Pour Reporters sans Frontières il n’y a pas d’occupation
En 3 ans, Reporters Sans Frontières (RSF) a modifié du tout au tout son jugement au sujet de la liberté de la presse en Israël. Le passage de la 92ème à la 47ème place pour l’état d’Israël est sans précédent dans l’histoire de l’index de la liberté de la presse de RSF. Au même moment, la position de l’Autorité Palestinienne a fortement baissé.
"Il semble que Reporters Sans Frontières a décidé que l’Autorité Palestinienne serait tenue pour responsable à la place d’Israël, des violations à l’encontre des journalistes dans les territoires occupés. C’est comme si l’ONG ne reconnaissait plus l’occupation" a déclaré Johannes Wahlström chercheur israélo-suédois sur les médias et co-fondateur du Centre de Presse International au Moyen Orient (IMEMC).
Ceci peut paraître à première vue comme une amélioration du traitement des journalistes par Israël. Mais une étude plus approfondie montre que "Reporters Sans Frontières" ne tient plus Israël comme responsable des violations de la liberté de la presse dans les territoires occupés, ce qu’il signifie que l’ONG a libéré Israël de ses obligations en tant que puissance occupante.
Dans son rapport annuel sur la liberté de la presse dans presque 100 pays du Monde, "Reporters Sans Frontières" classe les violations de la liberté de la presse par Israël au même niveau que ce que se passe aux frontières avec les Etats Unis. L’Autorité Palestinienne quant à elle s’écroule. Pourtant RSF reconnaît que l’AP semble impuissante pour empêcher la dégradation de la situation.
"Cet index mesure la situation de la liberté de la presse dans le Monde. Il reflète le degré de liberté rencontré dans chaque pays par les journalistes et les nouvelles organisations, ainsi que les efforts faits par chaque Etat pour assurer le respect de cette liberté" déclare Reporters sans Frontières sur la page d’accueil de son site. Plus un pays impose de restrictions et commet des violations et d’actions contre les journalistes, plus l’index est élevé, et plus faible est le classement pour la liberté de la presse. Par exemple cette année, 7 pays Européens ont été placés au premier rang et ont obtenu un index de 0.5. Le pays le moins bien noté est la Corée du Nord (167ème) avec un index de 109. De plus, il faut mentionner que le rapport annuel 2005 est basé seulement sur les évènements survenus entre le 1er septembre 2004 et le 1 septembre 2005.
Le premier classement a été publié en 2002, mettant au premier rang la Finlande, l’Islande, la Norvège et les Pays Bas, alors que la Corée du Nord était déjà au bas du tableau (ainsi que pendant les 3 années suivantes). De manière surprenante, l’Autorité Palestinienne était initialement considérée comme plus respectueuse de la liberté de la presse qu’Israël et occupait la 82ème place. Alors qu’Israël permettait aux journalistes de travailler relativement librement à l’intérieur de ses frontières, il n’était pas bien classé (92ème) en raison des mesures prises à l’encontre de la liberté de la presse dans les territoires occupés. Selon RSF, c’était du au fait que :
"Depuis le début des incursions israéliennes dans les villes et les villages palestiniens en mars 2002, de nombreux journalistes ont été molestés, menacés, empêchés de se déplacer, visés par des armes, blessés, expulsés, et se sont vus retirer leur carte de presse".
L’année suivante, RSF a divisé Israël en deux catégories différentes : Israël (sur le territoire israélien) et Israël (Territoires Occupés). La première catégorie partageait la 44ème place avec le Japon, alors que le gouvernement israélien d’occupation était noté aussi bas (146) que l’Autorité Palestinienne (130).
En 2004, Israël (sur le territoire israélien) avait un peu progressé, terminant à la 36ème place dans le Monde avec la Bulgarie. Cependant, dans les territoires occupés, Israël a continué a imposer des restrictions aux journalistes, bien qu’il est été jugé comme moins restrictif que l’Autorité Palestinienne (127). Bien que le gouvernement israélien d’occupation soit placé devant l’Autorité Palestinienne (12 places), la combinaison des index pour Israël sur le territoire israélien, (index 8) et dans les territoires occupés (index 37.5) le plaçait légèrement en deça de la contrepartie palestinienne (45.5 contre 43.17).
L’Autorité Palestinienne a été accusée "de ne pas fournir d’information au sujet d’une enquête supposée pour le meurtre d’un journaliste dans la Bande de Gaza", alors que "les locaux de nouveaux médias ont été saccagés et qu’environ 10 journalistes palestiniens ont été attaqués par des personnes non identifiés ou par des groupes armés tels que les Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa".
Mais en 2005, les choses ont changé. RSF a décidé de ne plus diviser Israël en 2 catégories séparées, considérant que les violations de la liberté de la presse dans les territoires occupés ont été négligeables au cours de l’année. Sur Israël, RSF portait le commentaire suivant :
"Israël (47ème) est la mieux placée (au Moyen Orient), mais régresse un peu en raison des mauvais traitements des journalistes par l’armée dans les territoires occupés. Ce type de violence a diminué fortement au cours de l’année et le classement ne fait plus l’objet d’une différentiation. L’expulsion d’un journaliste français en juillet a aussi contribué à la rétrogradation d’Israël".
"Les médias israéliens, protégés par la législation et des décisions juridiques, sont très francs et énergiques".
"Dans les territoires palestiniens, la désorganisation sécuritaire a été accompagnée d’une augmentation de la violence contre les médias, aggravant les obstructions causées par l’armée israélienne".
L’index israélien est tombé de 45.5 en 2004 à seulement 10.0 cette année. En 2003 et en 2004, l’index pour Israël (territoire israélien) était de 8.00. Par conséquent, il est clair que les restrictions israéliennes dans les territoires occupés n’affectent plus beaucoup l’index israélien.
Pendant ce temps, Reporters Sans Frontières n’est plus aussi favorable à l’Autorité Palestinienne que par le passé. La 132ème place signifie qu’elle perd 6 places en une année, et son index est presque le même que l’an dernier (42.5). De manière intéressante, dans son rapport, RSF impute à l’Autorité Palestinienne des violences qu’elle n’a pas commises ou qu’elle n’a pas été capable d’empêcher :
"Cependant, une situation de non-droit perdure à Gaza où des journalistes sont devenus des cibles. 4 ont été kidnappés pendant l’année et l’Autorité Palestinienne (132ème) parait impuissante pour empêcher la dégradation de la situation".
Le classement élevé d’Israël a été accueilli avec un grand étonnement par Johannes Wahlström, chercheur israélo-suédois sur les médias et co-fondateur du Centre de Presse International au Moyen Orient (IMEMC). Il a établi de nombreux rapports sur Israël et sur les territoires occupés et il considère très difficile à croire que les atrocités et les restrictions israéliennes ont presque complètement cessé.
"Il semble que Reporters Sans Frontières a décidé que l’Autorité Palestinienne serait tenue pour responsable à la place d’Israël, des violations à l’encontre des journalistes dans les territoires occupés. C’est comme si ils ne reconnaissaient plus l’occupation" a déclaré Wahlström.
Il compare cette situation à celle des 3 années précédentes pendant lesquelles l’index pour Israël était toujours supérieur à celui de l’Autorité Palestinienne. Wahlström considère que le changement soudain est due aux pressions pro-israéliennes.
"Israël n’est plus considéré comme responsable de ce qui se passe dans les territoires occupés" dit-il. "Bien sur la liberté de la presse existe en Israël. Ce que Reporters sans Frontières dit c’est qu’Israël assure la liberté de la presse dans une partie du territoire. L’ONG prétend en même temps que cet état n’a aucune responsabilité sur l’autre partie".
"C’est particulièrement bizarre parce que l’index distingue pour les USA (44), le territoire américain et ce que se passe en Iraq (137). Si la liberté de la presse s’améliore en Iraq, est ce que l’occupation va cesser d’exister ?" questionne Wahlström.
Le travail de journaliste en Israël/Palestine se heurte à deux problèmes. Quand quelquechose arrive dans les territoires, les militaires israéliens bouclent la ville, en empêchant l’accès aux journalistes. Par exemple, le 1er novembre, le Guardian a rapporté que le Ministre de la Défense israélienne a interdit l’entrée de la Bande de Gaza aux journalistes afin de tenter apparemment de limiter la couverture de l’assassinat de civils palestiniens, des bombardements et de l’utilisation de bombes soniques pour terrifier la population locale .
C’est une tactique fréquemment utilisée par les Israéliens pour empêcher les journalistes de décrire la souffrance palestinienne. Mais si une attaque-suicide a lieu ou si un colon juif est assassiné par des Palestiniens armés, les journalistes disposent d’une liberté totale. Comme Wahlström le fait remarquer "il y a un problème évident".
De plus, si un journaliste publie un article qu’Israël considère comme "anti-israélien", il ou elle peut, à long terme, ne pas se voir renouveler sa carte de presse. Au pire, il ou elle peut se voir interdire l’accès à Israël (y compris les territoires).
" Ma carte de presse n’a pas été renouvellée. Et si je me rends dans une ville de manière illégale, je risque de me faire expulser. Beaucoup de journalistes ne veulent pas prendre ce risque, qui signifie qu’ils ne peuvent plus prendre part à la vie quotidienne des Palestiniens. C’est pourquoi nous avons fondé IMEMC" a expliqué Wahlström.
IMEMC a contacté le bureau suédois de "reporters sans frontières pour demande d’explication. Mais jusqu’à présent, aucune réponse n’a été obtenue.
Pour plus d’informations, voir le site www.rsf.org
Imemc, 9 novembre 2005
Reporters sans Frontières
Communiqués de presse
2 décembre, 2005
*ISRAEL*
*Reporters sans frontières demande des explications sur l’arrestation
d’un journaliste d’Al-Jazira en Cisjordanie*
Reporters sans frontières proteste contre l’arrestation, le 30 novembre
2005, d*’Awad Rajoub*, journaliste palestinien du site Internet de la
chaîne de télévision / Al-Jazira/, à son domicile à Doura, (10km de
Hébron).
L’organisation demande aux militaires israéliens de fournir des
explications sur les raisons de cette détention.
"L’armée israélienne, qui affirme que cette affaire n’a aucun lien avec
la profession d’Awad Rajoub doit dire ce qu’elle sait au plus vite. Dans
le cas contraire, il n’y a aucune raison de maintenir ce journaliste en
détention et il doit être libéré immédiatement", a déclaré Reporters
sans frontières.
Lors de l’arrestation, l’armée israélienne a emporté l’ordinateur et le
téléphone portable du journaliste. Interrogé par/ Al-Jazira/, un
porte-parole de l’armée a déclaré que le journaliste avait été arrêté
pour "des motifs qui n’ont aucun lien avec son travail" et que l’armée
était "intéressée par des informations qu’il détient".
Contacté par Reporters sans frontières, Khaled Amayri, responsable de la
section anglaise du site Internet d’/Al-Jazira/ pour les territoire
Palestiniens a déclaré que "son emprisonnement est une nouvelle preuve
de la politique discriminatoire menée vis-à-vis des médias arabes par
l’armée israélienne dans les territoires occupés. Les professionnels de
la presse travaillent dans des conditions très difficiles dans ces
territoires et sont régulièrement arrêtés puis relâchés sans que l’on
sache ce qui leur est reproché. De plus, non seulement, nous sommes
souvent privés d’accréditation mais nous nous sommes régulièrement
entendu dire que travailler pour/ Al/-/Jazira/ est une trahison."
Awad Rajoub, 29 ans, travaille pour la version arabe du site Internet de
la chaîne de télévision satellitaire. Après avoir effectué des études de
journalisme au Qatar, il a rejoint le groupe/ Al-Jazira/ en 2001. Il est
également correspondant du journal qatari/ Al Sharq/ et collabore
régulièrement au site d’information/ Islam-on-line/.
Maghreb & Middle-East Desk
Lynn TEHINI
Reporters Without Borders
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