Après le constat de leur échec politico-militaire en Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis, soumis en outre à une pression accrue du monde arabe, Etats et sociétés, pour une solution politique de la question palestinienne, ont ressenti la nécessité d’une réorganisation géostratégique d’un Moyen Orient qui possède les deux tiers des ressources énergétiques connues. Ce qui suppose de repenser les relations avec le monde musulman, y compris l’Iran (on se souvent du discours du Caire d’Obama en juin d’Obama) mais aussi avec Israël.
Les Etats-Unis et le monde arabe estiment qu’une négociation-pression avec l’Iran suppose d’ouvrir le dossier, jusque là tabou, du nucléaire israélien. En 2010, sur une exigence du monde arabe soutenue pour la première fois par les Etats-Unis, la Conférence de révision du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), a décidé la tenue d’une Conférence spéciale en 2012 avec pour objectif d’avancer dans la création d’une zone dénucléarisée au Moyen Orient. Certes la cible officielle de cette réunion est le projet iranien. Mais personne n’ignore que l’autre cible est Israël, l’unique pays de la région à posséder un arsenal nucléaire et à ne pas avoir signé le TNP donc à n’avoir jamais été inspecté par l’Agence internationale de l’énergie atomique, AIEA.
Ayant toujours opposé un refus absolu à toute forme de contrôle de son arsenal nucléaire par qui que ce soit, y compris par les Etats-Unis, Israël fait tout son possible pour reporter cette réunion ou en tout cas faire qu’elle ne soit qu’un échange de bonnes paroles. Pour Obama, au contraire, qui a accepté que cette conférence n’ait lieu qu’en 2013, à Helsinki, l’échec affaiblirait sa position et ses efforts pour promouvoir le TNP.
L’enjeu est clair : c’est la parité stratégique. A savoir un Moyen Orient dans lequel Israël ne serait plus le seul Etat à posséder l’arme nucléaire (en secret, avec l’accord silencieux de l’Occident) et à dicter les règles du jeu. Et où il devrait aussi admettre de « partager » ce pouvoir avec un Iran doté d’une capacité de produire des armes nucléaires. En même temps on voit mal les pays arabes accepter ce double pouvoir...
C’est le refus absolu de la perte du monopole nucléaire dans la région qui motive la volonté de Netanyahou et de son ministre de la Défense, Ehoud Barak, d’empêcher par tous les moyens l’Iran de disposer de la « capacité nucléaire ». Et non, comme le prétendent leurs zélés défenseurs, pour protéger Israël d’un éventuel blitz iranien avec des armes nucléaires.
L’Iran veut accéder à la capacité nucléaire parce qu’il s’estime entouré de puissances nucléaires interventionnistes, les Etats-Unis et Israël, et que, face à cette situation, il lui faut opposer la puissance dissuasive, « égalisatrice », du nucléaire. Pour l’Iran, toute renonciation réelle à l’application militaire de la technologie nucléaire n’est possible que si les Etats-Unis acceptent le transfert d’un rôle de sécurité régionale à l’Iran, couplé avec des garanties de non-agression d’Israël.
Ainsi se définissent les bases d’une négociation possible avec les Etats-Unis : dissuasion « virtuelle », sans armes nucléaires (être un pays « de seuil »), droit à mener un programme civil, sauvegarde du TNP et de l’AIEA et garantie de sécurité d’Israël. Le tout permettant à l’Iran de jouer un rôle de puissance régionale dans un système international multipolarisé.
Israël n’est pas prêt à accepter cette nouvelle configuration, mais l’intérêt stratégique américain n’amène-t-il pas les Etats-Unis à imposer à Israël cette nouvelle donne ?
La conférence d’Helsinki peut ouvrir une porte à une dénucléarisation par étapes. Ce qui suppose une approche politique et régionale où l’on négocie à la fois sur le nucléaire, la question palestinienne et le retrait américain d’Irak et d’Afghanistan.
Certes on ne peut exiger qu’Israël abandonne la bombe du jour au lendemain, mais on doit l’inciter à accepter l’idée d’un traité régional d’interdiction des armes de destruction de masse, parce qu’on ne peut pas éternellement proclamer qu’Israël a le droit à la bombe et pas les autres.
En même temps, face au refus israélien, on doit se préparer à un Moyen Orient de plus en plus dangereux à mesure qu’Israël refuse toute solution politique au conflit israélo-palestinien et que s’étendent, à partir de la tension entre Israël et l’Iran, la nucléarisation et la militarisation d’une région où un « incident » est vite arrivé, pouvant enclencher un conflit armé aux conséquences incalculables.