L’élection de la semaine dernière conduira probablement à la fin de l’ère Nétanyahou en Israël. De là à penser que cette défaite conduira à de nouvelles négociations de paix avec les Palestiniens, c’est improbable. Peu importe qui formera le prochain gouvernement, le processus de paix avec les Palestiniens ne se retrouvera pas au centre de l’agenda politique. [...]
Les partis de gauche - ceux dont on pourrait penser qu’ils sont le plus disposés à reprendre les négociations avec l’Autorité Palestinienne - maintiennent leur nombre de sièges à la Knesset. Lors du scrutin d’avril dernier, les deux partis de gauche - Meretz et travailliste - s’engageaient pour une solution à deux Etats et pour une voie diplomatique et gagnaient 10 sièges. Aujourd’hui, le Parti travailliste court après une alliance avec un groupuscule du centre gauche, Gesher, pour obtenir 6 sièges. Quant au Camp démocratique de l’ancien Premier ministre Ehud Barak, qui a absorbé le Meretz, il est crédité de 5 sièges.
Même si la gauche semble avoir gagné 1 siège, ce n’est pas un engagement significatif pour le processus de paix. Ces 11 sièges ne sont pas suffisants pour peser dans la balance du pouvoir entre les deux grands partis, ni face à tous les sièges remportés par la droite, l’extrême-droite et les religieux. [...]
Tous ces partis sont, au mieux, dubitatifs quant à l’intérêt d’une paix avec les Palestiniens et au pire, farouchement opposés à un Etat palestinien indépendant.
Les positions de Bleu Blanc
Le leader de la formation Bleu Blanc, Benny Gantz, est resté vague sur ce qu’il considérait être la meilleure solution au conflit israélo-palestinien. Il n’a pas du tout parlé de processus de paix pendant sa campagne, mettant plutôt l’accent sur les sujets domestiques et la nécessité de renvoyer Nétanyahou à ses dossiers judiciaires.
Et quand il a évoqué un Etat palestinien, il n’a pas été clair sur son soutien à une entité indépendante. On dit qu’il a apporté sa contribution à un document d’orientation politique édité par le prestigieux Institut d’études sur la sécurité nationale qui recommande à Israël de prendre des mesures unilatérales si nécessaire. Il y est vaguement évoqué une "entité" palestinienne qui rassemblerait 65% de la Cisjordanie, une ineptie pour n’importe quel dirigeant palestinien.
Parmi les autres dirigeants de Bleu Blanc, l’ancien chef d’état-major Moshe Yaalon défend l’expansion des colonies en Cisjordanie et reste hostile à toute revendication des Palestiniens.
De son côté, le leader de Yesh Atid [une composante de la formation Bleu Blanc] Yair Lapid ne montre aucun intérêt particulier pour le processus de paix. Pour mener à bien des négociations, il considère que les troupes israéliennes doivent pouvoir pénétrer n’importe dans quel territoire palestinien, de n’importe quelle façon, à n’importe quel moment s’ils estiment qu’il y a une menace terroriste urgente ; que la Vallée du Jourdain doit rester sous contrôle israélien ; qu’il n’y a aucun droit au retour pour les Palestiniens et que Jérusalem reste une ville israélienne, une et indivisible. Autant de conditions rédhibitoires pour les Palestiniens.
Si Gantz est capable de convaincre ses partenaires de considérer sérieusement le retour à la table des négociations et de porter des concessions acceptables pour les Palestiniens, alors il devra former un gouvernement avec le Parti travailliste-Gesher et l’Union démocratique et avec les 13 représentants de la Liste arabe unifiée. Mais il pourrait bien aussi avoir besoin d’un des partis religieux, ou de Liberman. Or aucun d’entre eux ne voudra s’assoir autour d’une table avec la Liste unifiée. C’est comme une norme implicite en Israël d’exclure les partis arabes du gouvernement, suspicion mutuelle oblige.
L’annexion est-elle sur la table ?
A la fin de sa campagne, Nétanyahou a martelé qu’une fois réélu, il procèderait à l’annexion de la partie de la Cisjordanie revendiquée par les Palestiniens comme territoire de leur futur Etat. Il a tenu bon en ajoutant qu’il agirait en « coordination » avec les Etats-Unis. Il présumait sûrement que Trump serait un partenaire volontaire dans cette entreprise, au vu de la politique punitive menée par l’administration américaine à l’égard des Palestiniens.
Il n’est pas clair si tous les partis religieux ou d’extrême-droite sont prêts pour ce genre d’initiative. En plus de leur opposition et de leur crainte des négociations, les partis religieux semblent préférer le modèle de d’« annexion rampante » selon lequel les colonies juives s’étendent dans la région au même rythme que la loi, lentement mais sûrement, s’applique non plus aux seules implantations mais à tout le territoire autour. Ainsi, même si on ne peut être totalement sûr de la poursuite d’une annexion totale, le résultat est le même.
Liberman a répété qu’il n’entrerait pas dans un gouvernement avec Nétanyahou, ce qui prive potentiellement ce dernier des moyens de former une coalition. Mais cela signifie aussi qu’une majorité des partis représentés à la Knesset adopteront une ligne dure sur la question du processus de paix et n’envisageront guère de poursuivre les négociations.
Il y a par ailleurs une majorité écrasante de membres de la Knesset désintéressés voire hostiles au processus de paix. A ces conditions, il ne faut surtout pas s’attendre à ce que les négociations avec les Palestiniens se retrouvent en haut de la liste des priorités du gouvernement.
Négociations pour une coalition
Le marchandage post-électroral décourage de s’intéresser au processus de paix. Quiconque sera sera désigné par le président pour former le prochain gouvernement aura 28 jours pour le faire, avec possibilité d’un délai supplémentaire de 14 jours. Si cette personne échoue, le président peut désigner un deuxième homme pour essayer. S’il devait échouer à son tour, les 61 membres de la Knesset peuvent mandater un des leurs à cette tâche. Et si cela ne fonctionne toujours pas, de nouvelles élections devront être organisées. Après toutes ces gesticulations politiciennes, plus aucun ne se souciera du sort des négociations avec les Palestiniens mais bien de l’opportunité à saisir pour revenir au gouvernement ou à la Knesset.
*Brent E. Sasley est professeur de Science politique à l’Université du Texas.
Traduit de l’anglais (original) par l’AFPS.