Six-cent colons juifs qui vivent barricadés dans le centre d’Hébron (Cisjordanie) ont une nouvelle fois réussi un tour de force : se placer au centre du débat politique israélien. Jeudi 21 janvier, des étudiants religieux et quelques familles ont investi deux bâtiments sur une artère située en plein quartier palestinien, à proximité du caveau des Patriarches. Selon eux, les appartements avaient été achetés en toute légalité. Le lendemain matin, les soldats les ont expulsés sans incident majeur. La loi dispose que le ministère de la défense doit valider tout achat de logement en Cisjordanie. Mais dans les faits, les violations sont nombreuses, comme le montre la centaine d’avant-postes illégaux installés sur l’ensemble du territoire, que les autorités israéliennes soutiennent matériellement.
A Hébron, chacun de ces incidents prend des proportions potentiellement explosives. Jeudi, les colons étaient accompagnés par des serruriers et par Malachi Levinger, le maire de la colonie voisine de Kiryat Arba. Le père de l’élu, le rabbin Moshe Levinger, fut un pionnier de la colonisation juive à Hébron juste après la guerre des Six jours (1967). Aujourd’hui, son fils poursuit cette mission. C’est par le truchement d’une organisation dont il est membre que les maisons ont été achetées, sans savoir qui y vivrait.
Yishai Fleisher, l’un des porte-parole de la colonie juive d’Hébron, justifie la précipitation avec laquelle les colons ont pris possession des lieux par la politique du « fait accompli, qui permet d’affirmer ses droits et de créer une pression politique pour que ça se passe bien ensuite ». Ce coup de force a exaspéré le ministre de la défense, Moshe Yaalon. Il a estimé que la loi avait été « grossièrement piétinée » par les « squatteurs ». Dans la foulée, des sources proches du premier ministre ont expliqué aux médias que les procédures devaient, effectivement, être « respectées ». C’est à cette condition que les colons pourront « revenir dans les maisons, comme dans d’autres cas passés ».
Mais très vite, l’affaire a pris une dimension politique prévisible. Bezalel Smotrich, du parti d’extrême droite le Foyer juif, est monté à l’assaut du gouvernement, suivi par des députés du Likoud, la formation de M. Nétanyahou. Ils ont menacé de ne voter aucun texte de loi soumis au Parlement. Plusieurs ministres ont aussi pris la défense des colons, en estimant que leur évacuation était un scandale. Or, Moshe Yaalon est certes attaqué, mais son ministère est le premier bouclier de la colonisation. La semaine passée, le Cogat, l’organisme du ministère qui administre la Cisjordanie, a confirmé la saisie de 150 hectares de terres cultivables près de Jéricho, qui seront classées comme propriétés d’Etat.
M. Nétanyahou ne peut pas se permettre de spéculer sur le bluff éventuel des députés frondeurs. Trop risqué. Le poids important de l’extrême droite nationaliste au sein du gouvernement, dont la majorité (61 sièges sur 120 à la Knesset) ne tient qu’à un fil, déporte politiquement le premier ministre. En ouverture du conseil des ministres, dimanche, il s’est donc voulu rassurant à l’égard des colons. « Le gouvernement soutient la colonisation à tout moment, a déclaré M. Nétanyahou, surtout actuellement, alors que des attaques terroristes ont lieu. » Le premier ministre s’est abrité derrière le respect des procédures, pour ne faire du retour des colons dans les deux maisons qu’une affaire de jours. « Le processus de vérification débute aujourd’hui, nous ferons aussi vite que possible, a-t-il précisé. Si, quoi qu’il en soit, ce n’est pas fini dans la semaine, je veillerai à ce que le cabinet des ministres reçoive un rapport sur la situation. »