La conclusion de l’accord-cadre à Lausanne constitue un revers politique pour l’Etat hébreu. Dénonçant avec constance depuis un an et demi les concessions faites aux Iraniens par le groupe « P5 + 1 » (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne), l’Etat hébreu essuie un revers diplomatique avec la conclusion d’un accord.
Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, avait adopté une stratégie de critique publique, frontale, dont le prix a été la dégradation de la relation clé avec les Etats-Unis. Cet affrontement n’est pas fini : M. Nétanyahou compte à présent le déplacer dans les couloirs du Congrès américain, pour convaincre le maximum de sénateurs de ne pas soutenir l’accord.
Lundi, M. Nétanyahou a dénoncé une nouvelle fois l’attitude trop conciliante des Occidentaux. « Nous ne nous sommes jamais engagés à empêcher un accord, et certainement pas un accord que les puissances majeures sont prêtes à conclure à n’importe quel prix », a déclaré le premier ministre à la Knesset (Parlement israélien). « Nous nous sommes engagés à empêcher l’Iran de s’équiper d’armes nucléaires. » Un objectif qui reste « plus valide aujourd’hui que jamais ».
Selon M. Nétanyahou, les concessions faites tout au long des négociations permettent à l’Iran de garder intactes ses capacités nucléaires et laissent de côté la question de l’armement en missiles. Ainsi, elles ouvriraient la voie à la prolifération nucléaire au Moyen-Orient, une course à laquelle se joindraient la Turquie, l’Egypte et peut-être d’autres pays. Enfin, M. Nétanyahou présente l’Iran comme le principal sponsor du terrorisme dans la région et dénonce sa volonté hégémonique.
« Etre prêts à nous défendre tout seuls »
Dimanche, à l’occasion du conseil des ministres, le chef du gouvernement a diffusé devant l’assistance une vidéo datant de 1994, montrant le président américain de l’époque, Bill Clinton. Celui-ci annonçait un accord sur le programme nucléaire nord-coréen. La vidéo était censée illustrer en creux qu’un accord avec l’Iran n’aurait guère plus de traduction dans la réalité. « L’Iran ne cache pas son intention de continuer son agression meurtrière même contre ceux avec lesquels il négocie », a déclaré le chef du gouvernement. « Il y a peut-être quelqu’un parmi les grandes puissances prêt à capituler devant cette réalité que dicte l’Iran, incluant des appels incessants à la destruction d’Israël. Nous n’en payerons pas le prix. »
Quelques heures avant que les détails de l’accord soient connus, le ministre de la défense, Moshé Yaalon, s’est exprimé lundi matin devant la commission des affaires étrangères et de la défense à Knesset.
« Nous devons être prêts à nous défendre tout seuls. Cet accord ne conduira pas à la fermeture du moindre site nucléaire, ni à la destruction de la moindre centrifugeuse, a-t-il assuré. Il limite dans une certaine mesure le rythme de l’enrichissement de l’uranium, mais il laisse de nombreux trous, par exemple ce que les militaires peuvent utiliser et quelle sorte de supervision existera à partir de maintenant. »
Depuis 18 mois, l’opposition aux négociations avec l’Iran a fait l’objet d’un consensus au sein de la classe politique. Un consensus revendiqué, par exemple, par le travailliste Isaac Herzog, le leader de l’Union sioniste (centre-gauche). Mais cette unanimité commence à se fissurer. Yaïr Lapid, le leader du parti centriste Yesh Atid, a estimé que la stratégie diplomatique de M. Nétanyahou constituait un « échec colossal ». Elle a notamment, selon lui, porté atteinte au lien stratégique entre Israël et les Etats-Unis. « Au cours de l’année écoulée, a dit M. Lapid, nous n’étions même pas dans l’enceinte, nous n’avions pas de représentant à Vienne, notre coopération en matière de renseignement a été endommagée, et la porte de la Maison Blanche nous a été fermée. »
Piotr Smolar
* L’expression "Etat hébreu", régulièrement utilisée dans les médias, révèle la situation de ségrégation qui est celle des "non juifs" à l’intérieur de l’Etat d’Israël.