Si Sharon est à l’agonie, sa politique ne faiblit pas, reprise par son successeur : occupation, colonisation et unilatéralisme restent les lignes directrices du gouvernement d’Israël.
Dans un entretien avec la chaîne de télévision israélienne Channel 2 mercredi 8 février 2006 -le premier depuis qu’il assume la fonction de premier Ministre par intérim après qu’Ariel Sharon a eu une attaque cérébrale début janvier [1]- Ehud Olmert a annoncé un plan qui sera une violation absolue de tous les accords de paix conclus avec l’Autorité palestinienne.
« Nous nous regrouperons dans les grands blocs de colonies et préserverons l’unité de Jérusalem. Ma’ale Adumim, Gush Etzion et Ariel feront partie de l’Etat d’Israël » a déclaré Olmert, sans s’émouvoir du faux pas diplomatique que constitue l’annonce de telles violations de la « Feuille de Route ». Ma’ame Adumim, Gush Etzion et Ariel sont de grosses colonies israéliennes en Cisjordanie -qui pénètrent jusqu’à 20 kilomètres à l’intérieur des zones palestiniennes [2].
Cette déclaration n’a pas été une surprise pour les Palestiniens qui vivent en Cisjordanie car ils sont bien conscients de ce qui est devenu une politique du fait accompli de pénétration israélienne dans le territoire palestinien avec la construction du Mur d’annexion qui s’insinue loin à l’intérieur de la Palestine.
La déclaration faite mercredi vient deux jours après que le Ministre de la Défense Mofaz a déclaré que le gouvernement israélien prévoyait d’imposer de façon unilatérale les frontières d’un Etat palestinien.
« Si nous n’arrivons pas à atteindre un accord sur les frontières, alors nous ferons autrement, mais je ne vais pas révéler comment maintenant. Nous n’avons pas à attendre que quelqu’un nous impose notre sort » a-t-il dit. « Dans les années à venir, et je parle de quelques années seulement, les frontières définitives de l’Etat d’Israël seront fixées [3] et l’avenir de la plupart des colonies (en Cisjordanie) et de la vallée du Jourdain sera décidé dans ces deux années ».
L’imposition unilatérale de frontières à la terre palestinienne serait une violation de tous les accords passés et en contravention directe de la Quatrième Convention de Genève dont Israël est signataire. Les frontières prévues engloberaient la vallée du Jourdain comme partie d’Israël et laisseraient un « état » palestinien complètement entouré par Israël et sans frontière avec d’autres états étrangers. Les Palestiniens se retrouveraient avec seulement 13 % de leur terre originelle, sans contrôle sur leurs frontières.
Selon le quotidien israélien Haaretz, Olmert a fait une tournée des colonies de Gush Etzion mercredi après midi et ses décisions sur le tracé du Mur s’appuient sur cette tournée. Comme dans tous les cas concernant l’érection du Mur sur leurs terres, les habitants palestiniens de la région n’ont pas eu le droit de présenter les documents de propriété ou toute autre preuve que le Mur les spolie de leurs terres, et dans la plupart des cas implique la destruction de leurs maisons.
Selon Haaretz, « A l’issue de cette tournée, Olmert a décidé de déplacer le Mur à l’intérieur de la ligne verte [4] à l’un de ces endroits, afin de ne pas porter atteinte à la qualité de vie [5] des Palestiniens du village de Batir. Les autorités militaires israéliennes soutiennent cette décision qui mettrait le Mur sur le tracé d’une route de patrouille d’avant 1967. Les planificateurs du Mur avaient voulu au début inclure le site archéologique de l’ancienne Batir à l’intérieur du Mur [6] puisque c’était la dernière place - forte de Simon Bar Kochba, qui a dirigé la révolte juive contre Rome au deuxième siècle. Mais cela impliquerait de construire le Mur au sommet de la colline ce qui couperait les habitants de Batir de leurs terres agricoles ».
- Olmert, Mofaz et l’armée d’occupation. Gush Etzion, 7 février 2006
« Sur la deuxième question », poursuit l’article, « savoir s’il faut inclure le village palestinien de Jaber à l’intérieur du Mur, Olmert a repoussé la décision, affirmant qu’il doit y réfléchir davantage. Si Jaber était laissé à l’extérieur [7], Israël devrait déplacer la route Em ek Ha’ela qui relie Gush Etzion au centre du pays et qui touche Jaber. Mais déplacer la route serait difficile à cause de la topographie de la région ».
Quant à la discussion sur le tracé du Mur, il n’y a eu aucune tentative d’y inclure les Palestiniens. Comme pour l’annonce qu’Israël encerclerait unilatéralement la Cisjordanie, annexant près de la moitié du pays, les personnes les plus directement touchées par la construction et le tracé du Mur n’ont pas été incluses dans le processus de décision.
La Cour Internationale de Justice a déclaré que la construction du Mur de même que l’occupation israélienne elle même sont illégales selon le droit international.
Le gouvernement israélien a choisi d’ignorer cette décision, poursuivant au contraire la construction de colonies en Cisjordanie. Le nombre de colons a augmenté de 12 000 en 2005 (malgré le retrait d’environ 9000 colons de la Bande de Gaza). Il y a actuellement à peu près 250 000 colons qui vivent en Cisjordanie sur la terre palestinienne [8].