Médecin de formation, Mustafa Barghouti est membre du Conseil législatif palestinien et du Comité central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). A 60 ans, il est à la tête de l’Initiative nationale palestinienne, un parti qu’il a créé en 2002 avec d’autres militants palestiniens, dont l’intellectuel Edward Saïd, pour offrir une troisième voie face au Fatah et au Hamas. Le Monde l’a rencontré lors de son passage à Paris, à quelques jours de la discussion, à l’Assemblée nationale le 28 novembre, d’une résolution déposée par le groupe socialiste demandant la reconnaissance de l’Etat palestinien.
Comment analysez-vous l’escalade des tensions entre Israéliens et Palestiniens, notamment à Jérusalem ?
Nous pourrions bien être au commencement d’un nouveau soulèvement populaire. Plusieurs facteurs y concourent : l’échec total des négociations de paix, rompues par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, et l’incapacité des Etats-Unis à assumer leurs responsabilités et à empêcher la poursuite de la colonisation, qui menace aujourd’hui d’anéantir toute perspective de solution.
Une troisième intifada est déjà en cours, principalement populaire et non violente, avec la campagne Boycott-désinvestissement-sanctions (BDS, contre les produits israéliens) ou la construction de villages comme Bab Al-Shams. Je préférerais que le soulèvement demeure non violent et pacifique mais les jeunes ont pris les choses en main face au niveau élevé d’oppression et d’humiliation qu’ils subissent et face à la détérioration de la situation socio-économique. Les affrontements éclatent là où l’armée est présente, comme à Jérusalem-Est.
La mort d’Israéliens est une tragédie pour les familles mais Israël, son armée, ses colons, ont tué au cours des derniers mois plus de 2 600 Palestiniens. Israël a détruit plus de 50 000 maisons dans la bande de Gaza et fait désormais obstruction à leur reconstruction. Le gouvernement israélien nie toute possibilité de solution. Le ministre de la défense, Moshé Yaalon, a dit fin octobre aux Etats-Unis qu’Israël n’accepterait pas un Etat palestinien, mais une autonomie sous son contrôle, et que son but n’était pas de parvenir à une solution mais de gérer le problème. Cette position transparaît dans tous les actes et déclarations de M. Nétanyahou. Il existe par ailleurs une tentative de tromper le monde en présentant une lutte nationale comme une guerre religieuse. Mais le jeu de Nétanyahou apparaît clairement et il est de plus en plus isolé au plan international.
Une résolution devant le Conseil de sécurité des Nations unies sur la reconnaissance de l’Etat palestinien est-elle la solution ?
Cela fait partie de la solution. Il faut une stratégie alternative aux négociations qui ont échoué. L’option d’Oslo est enterrée. Mon mouvement y était opposé depuis le début car elle offrait un cadre intérimaire sans identifier de solution ni empêcher la colonisation. La solution passe par la modification de l’équilibre des forces par la résistance populaire, l’adhésion à la Cour pénale internationale, la reconnaissance internationale de l’Etat palestinien, l’intensification de la campagne BDS, l’aide à la survie de la population, et le succès de la réconciliation nationale palestinienne autour d’un gouvernement d’unité.
Le moment y est favorable, localement et internationalement. Il y a davantage d’espoir aujourd’hui qu’auparavant d’obtenir la reconnaissance de l’Etat palestinien, comme le montrent les initiatives parlementaires en France, en Espagne et en Grande-Bretagne et la reconnaissance par la Suède. Nombreux sont ceux qui comprennent que cela n’est pas seulement pour le bien des Palestiniens mais aussi pour celui des Israéliens. Nombreux sont ceux qui réalisent que M. Nétanyahou et les extrémistes poussent la région vers la catastrophe en alimentant le racisme.
A quelle date sera déposée la résolution ? Le vote français est loin d’être acquis et un veto américain quasi certain. Quel est le plan pour la suite ?
Une réunion importante est prévue le 29 novembre au sein de la Ligue arabe pour consolider le consensus. Le dépôt de la résolution sera dès lors une question de jours. Si la France ne change pas sa position, cela sera mauvais pour son image, car elle est vue comme le pays de la liberté et de la fraternité. Nous sommes préparés à un veto américain. Si c’est le cas, le Comité central de l’OLP s’est mis d’accord pour demander l’adhésion à la Cour pénale internationale et aux autres instances des Nations unies. Le président Abbas a dit soutenir ce plan. S’il ne le faisait pas, nous exercerions des pressions.