Les développements actuels en Palestine mettent en évidence les points suivants :
Les accords d’ Oslo et leurs annexes, y compris le Protocole de Paris sur les Relations économiques, sont arrivés à une impasse inévitable.
La théorie, adoptée par les nations occidentales, que la promotion du développement économique de la Palestine et la construction des institutions sous occupation israélienne ininterrompue sont la seule voie pour établir un Etat indépendant s’est également écroulée.
Les négociations connues sous le nom de « processus de paix » et la conviction que les Etats-Unis exerceraient une pression consistante sur Israël dans ce contexte n’étaient qu’illusion.
Tout reste de confiance dans ce processus s’est évaporé et le processus a dépassé depuis longtemps sa date de péremption.
La dure crise économique qui frappe la Palestine aujourd’hui révèle à quel point cela relève de la fiction d’envisager un développement économique palestinien sous une occupation qui s’est transformée en un modèle de discrimination raciale systématique et d’apartheid qui est le pire que l’histoire a jamais connu.
Il n’est plus possible d’éluder la question essentielle qui est la nécessité de s’opposer à l’offensive que mène Israël afin d’étendre les colonies et s’emparer de la terre, détruisant toute possibilité de contigüité territoriale et donc la perspective de construire un Etat viable, tout en détruisant les fondations du développement et de la survie économiques des Palestiniens.
La dépendance économique des territoires occupés ne se limite pas à se reposer sur l’assistance des pays donateurs. En réalité elle trouve sa source dans l’incapacité de l’Autorité palestinienne (AP) à prendre des décisions indépendamment des restrictions imposées par les accords d’Oslo et le Protocole de Paris. Ceux qui alors se taisaient devant ces conditions inéquitables paient aujourd’hui le prix de leur silence. Parce qu’Israël détient le contrôle sur la plupart des taxes imposées aux Palestiniens, il a le pouvoir d’user de la remise de cet argent à l’AP pour exercer un chantage politique.
L’idée théoriquement brillante de promouvoir une économie de consommation sous occupation comme alternative au développement d’une économie libre qui serait incluse dans la lutte de libération nationale, semble ridicule aujourd’hui si l’on considère qu’Israël contrôle totalement plus de 80 % de la Cisjordanie et qu’il interdit toute activité économique indépendante sur 62 % de ce territoire.
Considérons aussi que la permanence des divisions entre Jérusalem et la Cisjordanie, ou entre la Cisjordanie et Gaza, a empêché l’émergence d’un marché palestinien unifié ; qu’Israël contrôle 90 % des ressources en eau et contraint les Palestiniens à payer le double des coûts que paient les Israéliens pour l’eau et l’électricité ; que le système douanier de taxes unifiées impose aux Palestiniens de payer des biens et produits au prix israélien bien que le revenu par tête des Israéliens soit 25 fois plus élevé que celui des Palestiniens.
Pour les Palestiniens de Gaza la situation est encore plus tragique après 6 années d’un blocus économique brutal qui a des conséquences économiques et humaines très graves.
Pour aggraver l’ injustice, Israël utilise la terre et l’eau qu’il confisque afin de construire des entreprises israéliennes rentables et il utilise les milliards de dollars ainsi générés pour construire et étendre les colonies et pour détruire ce qui reste des ressources naturelles limitées des territoires occupés.
Cinq ans après l’adoption de la théorie « développement économique sous occupation », la Palestine a le cinquième taux de chômage le plus élevé au monde. Le chômage des jeunes diplômés en Cisjordanie et à Gaza atteint 80 %. Pas étonnant que cette partie de la population constitue la portion la plus importante des participants au mouvement de protestation en cours en Cisjordanie contre l’augmentation du coût de la vie, la pauvreté et le chômage.
Sous pression d’Israël et de certains pays donateurs, l’Autorité palestinienne doit allouer 30 % de son budget déjà bien maigre aux agences de sécurité.
En conséquence, les budgets alloués à l’éducation, la santé, les affaires sociales et l’ agriculture ont décliné. L’agriculture reçoit actuellement 0.8 % du budget de l’AP, alors que la Palestine est un pays agricole et que la résistance à l’occupation nécessite un secteur agricole fort.
Tout ceci nous dit que la Palestine a besoin d’une approche économique radicalement différente, une approche qui renforce la capacité des gens à rester fermes et déterminés dans la résistance au système d’apartheid. Cette approche est à des années lumière de celle qui enchaîne les Palestiniens à la dette et continue d’en faire des proies pour les forces d’une économie de consommation néolibérale qui les piège dans le combat quotidien pour joindre les deux bouts.
Dov Weisglass, ancien haut conseiller d’ Ariel Sharon, avait résumé la situation avec élégance. Selon lui les accords d’Oslo étaient le plus grand coup de génie d’Israël parce qu’ils perpétuaient l’occupation tout en en minimisant les coûts qui étaient déplacés et laissés à la charge des Palestiniens et des pays donateurs.
Cela rendait l’occupation rentable.
Les Palestiniens doivent avoir le record du monde, non seulement du peuple à avoir vécu le plus longtemps sous occupation étrangère, mais aussi comme seul peuple à avoir été contraint d’assumer aussi la facture de l’occupation.
Ces jours ci, certains pays donateurs veulent eux aussi faire partager le fardeau du coût de l’occupation par le peuple palestinien. Ce qui permet d’expliquer les décisions erronées du gouvernement de l’AP d’augmenter les taxes, la TVA et de ne pas intervenir pour casser la spirale des prix du fuel et des produits alimentaires.
Les Palestiniens regardent leur horizon politique se refermer sur eux sur fonds d’une querelle interne qui semble sans solution. Ajoutez à cela le chômage rampant, l’inflation galopante, la pauvreté grandissante et le stress toujours plus grand d’avoir à vivre au jour le jour.
Ce n’est pas la recette pour une explosion ?