Saeed Amireh retient cette phrase du héros de la lutte anti-apartheid : « Notre marche vers la liberté est irréversible. On ne doit pas laisser nos peurs se dresser sur notre chemin. »
C’était il y a un an. Saeed Amireh avait tout juste 20 ans. Il quittait pour la première fois de sa vie son village natal de Ni’lin, en Cisjordanie, pour un court séjour en Suède. Le contraste entre la vie dans son village et le monde extérieur le prive de parole pendant plus d’une semaine. « Je ne croyais pas ce que je voyais tout autour de moi. » Mais le choc est encore à venir lorsqu’un ami suédois emmène son chien malade à la clinique vétérinaire. « Je l’ai accompagné, j’étais effaré de voir que les chiens en Europe sont mieux traités, mieux soignés que nous en Palestine. Et j’ai pensé à notre voisin, au village, qui purge treize ans de prison pour avoir tué le chien d’un soldat israélien qui l’avait agressé. »
Depuis, il a beaucoup appris en parcourant le monde pour rendre compte du combat des villageois de Ni’lin contre la colonisation de la Cisjordanie. Ni’lin est situé à 17 km à l’ouest de Ramallah. Le village ne possède plus que 800 hectares de terre, contre 5 800 auparavant. Les terres ont été confisquées par l’État hébreu pour y installer des colons, ou par l’armée israélienne. Conséquence, la population – 5 000 habitants – diminue en même temps que celle des colonies augmente. « La plupart de nos terres sont aujourd’hui occupées et inaccessibles car situées derrière la barrière de séparation érigée par Israël », explique le jeune homme.
Le village est entouré de colonies, coupé en deux par une route interdite aux Palestiniens. En prévision d’un bouclage total, Israël a récemment commencé la construction d’un tunnel que les habitants devront emprunter pour entrer et sortir de Ni’lin, dans un horaire compris entre 6 heures et 18 heures.
« Une façon aussi de tenir les caméras hors de cette zone », explique Saeed Amireh. Car depuis l’érection de la barrière de sécurité, chaque jour, les habitants manifestent devant celle-ci.
La résistance non violente, inspirée du combat de Mandela, ou de Gandhi, a rythmé son enfance. Pacifiques, les manifestations dégénèrent parfois quand l’armée israélienne riposte par des tirs de balles de caoutchouc ou à balles réelles. Son père, membre du comité de résistance du village de Ni’lin, a été arrêté en tant que leader du mouvement, et avec lui, Saeed.
« Je terminais mes études au collège », raconte-t-il. Il sera relâché quatre mois et demi plus tard. Il s’inscrit ensuite à l’école des Nations unies à Ramallah où il étudie la planification et la construction urbaine. Un an et demi plus tard, son père est de nouveau emprisonné par l’État hébreu pour ses activités militantes. Le fils doit suspendre ses études. « Je devais m’occuper de ma famille. » Il travaille dans un restaurant, puis dans le magasin de son grand-père. « Je mettais de l’argent de côté et je me suis concentré sur mes activités militantes. »
À 21 ans, Saeed Amireh fait partie du comité populaire de résistance du village, composé de 15 membres. À ce titre, il est en contact avec les organisations internationales, les diplomates, les médias auxquels, via les médias électroniques, il diffuse les nouvelles au quotidien. Il souhaite ouvrir un centre multimédia à Ni’lin pour former les jeunes Palestiniens à ces techniques et aux langues étrangères. « Notre objectif est de créer un nouveau leadership palestinien », explique-t-il, pensant déjà à la relève de la génération de ses parents.
De Mandela, il a retenu cette phrase : « Notre marche vers la liberté est irréversible. On ne doit pas laisser nos peurs se dresser sur notre chemin. » Saeed Amireh en est sûr, « aucune occupation n’a jamais fonctionné, toutes sont condamnées à disparaître ». Et il cite cette chanson palestinienne célèbre : « Tout comme le soleil se lève après les ténèbres, la liberté succédera à l’oppression. »