Quelques heures après le drame, les corps de la plupart des victimes avaient déjà été conduits à l’hôpital, puis à la mosquée Al-Auda, à Jabaliya. C’est dans le cimetière tout proche que repose désormais Rahed Taysir Al-Hom, un père de sept enfants, âgé de 43 ans, dont le Guardian dresse un portrait plein d’émotion.
Car Rahed Taysir Al-Hom n’était pas un anonyme à Gaza. Depuis plus de vingt ans, il était dans la police palestinienne, et dirigeait depuis cinq ans l’unique brigade chargée du déminage dans l’enclave. Un métier qui expliquait sûrement cette "force tranquille" qui se dégageait de lui, relate le journaliste du Guardian Jason Burke, qui avait eu l’occasion de l’accompagner lors d’une opération de déminage voilà quelques semaines. "Ma femme pense que je rentrerai un jour à la maison en petits morceaux dans une boîte", expliquait-il alors.
Et c’est bien une de ces opérations qui a mal tourné, mercredi. Certes, le risque faisait partie de son métier, mais Rahed Taysir al-Hom se sentait investi d’une mission. "Chaque fois que j’entends que quelqu’un a été blessé par une bombe au sol, je me sens tellement désolé. C’est de ma responsabilité (...) J’essaie d’en faire le plus possible", confiait-il.
Le combat qu’il menait avec son équipe, dont trois membres ont aussi été tués dans l’accident de mercredi, relevait pourtant du mythe de Sisyphe, dans ce territoire en proie à une guerre quasi permanente. Depuis le début de l’opération "Bordure protectrice", lancée par l’armée israélienne le 8 juillet, Rahed Taysir Al-Hom avait été appelé pour désamorcer 400 "objets", envoyés aussi bien par Tsahal que par le Hamas. En une seule journée, le détachement de déminage a pu recevoir jusqu’à 70 signalements.
Les interventions étaient menées dans le dénuement le plus extrême, raconte le Guardian. Des tournevis, des cutters, des pinces, pas même de combinaisons de protection. Si Rahed Taysir Al-Hom avait reçu une formation de la part d’experts internationaux, il confessait avoir appris son travail "sur le tas".
Le démineur se gardait bien d’avoir des réflexions trop politiques sur la situation dans la bande de Gaza. Un de ses frères avait été tué récemment par une frappe israélienne. Il s’était engagé dans brigades Al-Qassam, la branche armée du Hamas, après le mort en prison de leur frère, dans les années 1990. "Il était très en colère", expliquait de façon lapidaire l’homme, qui repose désormais sous deux parpaings dans le cimetière de Jabaliya.
Depuis le lancement de l’opération "Bordure protectrice", plus de 1 900 Palestiniens ont été tués, majoritairement des civils. Côté israélien, 64 soldats ont été tués, et 3 civils.