Soixante ans après la Déclaration universelle, les Droits de l’Homme sont "très malades". "Les droits de l’Homme sont ignorés dans de nombreux pays". C’est ce qu’a déclaré à l’AFP [1] Monsieur Richard Prasquier, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) citant le Darfour, le Zimbabwe.
Certes ...
"La liste de ces pays est longue et de plus les Droits de l’Homme sont instrumentalisés par certains Etats au sein-même du Conseil des droits de l’Homme", estime le président du CRIF.
Début de phrase imparable. Mais la suite du propos peut rendre perplexe. Où Monsieur Prasquier veut-il en venir ?
"Sur des bases politiciennes, on admet de parler de certaines violations et on en occulte d’autres beaucoup plus graves" (...) "on se réunit pour stigmatiser Israël", en passant sous silence d’autres pays plus coupables, ajoute-t-il.
Nous y voilà. Mais quelles sont donc les violations et les pays violateurs des droits de l’Homme que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU passe sous silence ? Des noms s’il vous plait. Et qui instrumentalise en réalité les droits de l’Homme et les institutions qui veillent à leur application ? Si le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a dressé des rapports sur Israël, il n’est pas le seul organisme à le faire. Et il ne limite pas ses critiques à ce seul pays quoiqu’en dise Monsieur Prasquier. Toutes les institutions internationales qui œuvrent pour les droits de l’homme – organisations de l’ONU et ONG – exercent leur vigilance sur l’ensemble des pays. Mais certains pays qui violent aujourd’hui plus gravement les droits humains que d’autres font l’objet de rapports plus fréquents et plus volumineux. C’est le cas de l’Etat d’Israël.
Revenons à la déclaration de Monsieur Prasquier : Dans le même ordre d’idées, Monsieur Prasquier se dit circonspect sur la conférence dite "Durban II" sur le racisme (20 au 24 avril à Genève) parce que la conférence préparatoire est "faite par des pays grands violateurs des droits de l’Homme". Au moment de Durban I, le colloque des ONG avait été une débauche de propos antisémites et "si on refait une conférence des ONG à Durban II, ce sera la même chose", estime-t-il.
Ce sera peut-être la même chose à Durban II qu’à Durban I, et peut-être pire quant à la dénonciation d’Israël car les horreurs perpétrées par ce pays ont empiré sur tout le territoire palestinien, Gaza, Cisjordanie et Jérusalem-est. Peut-être les mots employés au colloque des ONG à Durban II choqueront-ils certains. Peut-être même dans la foule y aura-t-il des provocateurs ou des personnes peu recommandables malgré la vigilance des organisateurs. Mais est-ce vraiment par antisémitisme que la plupart des participants à la Conférence des ONG de Durban II risquent de mettre en cause Israël dans sa politique à l’égard des Palestiniens ? Arrive-t-il au CRIF et à Israël (et à Gérard Fellous qui vient de co-signer avec Monsieur Prasquier un papier publié par le journal Le Monde allant dans le même sens en se réclamant de son ancienne fonction de secrétaire de la CNCDH [2]) de s’interroger sur ce qui fait que la politique israélienne est dénoncée de toutes parts. Ont-il seulement apporté leur attention à l’avis de la Cour internationale de Justice du 9 juillet 2004 sur le mur construit par Israël en territoire palestinien ? L’universalité des Droits de l’Homme est en effet en danger à plus d’un titre. Mais n’est-ce pas donner du grain à moudre à ceux qui la contestent que de la laisser aux portes de la Palestine ?
"Les pays démocratiques doivent être attentifs et ne pas faire de compromis sur quoi que ce soit de fondamental, (...) si Israël est le seul pays visé, ce n’est pas acceptable, parce que ce qui se passe en Israël est très très loin de ce qui se passe dans d’autres pays", insiste-t-il.
Tout d’abord, là encore "ce qui se passe en Israël" englobe-t-il le territoire palestinien occupé par Israël et les Palestiniens, ou ceux-ci ne sont-ils pas concernés par les droits de l’homme ? Mettons que pour Monsieur Prasquier le sort des Palestiniens concerne Israël.
On entend souvent, à tout propos, dans la bouche de quelques personnes, toujours les mêmes, l’argument comparatif... et cet argument opère dans certaines sphères de pouvoir. C’est vrai : quantitativement et dans l’horreur, il y a pire. Mais à qui et à quoi Israël veut-il se comparer ? au Darfour ? au Zimbabwé ? à la RDC ? au Rwanda ? Quel niveau de massacres leur faut-il, à ce pays "démocratique" et à ses porte-parole, pour estimer qu’il y a quelque chose de "fondamental" sur lequel il ne faut "pas faire de compromis" ? Israël, si généreux, si soucieux des droits humains, que ne se compare-t-il à la Suède, à l’Angleterre, à la France, bref aux pays de l’Union européenne d’aujourd’hui auxquels il fait la cour – avec un succès certain – pour qu’ils renforcent leurs liens avec lui (afin que l’Europe lui garantisse encore plus d’impunité) ?
Et si l’on veut faire des comparaisons, quel autre pays a été créé à la suite d’une décision de l’ONU ? Même dans le monde aussi imparfait que notre monde d’aujourd’hui, où le principe d’égalité est mis à mal plus que jamais depuis 1945, quel autre pays bénéficie d’une aussi criante impunité pour les violations, au su et au vu de tous, des décisions de l’ONU, de ses principes et de ses valeurs ?
Cela ne pourra pas réussir indéfiniment. S’il vous plait, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs du CRIF, cessez, pour défendre Israël, l’objet de votre passion, d’instrumentaliser notre bien le plus précieux d’après la seconde guerre mondiale, ce que les hommes ont inventé pour essayer d’éradiquer la guerre de la Planète, l’ONU, sa Déclaration universelle des droits de l’Homme et le droit international. Votre passion, nous pourrions la respecter mais pas si elle vous conduit à un aveuglement tel que vous pardonnez toujours tout, même la destruction d’un autre peuple, pas si c’est une passion destructrice. Et s’il vous plaît, pas au nom des droits de l’Homme !!