Le 29 mai, l’explosion en vol de la coalition gouvernementale que devait constituer Benyamin Netanyahou, suivie de la dissolution du parlement israélien tout juste élu, a-t-elle changé la donne ? Les projets de Trump et Netanyahou sont, pour le moins, retardés. Nous nous attendions pour le mois de juin à des annonces d’annexions massives, suivies ou précédées par l’annonce du plan Trump. Ce « deal du siècle » se traduit pour le moment par un simple « atelier économique » rassemblant pour l’essentiel des fonds d’investissement, loin, très loin de ce que pouvait espérer la diplomatie états-unienne… même si Jared Kushner, dans le scepticisme et la réprobation générales, en profite pour annoncer un avenir radieux à coups de milliards de dollars… qui ne lui appartiennent pas. On n’achète pas la liberté d’un peuple, nous a rappelé Dominique de Villepin. Et si l’on veut que la Palestine se développe économiquement, il faut d’abord mettre fin à l’occupation et laisser faire les Palestiniens !
Mais les menaces demeurent dont la première d’entre elles, la menace de guerre. Une guerre d’agression des États-Unis contre l’Iran peut être déclenchée à tout moment, et personne ne sait où elle pourrait nous mener. On ne dira jamais assez l’écrasante responsabilité d’Israël dans la crise actuelle : faut-il rappeler que Netanyahou était déjà intervenu au congrès des États-Unis, par-dessus la tête d’Obama, pour tenter d’empêcher la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien en juillet 2015 ? Le retrait des États-Unis de cet accord porte la marque du lobby pro israélien à Washington. Comme, en 2003, la destruction de l’État irakien par les États-Unis avec les conséquences que l’on connaît.
Et c’est sous ce ciel bien noir que nous résistons et marquons des points.
Rappelons d’abord que les Palestiniens, totalement unis sur ce sujet, ont jusqu’ici réussi à mettre le plan Trump en échec.
Plus près de nous, le retrait d’Alstom du projet d’extension du tramway de Jérusalem est une victoire majeure. Une victoire de notre mobilisation dans une alliance solide avec les organisations syndicales et les associations de défense des droits de l’Homme. C’est aussi le signal que les grandes entreprises commencent à s’inquiéter des conséquences, en termes de responsabilité comme en termes d’image, de toute complicité avec la politique israélienne d’occupation, de colonisation et d’annexion. Et les conclusions de l’Avocat général de la Cour de Justice de l’Union européenne, sur la question de l’étiquetage des produits des colonies, vont dans le même sens.
En ce qui concerne nos libertés, nous sommes au cœur de la bataille face à l’offensive de l’État d’Israël et de ses soutiens inconditionnels. La proposition de résolution déposée à l’Assemblée nationale par un député proche du lobby des colons, pour faire approuver la « définition IHRA » de l’antisémitisme, est une attaque en règle contre notre liberté d’expression. L’AFPS et ses groupes locaux se mobilisent sans relâche pour la contenir. Il faut gagner cette bataille et au delà, passer à l’offensive, obtenir que la question de la lutte contre le racisme soit clairement débarrassée des influences des États tiers. C’est ce que nous demandons au président de la République, qui a la responsabilité de donner ce signal, à l’opposé de ses paroles désastreuses du 20 février.
Au-delà de la résistance face aux manœuvres de nos adversaires, il faut passer à l’offensive : il est grand temps de tourner la page du plan Trump, et de passer à une initiative internationale fondée sur le droit, dont le premier signal sera la reconnaissance de l’État de Palestine. C’est aussi notre attente vis-à-vis du président de la République : nous avons su le lui rappeler et nous continuerons à le faire.
Bertrand Heilbronn, 26 juin 2019