Le plus en vue des nouveaux journalistes en cour, le nouveau directeur de la radio publique française « France Inter » et ancien directeur conformiste de l’hebdomadaire faussement anarchiste Charlie Hebdo a imputé la collaboration vichyste anti-juive à « la politique arabe de la France ». Ce mémorialiste des temps modernes qui se vit en rival contemporain du cardinal de RETZ (1) s’imagine par ce raccourci, non pas audacieux mais hasardeux, exonérer la France de l’antisémitisme récurrent de la société française en rejetant sur les Musulmans, en général, les Arabes, en particulier, la responsabilité de tous les maux de la société française.
L’homme est riche d’aphorismes, reflet d’une culture de chapardage, mais sa plus belle perle, qui relève désormais du domaine de l’anthologie, demeure incontestablement ce constat en forme de sentence (2) : « Pourquoi une rançon serait-elle plus déshonorante qu’on ne sait quelle tractation secrète qui fera de la France la complice d’on ne sait quelle armée islamique d’on ne sait où ? Qui sont ces gens séduits par la politique arabe de la France » (…) « Les otages français (en Irak), Christian Chesnot et George Malbrunot ont été enlevés par des terroristes islamiques qui adorent égorger les Occidentaux, sauf les Français, parce que la politique arabe de la France a des racines profondes qui s’enfoncent jusqu’au régime de Vichy, dont la politique antijuive était déjà, par défaut, une politique arabe », assurait avec beaucoup de suffisance Philippe Val dans Charlie Hebdo en date du 5 janvier 2005.
Outre qu’elle révèle la vanité de son auteur, une telle affirmation démontre son ignorance de l’histoire de son propre pays, à moins qu’elle ne réponde à son souci d’exonérer la France de ses propres responsabilités dans le génocide hitlérien et de briller à bon compte auprès de ses nouveaux maîtres à penser. Elle éclaire en tout cas l‘inconsistance intellectuelle de ses engagements politiques et moraux.
Philippe Val popularise en fait un thème que s’emploie à promouvoir le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) (3), au diapason du transfuge socialiste Dominique Strauss Kahn, directeur atlantiste du Fonds Monétaire international, qui avait qualifié « la politique arabe de la France » de « vaste supercherie ». Celui qui est présenté comme le meilleur candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2012 face à Nicolas Sarkozy a été même jusqu’à se livrer, en toute impunité, à une profession de foi qui constitue la négation même de la notion de citoyenneté (4) : « Je considère que tout Juif de la diaspora, et donc de France, doit, partout où il peut, apporter son aide à Israël. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, à travers l’ensemble de mes actions, j’essaie d’apporter ma modeste pierre à la construction d’Israël ». Déclaration sur « Europe 1 », en 1991, reprise par le Magazine « La vie en France », le 11 avril 2002 sous le titre « Trop Proche-Orient ».
Quiconque connaît un tant soit peu le mode opératoire de ce pays, les ressorts psychologiques profonds de la « Patrie des Droits de l’Homme », du Code Noir de l’Esclavage et du Code de l’Indigénat de la colonisation de l’Algérie, des zoos humains et de la vénus callipyge Hottentote, des salaires ethniques des travailleurs coloniaux et de la cristallisation des pensions de retraite des anciens combattants « basanés », des grandes écoles et des fusibles administratifs, sait pertinemment qu’aucun Arabe ou noir ou asiatique si éblouissants soient-ils, aucun musulman si omniscient fût-il, n’a jamais eu voix au chapitre sur les options stratégiques de la France, ni exercé la moindre influence sur la détermination des intérêts supérieurs de la nation, encore moins constituer un facteur déterminant dans les moments décisifs de son histoire.
Qualifier ainsi la politique antijuive de Vichy de politique « arabe » ne correspond tout bonnement pas à la réalité des choses et ne repose sur aucun fondement. L’histoire en est témoin : aucune influence arabe n’a joué un quelconque rôle dans cette entreprise criminelle, rondement menée entre l’Allemagne nazie et la France de Vichy. Sauf à prêter aux Arabes une capacité d’anticipation d’une hardiesse rare confinant au machiavélisme suprême, en vue de soudoyer l’Etat Major français pour le conduire à faire condamner pour « haute trahison » un officier français de confession juive, le Capitaine Alfred Dreyfus (5), ou encore à gangrener le haut commandement politico-militaire français en vue de savourer le désastre de 1940, l’antisémitisme en France a préexisté à la présence arabe et musulmane en France.
Pour mémoire, le plus grand déferlement d’Arabes et de Musulmans en France est survenu à l’occasion de la Deuxième Guerre Mondiale, non pour l’appât du gain -« pour manger le pain des Français »-, mais bien pour libérer avec d’autres combattants coloniaux la France du joug nazi, pour aider à la libération d’un pays que ses habitants n’ont pas su, pas pu ou pas voulu défendre…C’est-à-dire près de cinquante ans après l’affaire Dreyfus et dans la foulée de la capitulation de Montoire.
Pour mémoire aussi, le port obligatoire de « l’Etoile Jaune » par les Français de confession juive et le « Commissariat aux affaires juives » du régime de Vichy, ont eu pour précurseur immédiat « le Bureau de surveillance et de protection des indigènes nord-africains » dont la création, en 1925, n’a suscité la moindre protestation des Français sans doute trop occupés à l’époque à magnifier leur supériorité dans l’admiration des « zoos humains ».
La thèse de Philippe Val ne résiste donc pas à une analyse un tant soit peu sérieuse (6). Mais qui a jamais soutenu que Philippe Val était un analyste ? Sérieux de surcroît ? Son affirmation péremptoire participe néanmoins d’une falsification de l’Histoire, d’un sournois travail de révisionnisme anti-arabe.
Une politique se juge sur la durée. A l’épreuve des faits, la politique arabe de la France, dogme sacré s’il en est, s’est révélée être, par moments, une vaste mystification, un argument de vente du complexe militaro-industriel français. Qu’on en juge. L’histoire en est témoin.
La contribution des Arabes à l’effort de guerre français en 1914-1918 pour la reconquête de l’Alsace-Lorraine a été franche et massive. Sans contrepartie. La France, en retour, vingt ans après cette contribution, a témoigné de sa gratitude à sa façon, en amputant la Syrie du district d’Alexandrette, en 1937, pour le céder à la Turquie, son ennemi de la Première guerre mondiale (7).
Dans la foulée de la Deuxième Guerre mondiale, la France, récidiviste, carbonisera la première manifestation autonomiste des Algériens, à Sétif, le jour même de la victoire alliée, le 9 mai 1945, une répression qui apparaîtra rétrospectivement comme une aberration de l’esprit sans doute unique dans l’histoire du monde, dont les effets se font encore sentir de nos jours. Dix ans plus tard, en 1956, de concert avec Israël et la Grande Bretagne, la France se livrait à une « expédition punitive » contre le chef de file du nationalisme arabe, Nasser, coupable d’avoir voulu récupérer son unique richesse nationale « le Canal de Suez ».
Curieux attelage d’ailleurs que cette « équipée de Suez » entre les rescapés du génocide hitlérien (les Israéliens) et l’un de leur anciens bourreaux, la France, qui fut sous Vichy l’antichambre des camps de la mort. Curieux attelage pour quel combat ? Contre qui ? Des Arabes ? Ceux-là mêmes qui furent abondamment sollicités durant la Deuxième Guerre mondiale pour vaincre le régime nazi, c’est-à-dire l’occupant des Français et le bourreau des Israéliens ? A moins qu’il ne s’agisse d’une forme élaborée de l’exception française, on aurait rêvé meilleure expression de la gratitude.
Si Philippe Val de même que Dominique Strauss Khan peuvent pontifier de nos jours en toute impunité, si Nicolas Sarkozy peut présider aujourd’hui un pays se rangeant dans le camp de la Démocratie, ils le doivent certes aux « Croix Blanches » des cimetières américains de Normandie, mais aussi au sacrifice des quelque cinq cent mille combattants du Monde arabe et africain qui ont aidé la France à se libérer du joug nazi, alors qu’une large fraction de la population française pratiquait la collaboration avec l’ennemi. Cinq cent mille combattants pour la Première Guerre mondiale (1914-1918), autant sinon plus pour la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), il n’était pas question alors de pistage génétique, de « test ADN » ou d’ « immigration choisie » pour leur enrôlement, de « seuil de tolérance » pour leur sang versé à profusion pour une guerre qui se présentait pour eux comme « une querelle de blanc ».
Dans ce contexte, Dominique Strauss Khan peut à juste titre qualifier « la politique arabe de la France » de supercherie…… mais à l’égard des Arabes, tant il est vrai que la France a longtemps été médiatiquement pro-arabe, mais substantiellement pro- israélienne. Les courbettes des dirigeants français devant les princes arabes ne doivent pas faire illusion. Elles sont de peu de poids face au site nucléaire de Dimona, le symbole de la supériorité technologique et le gage de l’hégémonie militaire absolue israélienne sur l’espace national arabe depuis 60 ans, de même que la tonitruante amitié de Nicolas Sarkozy avec l’Emir de Qatar ne saurait masquer l’éradication systématique de toute sensibilité pro- palestinienne de l’administration préfectorale et de l’audiovisuel extérieur français et la promotion concomitante de personnalités au philosionisme exacerbé.
La liste est longue qui va de Bernard Kouchner (Quai d’Orsay), à Pierre Lellouche (Affaires européennes), à Dominique Strauss Khan (FMI), à Arno Klarsfeld (Matignon) et François Zimmeray, ancien vice-président de la commission d’études politiques du CRIF, Ambassadeur pour les Droits de l’homme, en passant par Christine Ockrent (pôle audiovisuel extérieur), Philippe Val (France inter), à la toute dernière recrue Valérie Hoffenberg, directrice pour la France de l’American Jewish Committee, représentante spéciale de la France au processus de paix au Proche-Orient.
« Curieuse conception de « l’équilibre » que de nommer pour une telle mission la directrice d’une organisation partie prenante dans le conflit israélo-palestinien. Curieuse ambition pour la France que d’associer la représentante en France d’une organisation américaine aux discussions avec les Etats-Unis et l’Union européenne. Curieuse conception lorsque l’organisation en question se targue d’être engagée aux côtés de la puissance occupante, alors même que Tel-Aviv poursuit l’occupation des territoires palestiniens, bafoue les droits humains les plus élémentaires et ne projette que la guerre contre ceux qui refusent de se plier à sa domination coloniale », soutiendra non sans bon sens l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), seule organisation française à protester contre cette « partialité inacceptable » (8).
Très concrètement, la politique arabe de la France a consisté, historiquement, en une opération de restauration de la souveraineté nationale dans les centres de décision du pouvoir politique français, après la guerre de juin 1967, par la rupture de la relation fusionnelle qui existait, au mépris de l’intérêt national, entre services français et israéliens.
Bon nombre d’entre vous se rappellent peut-être, -à tout le moins le sauront à cette occasion en même temps que Philippe Val-, que le chef de la mission d’achat militaire israélienne en France sous la IV ème République (1946-1958) disposait, à l’époque, non pas à l’ambassade israélienne, mais au sein même du ministère français des armées, d’un bureau jouxtant celui du directeur de cabinet du ministre, une proximité sans précédent même dans les pays colonisés.
Bon nombre d’entre vous gardent peut être présent à l’esprit,-à tout le moins en prendront connaissance à cette occasion en même temps que Philippe Val,- l’implication des services israéliens et français dans l’enlèvement du chef charismatique de l’opposition marocaine Mehdi Ben Barka, en 1965, en plein jour, en plein Paris (9), ou encore le vol des cinq vedettes de Cherbourg par les Israéliens (Décembre 1969), la plus concrète manifestation sinon de la connivence du moins de la passivité des services français à l’égard des coups de main israéliens, au même titre que l’implosion à Cadarache, dans un centre du sud de la France, d’un réacteur destiné à l’Irak.
L’ouverture de la France vers les pays arabes, en 1967, au terme d’une rupture de onze ans consécutive à l’expédition de Suez, lui a valu un regain de prestige après deux décennies de déboires militaires en Indochine et en Algérie, avec en prime la conquête des marchés pétroliers, notamment celui de l’Irak, l’ancienne chasse gardée des Anglais, la percée majeure de la diplomatie gaulliste de la seconde moitié du XX ème siècle, ainsi que de fabuleux contrats militaires de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars, notamment avec l’Irak, la Libye et l’Arabie saoudite, permettant ainsi le maintien de la compétitivité de l’industrie militaire française et d’un subséquent bassin d’emploi.
Philippe Val est un récidiviste de la manipulation : Il s’est d’ailleurs fait remarquer à l’Élysée pour avoir congédié, l’été 2008, le dessinateur Siné, avec la complicité de son compère Claude Askolovitch, au prétexte d’une fausse accusation d’antisémitisme à propos d’un papier mettant en question Jean Sarkozy, le propre fils du chef de l’Etat. Son tropisme anti-arabe éclaire ainsi rétrospectivement la motivation profonde de son combat pour la liberté d’expression, particulièrement dans la sphère arabo-musulmane.
Grâce soit donc rendue à Carla Bruni, sa marraine, et à Claude Askolovitch (10), son complice dans le lynchage médiatique du dessinateur Siné, de lui avoir épargné de présider la douloureuse épreuve du naufrage de son pavillon médiatique. Nul ne s’attend d’ailleurs à de l’impartialité de la part du nouveau directeur de France Inter dans l’exercice de ses nouvelles fonctions, largement tributaires du bon plaisir du prince. Mais au vu de son parcours curviligne, beaucoup de contribuables s’attendent que ce désormais haut salarié du service public d‘un état en faillite combatte avec la même vigueur l’antisémitisme qu’il croit déceler chez les autres et l’arabophobie latente qu’il recèle en lui. En un mot qu’il dégage l’espace public de toute tentative de falsification de l’Histoire, bride toute manipulation de l’opinion publique, de même que toute déloyauté dans la présentation des réalités fondamentales de la vie publique nationale, condition indispensable au bon fonctionnement de la démocratie et à la crédibilité du vecteur qu’il est censé servir.
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