"Nous aimons Israël, nous soutenons (Benyamin) Nétanyahou." Cette inscription est apparue dans les rues de Jérusalem alors que le premier ministre israélien, élu depuis peu, se prépare à prononcer un important discours, dimanche 14 juin au soir, en réponse à celui adressé par le président américain, Barack Obama, aux pays arabes et au monde musulman, le 4 juin au Caire.
Toute la semaine, l’ensemble de la presse israélienne s’est livrée à d’intenses spéculations afin de savoir jusqu’où M. Nétanyahou ira en ce qui concerne les deux questions fondamentales sur lesquelles le président Obama s’est clairement prononcé : le gel de la colonisation et la création d’un Etat palestinien.
Deux points sur lesquels "Bibi" - surnom du premier ministre israélien -, a toujours refusé de s’engager de façon nette.
Va-t-il ou non prononcer les mots magiques qui vont permettre de relâcher la tension croissante entre les Etats-Unis et Israël à propos du règlement du conflit israélo-palestinien ? De quelles conditions va-t-il assortir son adhésion éventuelle à ces deux principes fondamentaux sans lesquels l’Autorité palestinienne refusera de renouer le dialogue ? Saëb Erakat, le responsable palestinien des négociations, a d’ores et déjà mis en garde contre des "acrobaties linguistiques". Les Palestiniens et les Américains attendent du concret.
L’heure de vérité a sonné. Du discours du 14 juin devra clairement transparaître la volonté de paix du gouvernement israélien. L’avenir des relations avec son allié américain en dépend mais aussi le relâchement de la tension au Proche-Orient sur lequel M. Obama compte pour négocier avec l’Iran et affaiblir les mouvements radicaux comme le Hamas et le Hezbollah.
Pour ce discours capital, Benyamin Nétanyahou a beaucoup consulté afin de définir jusqu’où il pouvait aller sans risquer de faire éclater sa coalition, tout en satisfaisant les exigences américaines et les attentes européennes. Shimon Pérès, le président d’Israël, lui a conseillé de se raccrocher à la "feuille de route" - le plan de paix international de 2003 qui n’a jamais abouti - et de proposer la création d’un Etat palestinien avec des frontières temporaires, ce que les Palestiniens refusent.
Lors d’une réunion du Likoud, mercredi 10 juin, M. Nétanyahou a eu un avant-goût des lignes rouges à ne pas franchir. "Les Palestiniens ne veulent pas d’une solution à deux Etats, mais d’une solution à deux étapes à l’issue desquelles il n’y aurait plus qu’un seul Etat, celui de l’OLP-Hamas", a averti Benny Begin, ministre sans portefeuille et fils de l’ancien premier ministre Menahem Begin. "Nous ne voulons pas établir un autre Etat qui, un jour, sera le bras long de l’Iran", lui a fait écho Uzi Landau, ministre des infrastructures.
Le député Miri Regev a fait remarquer que M. Obama n’était pas seul à détenir le pouvoir, qu’il y avait aussi la Chambre des représentants et le Sénat. A l’inverse, le ministre sans portefeuille Yossi Peled a proposé de contre-attaquer et d’imposer des sanctions aux Etats-Unis pour avoir exigé d’Israël une politique nouvelle. D’autres voix se sont élevées pour assurer que le principe de "deux Etats pour deux peuples" n’était plus une solution, que ce concept était dépassé, comme celui de la paix en échange de la terre. L’ex-chef de cabinet de "Bibi", Uri Elitzur, estime "qu’après avoir tout essayé, l’annexion est la meilleure des solutions. Nous donnerons la citoyenneté israélienne à tous les Palestiniens". Actuellement journaliste dans un journal de droite, il affirme ne pas craindre la menace démographique palestinienne et suggère de rédiger une Constitution dans laquelle le caractère juif de l’Etat d’Israël serait inscrit. Un point sur lequel M. Nétanyahou n’a pas l’intention de transiger en dépit de l’opposition des Palestiniens.
Le premier ministre n’a pas non plus l’intention de renoncer à la croissance naturelle dans les principaux blocs de colonies, ce qui permettrait à ces communautés de continuer à se développer. Et cela malgré l’opposition nettement formulée par Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine, qui a exigé que les constructions stoppent "sans exception", afin de ménager la possibilité de créer un Etat palestinien viable et continu.
Sur ce point, le premier ministre se sent soutenu par l’opinion publique : 56 % des Israéliens souhaitent la poursuite des constructions, selon un sondage. M. Nétanyahou est d’accord pour ne pas créer de nouvelles colonies et pour démanteler une vingtaine d’implantations sauvages mais estime qu’il est "injuste" de ne plus construire dans les grands blocs de colonies qui, à l’avenir, pourront faire partie intégrante d’Israël.
La question du gel des colonies sera indubitablement un test de la volonté du gouvernement israélien d’avancer sur le chemin de la paix. L’Autorité palestinienne a fait remarquer que, depuis le début du processus d’Annapolis, le 27 novembre 2007, il y avait eu une augmentation de 43 % des constructions en dépit des pourparlers de paix. Aujourd’hui, les Palestiniens ont décidé d’être fermes sur cette question vitale d’autant que la nouvelle administration américaine les soutient.