Avez-vous entendu parler de la prison d’Al-Maskobiyeh ou avez-vous rencontré ceux qui ont séjourné ? Est-ce que l’un d’entre eux vous a raconté son expérience dans cette prison et son récit sur la torture dans les caves meurtrières de l’interrogatoire ? Avez-vous entendu des témoignages sur les atrocités de la mort des personnes sorties vivantes de ce mouroir ?
C’est une prison située dans la partie ouest de la ville de Jérusalem occupée en 1948, à côté du siège des renseignements israéliens, le Shin Bet, dans la zone appelée « Place des Russes ».
Il comprend un centre d’interrogatoire réputé, doté de plusieurs cellules étroites séparées par un petit couloir. Ces cellules sont utilisées pour interroger des prisonniers palestiniens, principalement de Jérusalem.
Al-Maskobiyeh est considéré comme l’un des centres d’interrogatoire le plus dur, le pire et le plus odieux de toutes les prisons de l’occupation israélienne. Les prisonniers palestiniens l’appellent « l’abattoir », pour la férocité de la torture extrême qu’on y exerce. Plusieurs d’entre eux y sont morts après avoir subi les pires sévices physiques et psychologiques.
Les recommandations de la Commission Landau de 1987 sont considérées comme le premier texte officiel établi pour permettre le recours à la torture dans les prisons israéliennes tout en assurant une protection totale aux responsables de ces actes.
Après le tollé médiatique provoqué par la mort d’Abdul Samad Hreizat , le 25 avril 1995, dans « l’abattoir » de la prison d’Al-Maskobiyeh, à la suite de violentes secousses, la Haute Cour de justice israélienne a rendu plusieurs décisions autorisant les interrogateurs des services de sécurité israéliens à exercer une pression physique sur le détenu si l’interrogateur estime que le détenu constitue une « bombe à retardement », en dissimulant des informations dangereuses dont la divulgation compromettrait la sécurité de l’État d’Israël.
Ainsi, il était devenu légal pour le service de sécurité intérieure israélien [Shabak en hébreu] d’utiliser légalement la pression physique et les secousses violentes contre les détenus lors de leur interrogatoire, sous condition formelle que l’enquêteur obtienne la permission de ses responsables.
Face aux nombreuses critiques à l’égard de cette loi, le même tribunal a été contraint en 1999 d’apporter des modifications, mais a laissé la porte ouverte aux enquêteurs israéliens et aux responsables présumés de la torture pour se soustraire à la responsabilité pénale, conformément à ce qu’il a appelé la « défense de nécessité » figurant au paragraphe 34 (1) du Code pénal israélien de 1977.
Il ne fait aucun doute que le terme « bombe à retardement » lancé par la Haute Cour de justice est fabriqué par les services de sécurité israéliens. Ce n’est pas le langage de la loi mais celui des bourreaux eux-mêmes.
Ainsi, il est clair que les enquêteurs des services de sécurité israéliens ont reçu l’approbation du tribunal militaire pour leurs crimes. Ils ne ressentiront aucune gêne lorsqu’ils tortureront des Palestiniens et ne seront soumis à aucune responsabilité pénale s’ils prétendent que les accusés qu’ils torturent représentent des « bombes à retardement » et qu’ils recourent à la torture sous prétexte de la soi-disant « défense de nécessité ».
C’est ce qui s’est passé avec le prisonnier Samer al-Arbeed, arrêté il y a quelques jours et soumis à de graves tortures qui ont détérioré gravement son état. Il a été emmené à l’hôpital dans un état critique. Il est toujours enchaîné et reste dans un état de santé très préoccupant.
Des amendements ont interdit formellement certaines formes de torture, tout en les autorisant en réalité. Toute tentative portée par un défenseur de droits pour demander des comptes devant les tribunaux israéliens a été contrecarrée. Il est donc impératif de saisir la Cour pénale internationale pour juger quiconque est responsable de torture ou y a participé, sur la base légale qui associe la torture au crime contre l’humanité.
Le silence international persistant face aux crimes de tortures perpétrés contre des détenus palestiniens et l’absence de responsabilité ont incité le législateur, l’enquêteur et le responsable israéliens à continuer à commettre de nouveaux crimes de torture.
Et entre « les bombes à retardement » et la « défense de nécessité », la torture cruelle et les secousses violentes se poursuivent et continuent à faire des victimes derrière les portes closes des centres d’interrogatoires, notamment à Al-Mascobiyeh.
Samer al-Arbeed et d’autres détenus palestiniens risquent de perdre la vie faute de justice.
*Abdel Nasser Awni Ferwana est le responsable de l’Unité des études et de la documentation à la Commission chargée des affaires de prisonniers
Traduit de l’original par Moncef Chahed du Groupe de travail prisonniers de l’AFPS