C’est le summum de l’arbitraire… l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri restera dans les geôles israéliennes trois mois supplémentaires. La « détention administrative » qu’il endure depuis dix mois, sans aucune charge précisément notifiée, a été prolongée sur ordre du ministre de la Défense d’extrême droite, Avigdor Lieberman. Il avait été arrêté le 23 août 2017 à son domicile de Jérusalem-Est. La police l’accusant vaguement « d’avoir renoué avec des organisations politiques illégales ».
« Quand j’ai pris mes billets il y a quelques semaines pour la Palestine, j’espérais arriver pour fêter la libération de Salah Hamouri, pouvoir le serrer dans mes bras, discuter avec lui et partager un repas avec ses proches. Mais c’est les bras et les jambes attachés par des chaînes que je l’ai vu arriver au tribunal ce 1er juillet. (…) C’est en nous adressant un large sourire que Salah est arrivé dans la salle d’audience, saisissant les occasions de nous demander comment nous allions. (…) Quarante minutes plus tard le juge confirme sans surprise la prolongation de la peine pour trois mois. Nous ne connaissons toujours pas les charges retenues contre lui », témoigne Mehdi, membre du comité de soutien.
La détention administrative, exercée au mépris des droits humains les plus élémentaires, est courante en Israël. « Le pouvoir israélien s’autorise à incarcérer sans charge nombre d’opposants à sa politique coloniale et d’occupation. Il y a moins d’une semaine, c’était la détention administrative de la députée palestinienne Khalida Jarrar qui était prolongée aujourd’hui, celle de Salah Hamouri. Parmi les plus de 6 000 prisonniers politiques palestiniens, ils sont ainsi 431 contre lesquels Israël n’a retenu aucune charge à croupir en prison, depuis de nombreuses années pour certains d’entre eux. Ce recours massif à la détention administrative est illégal au regard du droit international », dénonce l’association France Palestine Solidarité dans un communiqué.
Le droit international piétiné
Mais que fait donc la France pour la libération de Salah Hamouri, ressortissant français ? Pour l’instant, Macron n’est pas parvenu à se faire entendre par son « cher Bibi » – Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien. Et la France, qui s’exprime du bout des lèvres, est plutôt occupée à redorer le blason d’Israël et de ses dirigeants, pendant qu’ils piétinent le droit international et ordonnent des séances de tuerie à la frontière avec Gaza. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, se garde bien de réagir à la décision du tribunal. Il évoque « la complexité de la situation de M. Hamouri » et dit être en attente d’« un retour détaillé » des diplomates sur place. Une façon de botter en touche pour ne pas gêner le gouvernement israélien.
« De quelle situation complexe parlent-ils ? D’un citoyen français arbitrairement incarcéré par Israël depuis dix mois et d’une diplomatie française totalement impuissante malgré ses courbettes ? » s’interroge Elsa Lefort, épouse de Salah Hamouri, sur sa page Facebook. « France Diplomatie, commandez plutôt des rapports sur le racisme institutionnel et sur le deux poids, deux mesures dans le traitement des citoyens français selon qu’ils s’appellent Paul ou Salah », ajoute-t-elle.
« Après dix mois d’injustice qui se prolongent aujourd’hui, nous demandons une nouvelle fois quels moyens sont mis par France Diplomatie pour faire respecter un Français arbitrairement incarcéré. C’est un homme, une famille qui sont atteints brutalement par cette décision perverse. Mais c’est aussi la France qui est insultée avec cette prolongation, alors qu’elle n’a de cesse de dérouler le tapis rouge aux dirigeants israéliens », relève de son côté le comité Liberté pour Salah Hamouri.
L’objectif du gouvernement israélien : briser Salah
Sourdes à tous les appels, y compris du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, auteur d’un rapport au sujet de cette détention arbitraire, les autorités israéliennes ont à l’évidence pour unique objectif de briser le moral de Salah et surtout de le contraindre à quitter la Palestine, sachant que son épouse est déjà interdite d’entrée sur le territoire israélien.
Elsa Lefort : "La détention administrative est une torture psychologique redoutable"
Né à Jérusalem de mère française et de père palestinien, Salah Hamouri avait déjà été emprisonné entre 2005 et 2011, accusé d’avoir projeté l’assassinat du rabbin Ovadia Yossef, le dirigeant spirituel et fondateur du parti ultraorthodoxe Shass, décédé en 2013. Salah Hamouri a toujours clamé son innocence. Il avait été libéré en décembre 2011 dans le cadre de l’accord Shalit, un échange de prisonniers.
« Nous sommes prêts à nous offrir en otages à sa place »
Dix Français, dont des parlementaires, proposent à Netanyahou d’être incarcéeés à la place de Salah hamouri. Une démarche symbolique pour pointer l’arbitraire et l’illégalité de cette situation.
Les signataires commencent par affirmer leur attachement « aux libertés fondamentales et au respect des droits inaliénables des citoyens qui sont l’essence même de toute démocratie ». Ils précisent leur engagement « pour que les Palestiniens disposent de leurs droits reconnus par la communauté internationale ». Ils rappellent que « de naissance Franco-Palestinien, né et vivant à Jérusalem, Salah Hamouri, avocat, ne dispose ni de la citoyenneté israélienne ni de la nationalité palestinienne. En droit, il est français ». Aucune charge ne pèse sur lui, aucun procès n’a eu lieu contre lui, insistent-ils, qualifiant sa détention « d’arbitraire » et « d’illégitime ».
Et de formuler leur proposition : « Salah Hamouri est désormais avocat. Il a fondé une famille. Il a un jeune enfant. Sa détention est sans fondement. Salah Hamouri doit pouvoir construire sa vie d’homme, de mari, de père. C’est pourquoi en échange de sa libération, nous vous proposons de le remplacer dans sa prison. Nous sommes 10 Françaises et Français. Nous avons un âge certain. Nous sommes prêts à nous offrir en otages de votre politique illégale et à prendre sa place en prison. Cet échange devrait vous convenir. Il ne serait pas de votre décision mais de la nôtre quand bien même nous récusons ce type d’emprisonnement arbitraire. Nous ne pouvons plus supporter cet acharnement contre Salah Hamouri que nous connaissons bien. Nous ne pouvons plus supporter que notre compatriote soit illégalement, sans causes réelles et fondées, privé d’une vie d’homme jeune. Nous ne pouvons admettre qu’il soit séparé de sa femme et de son enfant de 2 ans. Nous informons les autorités françaises de notre démarche. »
Les signataires :
Monique Cerisier-ben Guiga, sénatrice honoraire ; Claude Léostic, présidente des ONG pour la Palestine ; Henri Bertholet, ancien député maire de Romans-sur-Isère ; Robert Clément, ancien président du conseil général de Seine-Saint-Denis ; Jean-Jacques Degail, chef d’entreprise à la retraite ; Pierre-Nadir Doumandji, ancien haut fonctionnaire de l’ONU ; José Fort, ancien grand reporter ; Jean-Claude Lefort, député honoraire, beau-père de Salah Hamouri ; André Rosevègue, militant de l’Union juive française pour la paix ; Daniel Voguet, ancien avocat au barreau de Paris.