remarquèrent hélas vite notre intérêt et notre regard auquel ils répondirent par un coup d’œil assez peu cordial.
Je souhaiterais signaler le cas exceptionnel de résistance du propriétaire de la « Tente des Nations ». Il est parent d’un de nos amis de Bethléem et possède une propriété assez vaste de plusieurs hectares littéralement coincée entre deux colonies au dessus de Bethléem. Des colons juifs sont venus lui proposer d’acheter ses terrains et lui ont même proposé des sommes importantes. Il ne désire pas vendre, surtout à des colons israéliens. Les choses ont donc commencé à mal tourner : l’eau et l’électricité ont tout d’abord été coupées, puis l’accès de la propriété lui a été interdit et sa maison a été détruite. Il est revenu et a dressé une tente à l’emplacement de la maison. Elle a été rasée à son tour sous prétexte qu’il n’avait pas de permis de construire… Il a donc creusé et vit en sous-sol et attire vers lui la sympathie et le soutien des « internationaux », ces jeunes gens et jeunes filles généreux qui soutiennent ici les causes difficiles sinon perdues.
L’an dernier quelques uns de ces internationaux ont décidé une jeune femme de la colonie juive voisine à venir visiter ce résistant têtu. Le rendez vous a été difficile à établir de part et d’autre mais a fini par avoir lieu.
La jeune femme était livide… elle ne savait pas que la construction de sa maison, son confort, sa piscine, étaient au prix de tant de vols et d’injustice. Elle revint avec son mari et, depuis, pour chaque fête juive, apporte des gâteaux à notre ami.
Certes c’est un cas bien isolé mais il est clair que si les israéliens étaient autorisés par leur politiques et par leurs media à être informés sur le coût moral, social et économique de l’existence de leur état, sous la forme qu‘il a pris, certains et même sans doute beaucoup d’entre eux leur en demanderaient des comptes.
A Naplouse nous avons été sollicités pour aider le père d’un de nos amis à cueillir ses olives. Ses champs sont en contre bas d’une colonie et les colons armés et accompagnés de soldats israéliens les ont empêchés d’approcher. Nous y allons donc avec un groupe de français de Montargis pour que notre présence dissuade les colons d’intervenir.
Tout se passe bien, les colons restent au loin et nous cueillons les olives avec nos amis. Lorsque nous quittons le champ nous notons que quelques uns de nos amis restent sur place jusqu’à l’arrivée du camion qui prendra les sacs pleins. Nous nous en étonnons et apprenons que la semaine précédente les colons sont descendus à la fin de la cueillette chez un de leurs voisins et sous la menace de leurs armes, et avec la protection des soldats israéliens, ont tout raflé dans leur véhicule.
Nous partageons ensuite un repas de fêtes à la ferme. Toute la famille se met en quatre pour s’assurer que rien ne nous manque. Chacun prononce un discours de remerciements et d’amitié. Notre simple présence bien plus encore que notre aide les rassure sur eux-mêmes. Non, nous autres palestiniens, ne sommes pas des monstres et des terroristes puisque des gens simples viennent de bien loin nous dire simplement qu’ils nous aiment et qu’ils partagent notre détresse.
A Tulkarem nous avons rencontré un agriculteur, syndicaliste et membre du Parti Populaire qui est le nouveau nom que s’est donné le Parti Communiste Palestinien. C’est un personnage haut en couleur qui combat chaque jour sur son champ bordant le Mur et qui me corrige lorsque je lui demande comment il défend sa terre.
Ce n’est pas ma terre que je défends mais la terre de tous les Palestiniens, leur droit à vivre libres, chez eux, sur la terre de leurs parents et qu’ils cultivent depuis des siècles.
Fayez a été, seul, à La Haye pour défendre ses droits et a été écouté et même entendu par la Cour Internationale. Mais son combat n’est pas fini pour autant et chaque jour il doit être présent sur sa terre que les israéliens veulent confisquer, exproprier, pour la sempiternelle raison de « sécurité ». Il voyage dans toute la Cisjordanie pour défendre les autres et animer des réunions et des manifestations contre l’occupant comme à Bil’in par exemple.
Gaza en janvier, le rejet en octobre, par les puissances occidentales, du rapport Goldstone, la division politique du pays, tout cela entraîne inévitablement un désespoir grandissant. Le 13 octobre, au soir, dans le camp d’Askar, à Naplouse un père de famille, au chômage comme 70% des habitants du camp, et ses trois enfants se sont enfermés dans leur maison à laquelle ils ont mis le feu. Tous sont morts.
Car le chômage atteint, depuis la construction du Mur, des sommets invraisemblables Tous sont touchés et les camps de réfugiés plus encore que les villes et les campagnes. Avant le Mur, les ouvriers palestiniens allaient travailler en Israél où ils étaient une main d’œuvre bon marché. Depuis que le Mur sépare à jamais les deux communautés les travailleurs palestiniens ont perdu leur ouvrage. Aujourd’hui Israél importe une main d’œuvre asiatique pour faire face à ses besoins.
Chinois, coréens et autres viennent remplacer la main d’œuvre palestinienne. Leurs salaires ne sont pas plus élevés mais ils viennent pour une période limitée, n’ont aucun droit et n’en réclament aucun. Ils sont renvoyés tous les deux ans et remplacés par d’autres pour la même période. C’est une immigration telle qu’elle existe dans les pays du Golfe ou en Arabie Séoudite, taillable et corvéable à merci et qui ne bénéficiera jamais d’aucun droit ou d’aucune protection et, bien entendu, d’aucune possibilité de s’installer en Israél.
Les mariages mixtes sont illégaux en Israél. Un non juif ne peut épouser un ou une israélienne.
Dans la vieille ville de Jérusalem, d’où chaque jour des habitants arabes, chrétiens ou musulmans, sont expulsés, seuls des juifs sont autorisés à acheter du terrain ou des immeubles. La même loi s’applique sur l’ensemble du territoire israélien.
Nous avons aussi compris pourquoi de jeunes français, tel que Gilat Shalit, allait faire un service militaire en Israél. Certains rabbins ( je n’ose croire qu’ils le font tous)refuseraient en effet, en France, de marier religieusement un jeune juif français s’il n’a pas accompli ce devoir militaire en Israël.
La loi de la République interdit pourtant le recrutement, sur le sol national, de jeunes français pour des armées étrangères
Nous avons été au camp de Balata, le plus ancien des camps de réfugiés. Crée par l’UNRWA en 1949 pour abriter « provisoirement » les habitants de Jaffa et d’Haïfa qui fuyaient les massacres de l’armée du tout nouvel état autoproclamé d’Israél.
Un terrain de 1 km2 avait été acheté pour loger 5 000 personnes. Pendant sept ans, seules des tentes abritaient les réfugiés. L’UNRWA comme les habitants du camp étaient persuadés que la situation était provisoire. Le temps a passé, le retour n’a pas eu lieu. La surface est restée la même mais la population est passée de 5000 à 26 000 habitants. Alors on a construit en hauteur et dans chacun de ces petits bâtiments à deux ou trois étages vivent trois ou quatre familles entassées avec une hygiène minima, une promiscuité humiliante et des problèmes économiques insolubles.
Chaque famille ici compte plusieurs enfants tués et d’autres emprisonnés.
La situation est la même dans les deux camps d’Askar. Le premier construit sous l’égide de l’ONU au début des années 50 reçoit toujours l’aide de l’UNRWA. Le second, en revanche, construit après 1967 n’est pas placé sous la même protection et doit se débrouiller seul.
Il ne faut pas faire grand’ chose pour se retrouver dans une prison israélienne et y rester. La seule démocratie du Moyen-Orient a inventé la « détention administrative » qui permet d ‘enfermer et de détenir indéfiniment sans juger… Ici pas de juge, pas d’avocat, pas davantage de compassion de nos opinions publiques occidentales.
A Bet Saour quelques jours avant notre arrivée et en plein après-midi l’armée israélienne a investi le quartier où nous avons logé. Les hauts parleurs ont intimé l’ordre aux habitants de rentrer chez eux et de n’en pas sortir le temps d’investir une maison et d’en arrêter le propriétaire. Nul n’a plus eu de nouvelles depuis… détention administrative oblige !
Lors de la seconde Intifada qu’en Occident on aime désigner comme une nième « explosion de terrorisme », les israéliens ont détruit dans ces camps comme dans tous les autres d’ailleurs à travers le pays, les réseaux d’égouts, d’eau potable, d’électricité bref tout ce qui permet de garder un minimum de décence à une vie infernale.
Nous sommes aussi allés à Jenin… En 2002 cette bourgade agricole au bout d’une vallée riche d’oliviers et d’amandiers, de légumes et de troupeaux, a été le théâtre de massacres indescriptibles. Le camp a d’abord été pilonné par l’aviation de chasse israélienne pour détruire les réserves d’eau qui sont sur les toits puis les chars sont entrés en action. Pendant vingt deux jours le camp a été isolé. Aucune nourriture, juste un peu d’eau croupissante. Impossible d’évacuer les blessés ni les morts. Un enfant a raconté comment il était resté dans son taudis pendant quatorze jours à côté des corps de ses parents en décomposition. Un père raconte comment son fils blessé et sans soin a fini par mourir dans ses bras sans qu’il ait pu faire quoi que ce soit pour arrêter l’hémorragie dont il était victime. Je pourrai continuer à donner de tels témoignages pendant des heures mais à quoi cela servirait il ?
Il semble à tous ces gens, nos amis, que nous sommes sourds à leurs cris et aveugles devant leur détresse.
Jenin a été reconstruite. Mais régulièrement les façades des maisons refaites à neuf essuient les tirs de mitrailleuses israéliennes qui investissent les lieux à toute heure du jour et de la nuit pour des « raisons de sécurité ». Partout on en voit les stigmates. Il faut, pour l’occupant, que ses victimes ne vivent jamais dans la paix, ne s’installent jamais dans la quiétude, s’exaspèrent enfin pour qu’en se révoltant elles donnent une justification à leur répression.
Et puis nous avons vu et parlé avec cette jeunesse palestinienne qui fréquente les universités car elle sait que le meilleur moyen de combattre c’est de s’éduquer. Ici les études sont payantes, quatre cents euros par semestre, une somme considérable pour ces familles au chômage ou dont le travail est toujours de grande précarité du fait de l’occupant.
Au moins les étudiants peuvent-ils rentrer chez eux le soir maintenant que plusieurs check points ont été fermés autour de Naplouse. Petite concession au nouveau Président américain. Lorsque la nuit tombe, la police palestinienne se retire et l’armée israélienne reprend le contrôle des villes.
Nous avons été à Tulkarem, petite cité coincée le long du Mur. Nous y avons rencontré un vieux monsieur qui collectionne les souvenirs de Palestine pour en faire un musée. Il nous demande de signer un livre pour prouver que nous avons vu ses collections car les israéliens l’ont déjà menacé de tout détruire.
Tout ce qui représente le passé non juif de cette terre doit disparaître. Ainsi les antiquités romaines, byzantines, franques, ottomanes sont en vente chez les antiquaires de Jérusalem. Le vendeur remet à l’acheteur un certificat en bonne et due forme pour les exporter. Seules les antiquités juives sont interdites d’exportation et elles seules sont admises dans le Musée d’Israél à Jérusalem.
Par ailleurs lorsque les villages palestiniens sont détruits (Il y en a eu 574 depuis 1948) et que les israéliens les reconstruisent le nouveau nom est biblique.
Il convient de convaincre le monde entier que cette terre est juive et n’a jamais été rien d’autre.
Il y a quelques exceptions toutefois. A Sabastya par exemple, la capitale d’Hérode qui a connu l’emprisonnement et le martyr de Jean Baptiste. La ville encore peu fouillée recèle des trésors antiques. Une route de 800 mètres bordées de colonnes menait à cette ville de l’importance de Jerash ou de Palmyre. Ici les colonnes sont pillées par l’occupant qui les envoie sur un site romain près de Tel Aviv pour l’enrichir. L’occupant interdit de fouiller les ruines de la ville et utilise le théâtre antique pour ses fêtes.
Nous avons enfin été à Abud, notre petit village de prédilection que nous avions tant aimé l’an dernier et que nous aimons plus encore aujourd’hui.
D’une part nous y avons retrouvé nos amis et parlé de notre projet de développement viticole et d’autre part nous y avons rencontré le nouveau prêtre catholique parfaitement francophone.
Je souhaiterais ici me permettre un commentaire à l’intention de notre église catholique qui est assez discrète sur la question palestinienne.
Certes, comme nous l’avait confirmé l’an dernier une journaliste française, seules parmi nos media de langue française, Radio Vatican et l’Humanité marquent une grande objectivité et n’appliquent aucune censure sur les informations transmises. Mais l’action de l’Eglise pourrait, à peu de frais, être plus encore positive dans cette région.
Bien évidemment cette Terre Sainte attire de nombreux pèlerins et visiteurs. Il est tout à fait louable d’aller prier dans l’Église de la Nativité à Bethléem, il est en revanche regrettable que les pèlerins, à peine sortis de l’église et après un court passage au Champ des Bergers se croient obligés de retourner très vite à Jérusalem sans prendre le temps de rencontrer les chrétiens locaux et d’en mesurer les souffrances.
Il n’est pas bon, dans aucun religion d’ignorer son frère et de lui refuser sa compassion quelque en soit la raison.
Les églises de France (et d’ailleurs) choisissent des tours opérateurs israéliens et ignorent les fournisseurs palestiniens contribuant ainsi à la méconnaissance de la question et à l’appauvrissement du pays. Les richesses culturelles de la Palestine sont immenses, nos frères chrétiens y sont nombreux et souffrent autant de la violence de l’occupant que de notre incompréhension égoïste.
On nous a raconté qu’un prêtre d’un diocèse français, en charge des pèlerinages, avait répondu négativement et avec hauteur aux offres de services d’un agent de voyage palestinien. S’abritant derrière la question de sécurité évidemment et la crainte d’être taxé de ce qu’il n’est pas s’il choisissait de ne plus travailler avec des agents israéliens.
Nous avons rencontré un tour opérateur palestinien organisant une marche Nazareth/ Jérusalem pendant 14 jours sur les pas de Jésus avec hébergement dans des villages palestiniens et cela m’a semblé dommage que notre église n’en fasse pas un peu de publicité car je suis certain que nombre de jeunes catholiques européens s’y presserait.
Odile et moi, qui ne sommes plus jeunes d’ailleurs, envisageons le périple au printemps prochain et invitons nos amis à se joindre à nous.
Quelques pèlerins isolés viennent jusqu’à Sabastya sur les traces de Jean Baptiste mais l’église n’inscrit pas cette étape dans ses pèlerinages. Pourtant toute la ville antique ne parle que de lui. Sa prison, le lieu de son supplice, sa première tombe à côté de celle de son père Zacharie et de celle d’Elias. Tout est là, répertorié, connu et respecté et tellement émouvant.
N’est-il pas curieux que l’église catholique ignore ainsi en Terre Sainte celui qui a baptisé le Christ alors que les musulmans, eux, le révèrent et le considèrent comme le second prophète après Jésus.
Évidemment les circuits touristiques israéliens n’incluent pas Sabastya dans leur tour et Jean Baptiste s’en trouve donc exclu !
Edmond, un palestinien chrétien de Bet Jala sur les hauteurs de Bethléem a fondé une centre exclusivement réservé aux handicapés qu’ils le soient de naissance ou qu’ils le soient devenus par une balle israélienne, même en plastique ! Qu’ils soient musulmans, chrétiens ou juifs ! Il a consacré toute sa vie à ses jeunes patients (j’ajoute, à cet égard, qu’il est impressionnant de voir combien partout en Palestine et surtout dans les camps de réfugiés les handicapés sont assistés et secourus) et a obtenu des résultats remarquables. Ce chrétien qui met si bien sa foi en pratique nous dit combien il est triste de notre attitude.
Il est convaincu que seuls les juifs de l’extérieur pourraient intervenir pour faire cesser le martyr de la Palestine et il nous demande de parler avec ces juifs, de leur expliquer la situation, de leur montrer ce qu’ils ignorent et ce qu’ils auraient le pouvoir d’arrêter s’ils savaient…
Alors pourquoi notre église catholique et les églises protestantes, d’ailleurs, se taisent-elles plutôt que de jouer ce rôle d’information et de médiation entre ces communautés divisées ?
Nous avons rencontré quelques français pendant notre séjour.
Tous étaient généreux.
Ils étaient soit catholiques soit communistes ou d’extrême gauche. Aucun ne militait dans un de nos partis de gouvernement, UMP ou Socialiste.
N’est-il pas possible de trouver un terrain d’entente sur une situation aussi injuste que l’autorité morale de notre vieux pays pourrait contribuer à résoudre ?
Nous partageons le découragement de nos amis palestiniens. Il semble qu’aucune force, aucune voix, aucun parti ne pourra jamais les aider à retrouver leurs libertés et à vivre dans la justice voire dans la simple décence.
Ils sont désespérés et ce désespoir peut, à tout moment, engendrer la violence. Ce seront les jeunes, bien sur, qui déclencheront encore une « Intifada » vouée à l’échec certes, mais qui justifiera encore une répression toujours plus dure et, comme à Gaza en janvier, toujours impunie.
Je pense à Astérix le Gaulois quand je voyage en Palestine. Dans cette BD Jules César harangue ces troupes avant la bataille et dit à ces soldats face aux deux gaulois mythiques « Ils sont deux, nous sommes mille, allons y et que le meilleur gagne ! »
Ici en Palestine j’imagine parfaitement un officier israélien disant à ses soldats « Ils ont des pierres, nous avons des F 16, des chars, des bombes au phosphore et l’appui inconditionnel du monde « libre », allons y et que le meilleur gagne »
Un jour, dans trente ans ou peut-être plus, hélas, il nous sera demandé des comptes et nul ne pourra dire « Je ne savais pas » !
Allez mes amis, allez en Palestine. Les seuls terroristes (« personnes semant la terreur » ) que vous y rencontrerez sont les soldats et les colons israéliens.
Les victimes, elles, vous ouvriront les bras avec la chaleur de leur hospitalité légendaire et vous aurez honte de fermer les yeux sur leur injuste malheur.
PS :
Pour préparer votre voyage et mieux connaître la Palestine avant même d’y aller je vous conseille de lire l’excellent guide « Palestine et Palestiniens », publié par le Groupe de Tourisme Alternatif ATG.
… et puis vous pouvez aussi visiter les sites d’ONG israéliennes tels que www.betselem.org , www.icahd.org, www.gush-shalom.org, ou palestiniennes tels que www.dci-pal.org, www.adameer.org, www.stopthewall.org, www.atg.ps,
… et il en existe tellement d’autres !