Paris, le 10 février 2012
M. Nicolas Sarkozy
Palais de l’Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Monsieur le Président,
Avant hier soir, au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), vous avez prononcé un discours dans lequel vous avez évoqué fortement la situation au Proche-Orient.
Vous avez notamment déclaré : « Le Quartet a échoué. Il faut changer de méthodes et accélérer le calendrier. » Et vous n’avez pas manqué de souligner, très justement, que la sécurité d’Israël passait par « l’existence à ses côtés d’un Etat palestinien démocratique, viable et moderne. »
Comme vous le savez les négociations n’avancent pas du tout entre Palestiniens et Israéliens, et il en résulte sur le terrain une aggravation de la situation qui a été soulignée avec force par les Chefs de mission de l’Union européenne en poste à Jérusalem.
A l’ONU, devant l’Assemblée générale, vous déclariez en septembre dernier qu’il fallait fixer un délai - six mois, aviez-vous dit – pour un accord sur les frontières et la sécurité. C’était le 21 septembre 2011.
Quatre mois après : on n’a pas progressé d’un millimètre, si bien qu’aucun accord n’est en vue, ni sur les frontières et la sécurité, ni sur le reste.
Accélérer le calendrier, comme vous le proposez à juste titre, suppose des actes.
C’est pourquoi vous devriez revoir la position que vous aviez défendue en septembre, aussi bien votre refus de l’admission de la Palestine comme État membre de l’ONU que votre proposition de lui proposer un « strapontin » d’État non membre qui, de surcroît, ne pourrait même pas ester devant la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.
L’heure est venue de dire votre plein soutien à la demande d’admission de la Palestine à l’ONU dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est pour capitale.
Voilà qui accélérerait le calendrier et qui changerait la méthode. C’est ce que nous ne cessons de dire, inclus dans l’intérêt d’Israël.
La France doit dire désormais, et sans plus attendre, « oui » à la Palestine à l’ONU ! Une Palestine de plein droit !
Certes les États-Unis agitent la menace d’utiliser leur veto.
Nous écrivons ce jour au président Barak Obama pour lui rappeler qu’il n’est pas de veto possible en cas d’admission d’un nouvel Etat aux Nations unies, dès lors que le point IV de la Charte est respecté par l’Etat qui en fait la demande.
Jamais un État n’a usé de son droit de veto pour s’opposer à l’admission d’un nouvel État aux Nations unies, pour cette « simple » raison qu’une telle démarche serait contraire à la Charte ! Les Américains eux-mêmes, dès 1947, déclaraient justement par la voix de leur ambassadeur à l’ONU : « « Je ne pense pas que les auteurs de la Charte aient jamais voulu donner à un Etat le droit de s’opposer, pour des raisons étrangères à la Charte, à l’admission d’un pays que les autres États membres des Nations unies jugeraient digne d’être admis. II y a là, indiscutablement, un abus du droit de veto. » (Conseil de sécurité, procès- verbaux n° 81, 190e et 191e séances 1947, p. 2133).
Washington a d’ailleurs respecté et réaffirmé cette conception de manière constante depuis 1947.
L’heure est donc venue d’oser la paix et d’accélérer une reprise des négociations qui ne peuvent aboutir que si ce point est acquis : la reconnaissance de la Palestine comme État dans les frontières de 1967. Les négociations laisseront le champ libre aux ajustements souhaités et non pas imposés. Ce n’est pas notre affaire. Par contre c’est l’affaire de l’ONU, c’est même sa mission, que de dire, d’affirmer le droit et de le faire respecter.
La Palestine doit donc être admise à l’ONU – telle est la seule voie aujourd’hui praticable, l’échec de tout autre chemin étant constaté.
Nous vous demandons, en conséquence, que la France déclenche, en tant que telle et avec ses partenaires européens potentiels une offensive diplomatique sans précédent pour aboutir dans les meilleurs délais au résultat incontournable qui peut seul « décoincer » la situation : l’admission, comme État de plein droit, de la Palestine à l’ONU.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à notre ardente volonté de paix basée sur la justice et à l’expression de nos sentiments distingués.
Jean-Claude Lefort