Que pensez-vous de la tentative d’Annapolis ?
Jeff Halper : La conférence d’Annapolis ne changera rien si ce n’est de favoriser la position israélienne avant que l’administration Bush ne quitte le pouvoir. Cette conférence confirmera une politique d’apartheid où un degré va être franchi. Désormais, Olmert réclame des Palestiniens qu’ils reconnaissent Israël comme un État juif. Il ne souhaite pas discuter, ni négocier. Et cela sera perçu comme une nouvelle défaite personnelle pour Abbas. Ce qui pourrait amener l’effondrement de l’Autorité palestinienne et renforcer l’extrémisme, si la communauté internationale n’agit pas.
Quelle est la situation ?
Jeff Halper. Rien n’est réglé et Israël ne fera pas machine arrière si aucune pression internationale n’est exercée. Israël a détruit près de 18 000 habitations palestiniennes depuis l’occupation et rien ne justifie de tels procédés. Dans 90 % des cas cela n’a rien avoir avec les problèmes de sécurité invoqués par Israël. Alors la reconstruction des maisons est quelque part un acte de résistance pour les Palestiniens. Cela leur permet de dénoncer la tragédie humaine qu’ils vivent. Il faut que le masque tombe. Israël poursuit une politique d’invasion et d’envahissement. En Cisjordanie, la colonisation se poursuit et le mur est la clef de voûte de cette politique. Il contourne les colonies pour les intégrer dans un État hébreu…
L’État israélien se rend coupable de nombreux crimes pour maintenir la colonisation. Il suffit de regarder le développement des infrastructures autoroutières essentiellement pour et entre les colonies, sa politique d’arrachage d’arbres fruitiers à l’encontre des Palestiniens qui se retrouvent sur le tracé du mur. Mais il existe également des risques de désastre écologique à cause du système de traitement inexistant des eaux usées des colonies qui du coup se déversent en dehors et le plus souvent dans les plantations palestiniennes…
Est-il possible d’intervenir ?
Jeff Halper. Il faut dénoncer ces crimes et les mensonges des dirigeants d’Israël pour qu’une pression internationale s’exerce et qu’il y ait une mobilisation de l’opinion publique. Aujourd’hui, sur le plan du concept étatique, on atteint un seuil totalement impensable il y a quelque temps en Israël, à savoir l’affirmation d’un État qui soit reconnu comme un État juif. Cela impliquerait donc une prédominance d’un groupe sur l’autre. Ce ne serait plus une démocratie, mais une ethnocratie. Une partie de la population imposerait sa raison d’être à l’ensemble. Les droits de l’homme n’existeraient alors plus.