Le président palestinien Mahmoud Abbas puis le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou ont pris la parole à moins d’une demi-heure d’intervalle, jeudi 22 septembre, devant l’Assemblée générale des Nations unies. Leurs interventions n’étaient séparées que par celle de la première ministre norvégienne, Erna Solberg, en une étrange réminiscence des accords d’Oslo de 1993 qui avaient lancé le processus de paix aujourd’hui au point mort.
Navré, de son propre aveu, de devoir répéter année après année toujours le même discours – « mais la situation de mon peuple ne change pas » –, le chef de file palestinien a énuméré les violations du droit international par les Israéliens, dénonçant avec force « une colonisation expansionniste qui détruira ce qu’il reste de possibilités d’appliquer la solution à deux Etats selon les frontières de 1967 » et demandant des excuses… au Royaume-Uni pour la déclaration Balfour, qui promettait, en 1917, un foyer national juif en Palestine. Il a aussi appelé de ses vœux une conférence internationale de relance du processus de paix.
Benyamin Nétanyahou a ironisé sur une direction palestinienne « prisonnière du passé » tout en clamant que le conflit « ne porte pas sur les colonies mais sur l’existence de l’Etat juif quelles qu’en soient les frontières ». Il a dénoncé la culture de la haine encouragée par l’Autorité palestinienne pour mieux mettre en valeur son nouveau costume d’homme de paix. « Au lieu que de parler l’un après l’autre à cette tribune, ne serait-il mieux de parler l’un avec l’autre ? », a lancé le premier ministre israélien, invitant M. Abbas à venir parler au peuple israélien à la Knesset et proposant d’aller s’adresser au Parlement palestinien à Ramallah. Il assure aussi être fermement en faveur de la solution à deux Etats, pour deux peuples vivant côte à côte.
« Politique du fait accompli »
Vieux routier de l’Assemblée générale, M. Nétanyahou, qui a l’habitude des effets de tribune, fut largement applaudi, tout comme le chef de file palestinien avant lui. Mais, malgré l’invitation spectaculaire à parler devant la Knesset, il n’y a rien de nouveau sur le fond. Le dirigeant israélien a toujours dit être prêt à des négociations directes, dans lesquelles il sait être en position de force, et refuse tout cadre multilatéral. S’il a changé de ton, c’est surtout parce qu’il sent que les choses sont en train de bouger. Le dossier israélo-palestinien, passé au second plan des préoccupations de la communauté internationale, est en train de revenir peu à peu sur le devant de la scène.
« Il y a de plus en plus de crocodiles dans le marigot », soupire un diplomate français
« Nous ne pouvons nous résigner à la politique du fait accompli qui mène à la disparition de la perspective d’une solution à deux Etats, ce qui porte au désespoir et à la violence », a répété à New York le ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Lancée début juin avec une réunion à Paris de quelque 28 pays, l’initiative française pour une conférence internationale, prévue théoriquement avant la fin de l’année, a fait bouger les lignes et suscité des concurrents. Le président égyptien s’active, offrant d’héberger une telle rencontre au Caire. Vladimir Poutine s’y est mis aussi pour s’affirmer encore un peu plus comme un acteur incontournable au Proche-Orient. « Il y a de plus en plus de crocodiles dans le marigot », soupire un diplomate français. Mais officiellement, tous les efforts sont les bienvenus.
Le dirigeant israélien avait joué aussi l’apaisement lors de sa rencontre, mardi 20 septembre, avec le président américain Barack Obama, qu’il exècre pourtant notoirement. Avant la passation de pouvoir en janvier, M. Obama pourrait redonner une impulsion au dossier israélo-palestinien, l’un des plus gros échecs de sa présidence, alors même qu’il l’avait présenté comme une priorité. Il n’y aurait rien avant l’élection en novembre, mais, après, le titulaire sortant de la Maison Blanche pourrait, dans un grand discours, voire au moyen d’une initiative plus concrète comme une résolution au Conseil de sécurité, définir quels sont, pour les Etats-Unis, les paramètres d’une solution du conflit. C’est aussi ce qu’a rappelé le Quartet pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Russie, Union européenne et ONU), réuni au plus haut niveau vendredi en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, condamnant à nouveau la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem, et soulignant que « l’expansion des implantations érode continuellement la viabilité de la solution à deux Etats ».