- Christian Jacob, patron des députés UMP, le 24 juin à l’Assemblée nationale. (Photo Thomas Samson AFP)
La proposition de résolution (PS) sur la reconnaissance de l’Etat palestinien ne prend pas le chemin du consensus. Si le texte, qui sera débattu le 28 novembre à l’Assemblée nationale, devrait faire quasiment le plein des voix de gauche, le groupe UMP envisage de ne pas prendre part au vote.
En réunion de groupe mardi matin, Axel Poniatowski, vice-président de la commission des affaires étrangères, s’est trouvé bien seul à défendre « cette constante de la politique étrangère française » depuis 1982 et le discours de François Mitterrand devant la Knesset : la reconnaissance de deux Etats, israélien et palestinien. Certains UMP ont vu dans la démarche socialiste une « manœuvre politicienne » destinée à « draguer une partie des banlieues » et à ressouder les rangs de la majorité. Et moquent un texte qui sera débattu « en catimini » un vendredi matin, ce qui n’est pas la meilleure garantie pour remplir l’hémicycle. Pour autant, si certains, comme Hervé Mariton, Christian Estrosi ou Thierry Mariani, annoncent qu’ils voteront contre, le gros du groupe n’irait pas jusque-là. Sur Public Sénat, Hervé Mariton imagine qu’« un tiers votera contre, un gros tiers ne participera pas et un tout petit tiers voterait pour ».
« Que Hollande assume ses responsabilités »
En lecteur pointilleux de la Constitution, Christian Jacob soulève d’abord deux problèmes de forme. Une proposition de résolution ne permet pas, selon la Constitution, de « donner une injonction au gouvernement », pointe le chef de file des députés UMP. Le texte rédigé par Elisabeth Guigou (PS) stipule que l’Assemblée « invite le gouvernement à reconnaître l’Etat de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit ». Hors sujet, ajoute Jacob, puisqu’elle touche à la politique diplomatique, a priori domaine réservé du président de la République. Comme si le Parlement ne devait donc pas se mêler du dossier israélo-palestinien. « Une position ambiguë », regrette Michel Issindou, président (PS) du groupe d’études sur la Palestine à l’Assemblée : « Les députés ont bien débattu d’une intervention au Mali ou en Centrafrique et il y a une commission des Affaires étrangères à l’Assemblée, on ne confond pas les rôles. »
« Soit (François Hollande) est favorable à la reconnaissance d’un Etat palestinien et il assume ses responsabilités, soit il ne l’est pas et il l’assume aussi, renvoie, de son côté, Christian Jacob. Mais il ne joue pas avec sa majorité en demandant au groupe PS d’aller déposer une résolution en catimini. » La proposition de résolution, si elle est votée à l’Assemblée dans dix jours – et le 11 décembre au Sénat où un texte a aussi été déposé – n’engage en rien l’exécutif. Mais il est difficile d’imaginer que la majorité a pris une telle initiative sans l’approbation discrète du Quai d’Orsay. Une délégation de parlementaires PS a d’ailleurs rencontré Laurent Fabius à ce sujet, le 5 novembre.
« Donner un élan à une négociation coincée »
Sur le fond, le président du groupe UMP estime que la proposition de résolution va à l’encontre de la position traditionnelle de Paris, « la reconnaissance de deux États au terme d’un processus de paix » : « La résolution présentée inverse les choses. »L’attentat meurtrier dans une synagogue de Jérusalem, mardi, a conforté les députés UMP dans l’idée de « ne pas en rajouter » dans ce climat d’extrême tension. Pour Jérôme Chartier, membre du groupe d’études sur la Palestine, « on ne peut pas reconnaître l’Etat palestinien tant que le Hamas ne reconnaît pas Israël. Il faudrait une initiative d’Etat dans le cadre du Quartet pour obtenir du Hamas et des autorités arabes qu’ils reconnaissent » l’Etat hébreu et sa sécurité. « Mais cette initiative parlementaire pollue surtout le débat », assène ce proche de François Fillon.
A l’inverse, Axel Poniatowski estime que parce que les négociations sont dans l’impasse, il faut justement envoyer « un signal politique ». « La France a toujours été partisane de la coexistence de deux Etats dès l’instant où une paix durable est signée, admet-il. Mais plus rien ne se passe. Ne rien faire durablement serait contre-productif. » Il est rejoint par Jacques Myard, qui votera la résolution « pour donner un élan à une négociation complètement coincée ». En bon souverainiste, il plaide pour que « la France cesse de se caler sur la ligne américaine et retrouve son indépendance sur la politique étrangère ». Les rares partisans de la résolution rappellent aussi que Nicolas Sarkozy était favorable au statut d’Etat observateur à l’Onu pour la Palestine en 2011 et que sous son quinquennat en 2010, la délégation palestinienne a gagné ses galons de mission de Palestine avec un ambassadeur à Paris.