Ce n’est un secret pour personne et le bureau du premier ministre israélien a tenu à le rappeler : Benjamin Netanyahou et Donald Trump se connaissent – et s’apprécient – depuis plusieurs années. Admiratif des hommes politiques à poigne, le milliardaire n’a jamais caché son amitié pour Netanyahou. Il s’est même fendu d’un clip de soutien en faveur de sa réélection à la tête de l’État hébreu en 2013 :
« Je suis un grand fan d’Israël […] Vous avez vraiment un grand premier ministre. Il n’y a personne comme Netanyahou. C’est un gagnant […] Votez pour Benjamin, un gars formidable, un dirigeant formidable, génial pour Israël », assenait alors le milliardaire. Plus récemment, Donald Trump a également été un fervent soutien du dirigeant israélien face à Barack Obama contre l’accord sur le nucléaire iranien. Le républicain a d’ailleurs promis en mars dernier, face à l’AIPAC, le lobby pro-israélien américain, que sa « priorité numéro un », s’il était élu, serait de « démanteler » cet accord.
Mercredi 9 novembre, Benjamin Netanyahou ne s’est donc pas fait prier pour appeler Donald Trump. Il l’a félicité d’avoir été élu président et lui a assuré que les États-Unis n’avaient pas de meilleur allié qu’Israël dans la région. Ce à quoi le président élu a répondu en invitant Netanyahou à venir le rencontrer à Washington dès que possible. Une conversation « sincère et chaleureuse », selon le bureau du premier ministre. Un peu plus tôt, dans un communiqué, le dirigeant israélien qualifiait Donald Trump de « véritable ami » de l’État d’Israël. « Je me réjouis de travailler avec lui pour faire progresser la sécurité, la stabilité et la paix dans notre région […] Je suis convaincu que le président élu et moi allons continuer à renforcer l’alliance unique entre nos deux pays et la rendre plus forte que jamais », a-t-il écrit.
Comme Netanyahou, de nombreux responsables israéliens se réjouissent de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Incarnation d’un changement sur le style, le républicain semble également promettre un virage sur la politique menée par les États-Unis dans la région. À mille lieues de la ligne favorable à la solution à deux États et anti-colonisation défendue jusqu’ici par Barack Obama, et dont certains redoutent d’ailleurs un dernier cadeau empoisonné d’ici janvier. « Le niveau d’amitié entre les États-Unis et Israël va augmenter comme jamais auparavant, et il sera meilleur qu’il n’a jamais été, même sous les autres administrations républicaines par le passé », a confirmé David Friedman, conseiller de Donald Trump pour les questions israéliennes. « Nous savons comment Obama a traité le premier ministre israélien et comment [Hillary] Clinton l’a réprimandé… Nous allons aller de l’avant dans le respect et l’amour mutuel et un meilleur futur pour les États-Unis et Israël », a-t-il assuré ce mercredi dans les colonnes du Jerusalem Post.
Au cours de sa campagne, Donald Trump a promis qu’il cesserait de considérer la solution à deux États comme une façon de résoudre le conflit israélo-palestinien. Du pain bénit pour la droite israélienne, et notamment pour l’ultranationaliste et fervent défenseur des colonies, Naftali Bennett, par ailleurs ministre de l’éducation, qui s’est empressé d’interpréter l’élection du républicain comme une « chance de renoncer immédiatement à l’idée de création d’un État palestinien ». « Telle est la position du président élu et telle devrait être notre politique, tout simplement […] L’époque de l’État palestinien est révolue », a-t-il lâché. Jeudi 10 novembre, un des proches conseillers de Donald Trump, Jason Greenblatt, a même ajouté, sur les ondes de la radio militaire israélienne, que le président élu des États-Unis ne voyait pas « les colonies comme un obstacle à la paix ». Comme ne se sont pas privés de le lui rappeler le maire de Jérusalem, Nir Barkat, mais aussi la ministre adjointe des affaires étrangères, Tzipi Hotovely, et la ministre de la justice Ayelet Shaked, Donald Trump a également promis de déplacer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Ce que David Friedman n’a pas remis en question, bien au contraire, affirmant que cela pourrait être une des premières réalisations de Donald Trump dans la région.
Côté palestinien, ce déménagement – suggéré le mois dernier par la fille de Donald Trump, Ivanka, convertie au judaïsme orthodoxe – a évidemment fait bondir. Il induirait une reconnaissance implicite par les États-Unis de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu. Ce que contestent les Palestiniens, également désireux de faire de Jérusalem la capitale de leur futur État, et qui demeure à ce jour le principal point d’achoppement dans les négociations de paix. Mais les Palestiniens, désabusés par la politique de Barack Obama, n’attendent à vrai dire pas grand-chose de l’élection de Donald Trump. « Le peuple palestinien ne compte pas beaucoup sur un changement de politique de la part de la présidence américaine, la politique américaine sur la question palestinienne ayant été constamment caractérisée par le parti pris », a commenté un des porte-parole de Hamas, classé par les États-Unis comme un groupe terroriste.
De fait, si le caractère glacial des relations entretenues par Benjamin Netanyahou et Barack Obama, particulièrement sur le dossier du nucléaire iranien, est de notoriété publique, les liens tissés entre leurs deux pays ne semblent pas vraiment en avoir souffert. Comme l’illustre la signature en septembre dernier d’un plan de 38 milliards de dollars (34 milliards d’euros) sur dix ans en faveur de l’arsenal militaire israélien. Une aide sur laquelle Donald Trump n’a aucune intention de revenir. Mais aussi le fait que Washington ait poursuivi sa politique de veto contre les résolutions anti-israélienne à l’ONU ces huit dernières années et encore très récemment voté contre une résolution controversée de l’Unesco sur Jérusalem.
Plus prudent, peut-être sans oublier que les États-Unis restent également et malgré tout l’un des principaux bailleurs de fonds de la Cisjordanie, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a tout de même félicité Donald Trump, espérant officiellement qu’il ouvre une nouvelle page dans la résolution du conflit. Même si en coulisses, ses conseillers ont rappelé que la solution à deux États demeurait une des conditions préalables à tout accord.
Pas à une contradiction près, Donald Trump a aussi affirmé lors de sa campagne qu’il souhaitait rester « neutre » vis-à-vis du conflit israélo-palestinien et que les deux parties devaient arriver à un accord par elles-mêmes. Encore une fois, ces déclarations sont interprétées positivement par Benjamin Netanyahou, qui défend l’idée d’une résolution bipartite, et n’a cessé de rejeter l’idée d’une intervention extérieure, notamment celle proposée par Paris.
Mais pour certains experts, le désinvestissement des États-Unis dans le conflit israélo-palestinien pourrait aussi bien entraîner une nouvelle vague de violences en Cisjordanie. Ils s’inquiètent par ailleurs de l’impact de ce désinvestissement sur le plan régional, notamment s’il se conjugue avec une autre amitié, celle qu’entretiennent Donald Trump et Vladimir Poutine. « Trump sera plus disposé à laisser faire en terme de réorganisation régionale et même à s’en remettre aux ambitions russes et iraniennes plutôt que de les affronter », juge dans le Jerusalem Post Julien Barnes-Dacey, spécialiste du Moyen-Orient au Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne. De là à laisser tomber son grand ami Benjamin Netanyahou ? La proximité du futur président des États-Unis avec le président russe, allié de la Syrie de Bachar al-Assad mais aussi de l’Iran, pourrait en tout cas ouvrir une ère d’incertitude pour les intérêts d’Israël dans la région. Les doutes subsistent par exemple sur la réelle volonté de Donald Trump de démanteler l’accord sur le nucléaire iranien. Des doutes alimentés par les déclarations d’un de ses conseillers en politique étrangère, Walid Phares. Il « ne se débarrassera pas d’un accord qui a la signature institutionnelle des États-Unis. […] C’est un homme d’institutions. […] Il ne va pas l’appliquer tel quel, il va le réviser après avoir négocié un à un avec l’Iran ou avec une série d’alliés », expliquait-il en juillet dernier dans une interview au site en ligne conservateur The Daily Caller.
Misant sur son manque d’expérience avoué en matière de politique étrangère, certains estiment en fait que Donald Trump pourrait céder au principe de réalité et s’en remettre largement à ses conseillers. Une hypothèse partagée par les services du ministère des affaires étrangères israélien, si l’on en croit une note préliminaire envoyée à toutes les ambassades israéliennes à travers le monde et dévoilée ce jeudi par le journal Haaretz. « Le processus diplomatique entre Israël et les Palestiniens ne sera pas une priorité pour l’administration Trump et il est raisonnable de supposer qu’il sera également influencé sur ce sujet par le personnel qui l’entoure et par les développements sur le terrain. Les déclarations de Trump ne pointent pas nécessairement une politique cohérente sur cette question », peut-on y lire. Comme bien souvent avec le milliardaire, cette cohérence devra attendre d’être vérifiée sur le terrain.