Le 25 janvier, les Palestiniens se sont rendus aux urnes pour élire un nouveau parlement pour la seconde fois dans l’histoire de l’Autorité Nationale Palestinienne (ANP). Le peuple palestinien a participé à cette élection à une écrasante majorité. Selon les chiffres publiés par la Commission Centrale Electorale Palestinienne (CCEP), la participation a atteint le nombre étonnant de 77% des électeurs inscrits.
Avant la date du scrutin, plusieurs enquêtes d’opinion, dont un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote, donnaient comme indication que le Mouvement de la Résistance Islamique (Hamas) et le Fatah, le parti dominant, étaient au coude à coude. Il faut reconnaître que personne n’avait prédit ce qui devait sortir des urnes. Les résultats définitifs sont les suivants : 76 sièges pour le Hamas, 43 pour le Fatah, 3 pour le PFLP (Popular Front for the Liberation of Palestine), et les 10 restants pour une liste d’Indépendants.
Avec ce changement fondamental intervenu dans le champ politique palestinien, beaucoup d’incertitudes se dressent non seulement devant le peuple palestinien, mais aussi devant l’appareil politique palestinien, c’est-à-dire devant l’Autorité Nationale Palestinienne et les institutions qui en dépendent. Néanmoins, avant de spéculer au sujet de la route qui est devant nous, il est impératif de comprendre quels sont les éléments qui nous ont amenés là où nous sommes (une situation où un groupe radical possède la majorité des sièges au Conseil Législatif Palestinien).
Plusieurs facteurs ont conduit au développement de l’Islam politique dans les Territoires Palestiniens sous Occupation. Selon la porte-parole et députée du Conseil Législatif, Hanane Ashrawi, il y a trois principales raisons qui ont contribué à ce résultat. La première raison est la volonté permanente d’Israël de miner tout véritable processus de paix avec l’ANP et de violer de façon continuelle les droits humains. La seconde est le mécontentement du public palestinien vis-à-vis du parti aux affaires, c’est-à-dire du Fatah, lequel a été affaibli par la corruption, les luttes internes et un processus de paix en échec. La troisième raison est le soutien aveugle et sans faille accordé par l’administration Bush à l’ancien premier ministre israélien Ariel Sharon et à sa politique destructrice et unilatérale qui n’a apporté que des frustrations au peuple palestinien.
Où vont à présent les Palestiniens ? La communauté internationale et sur ce point les israéliens également, ont mis en avant des conditions préalables avant d’engager tout dialogue avec le nouveau gouvernement palestinien qui devrait être dominé par le Hamas. Les deux préconditions sont d’abord que le Hamas renonce à la violence et se désarme, et ensuite que le Hamas retire de sa charte l’appel à la destruction d’Israël.
En retour, le Hamas a posé ses propres conditions, comme il l’a toujours fait lorsqu’il était dans l’opposition. Les conditions préalables posées par le Hamas sont pour le moins vagues ; lors d’une conférence de presse tenue aujourd’hui [28 janvier], le Secrétaire-Général du Hamas Khaled Mishaal a déclaré être disposé à s’impliquer avec la communauté international, mais seulement sous certaines conditions et certains paramètres considérés comme « acceptables » pour le peuple de Palestine. Ceci revient à dire à la communauté internationale que le Hamas est disposé à entrer dans un certain jeu politique, mais seulement à ses propres conditions.
Si chacune des parties impliquées dans le conflit développe sa rhétorique en termes de préconditions avant de négocier avec les autres, il n’est pas difficile de prédire le blocage que va connaître la région. Tout d’abord, la communauté internationale doit respecter le résultat des élections, plutôt que de menacer de couper les vivres à une population déjà appauvrie. Ensuite le Hamas doit gouverner le peuple de Palestine avec sagesse et sens des responsabilités. Le Hamas ne peut pas se comporter plus longtemps comme un parti d’opposition : gouverner tout un peuple va nécessiter de gérer chaque jour des questions aussi cruciales que la fourniture d’électricité, les transports, les services de santé, les finances, la sécurité et le développement. Avec le reste du monde regardant de près chaque fait et geste du Hamas, il faut que celui-ci puisse présenter des résultats au plus tôt au peuple palestinien.
Un blocage est la dernière chose dont la région a besoin ; il serait judicieux que toutes les parties impliquées mettent en second plan leur rhétorique et s’engagent dans un dialogue pragmatique et constructif.