La reconnaissance de l’État de Palestine dans les frontières de 1967 est une étape morale qui devrait être franchie par l’ensemble des États qui soutiennent la solution de deux États. C’est un investissement pour la paix, et le bon message à adresser aux Israéliens comme aux Palestiniens. Pour Israël, la force occupante, cette reconnaissance serait un signal fort indiquant que sa politique illégale de colonisation est nulle et non avenue. Elle le serait d’autant plus qu’Israël n’a pas le droit d’opposer son véto au recouvrement par le peuple palestinien de ses droits inaliénables à la liberté et l’indépendance. Pour les Palestiniens, une telle reconnaissance serait une réaffirmation de leur droit à l’autodétermination et un pas dans la bonne direction, ainsi qu’une preuve que la diplomatie et le droit international sont la voie à suivre. Enfin, cela confirmerait que la communauté internationale restera du côté de ceux qui respectent ses lois et ses principes.
Ceux qui s’opposent à notre appel à une reconnaissance internationale subordonnent notre droit à l’autodétermination à un choix israélien. Ils occultent ainsi le fait que notre indépendance n’a jamais figuré parmi les sujets du statut final qui, eux, devraient être traités avec les Israéliens. Il s’agit d’un droit souverain dont disposent tous les peuples, en conformité avec le droit international. Notre droit à un État n’est pas négociable. Nous refusons de continuer à être l’exception des normes internationales, tandis que certaines parties de la communauté internationale persistent à dissimuler leur responsabilité derrière les appels à la reprise des négociations. Cependant, nous réaffirmons fermement qu’il ne s’agit pas de contourner les négociations en vue d’un accord du statut final.
À l’instar de tout autre conflit, notamment la fin de l’apartheid Sud-Africain, les négociations sont nécessaires pour régir les relations entre Israël et la Palestine, au lendemain de la fin de l’occupation. De telles négociations devraient aborder tous les sujets du statut final, y compris les refugiés, Jérusalem, les colonies, les frontières, la sécurité, l’eau et les prisonniers.
En 1988, l’OLP avait fait le douloureux compromis historique d’une reconnaissance d’Israël sur les frontières de 1967, concédant ainsi 78% de la Palestine historique. Cette démarche enthousiasma l’Europe, qui n’avait eu de cesse de répéter qu’elle aboutirait, "en quelques années, à une paix, avec l’indépendance de la Palestine. Cependant, notre droit légitime tant attendu paraît aujourd’hui plus difficile encore à mettre en application au vu de l’accroissement du nombre de colons israéliens, qui a plus que triplé durant les 26 dernières années. La culture de l’impunité maintes fois garantie à Israël a facilité ce processus.
L’accord d’association passé entre l’Union Européenne et Israël peut lui-même être transgressé au gré des violations des droits de l’homme, sans qu’aucune sanction effective ne soit prise à l’égard d’Israël. Après avoir condamné pendant des décennies l’expansion des colonies israéliennes, nombre de gouvernements européens ont alerté sur la probable disparition de la solution de deux États. Les seuls appels à une reprise des négociations ne sauraient transformer la situation actuelle : alors qu’un système d’apartheid est imposé à des millions de Palestiniens, l’horizon politique continue de dépérir.
Alors que des millions d’Européens continuent à témoigner, depuis des années, leur solidarité envers la Palestine, beaucoup d’entre eux nous disent leur désespoir face au fait que la Palestine continue, jusqu’à nos jours, de payer pour les erreurs politiques de l’Occident dans notre région. Ce sont ces mêmes politiques qui ont octroyé à Israël une culture d’impunité sans précédent. Des centaines de milliers de citoyens ont appelé, dans les rues d’Europe, à une justice pour la Palestine. Des délégations européennes de toutes confessions et de tous bords politiques organisent tous les ans des visites en Palestine, apportant ainsi leur soutien aux principes de justice et aux exigences de paix, parmi lesquels la reconnaissance de l’État de Palestine dans les frontières de 1967.
En reconnaissant la Palestine, et en apportant son soutien à notre initiative qui vise à fixer une date limite à la fin de l’occupation, l’Europe n’encouragera pas les Palestiniens à contourner les négociations. Bien au contraire, elle adressera un message fort d’engagement en faveur du droit international et de la diplomatie, comme seul moyen d’avancer. Elle témoignera ainsi de son respect pour le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Afin de sauver la solution de deux États, une première étape serait effectivement de reconnaître deux États et non un seul.
À Ramallah, le 30 octobre 2014.