Monsieur Jean-Yves Le Drian
Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères
37, Quai d’Orsay
75351 PARIS CEDEX 07
Le 11 mars 2019
Monsieur le Ministre,
Le rapport de la Commission d’enquête diligentée par le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, relatif aux manifestations dans le Territoire palestinien occupé et particulièrement à Gaza, établit des faits d’une particulière gravité. Le 18 mars prochain, il doit être présenté au Comité des droits de l’Homme pour adoption.
Nous n’ignorons pas que la France ne fait pas partie aujourd’hui des membres du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, mais nous savons aussi que son influence est importante, en tant que membre permanent (et même ce mois-ci président) du Conseil de Sécurité de l’ONU, et en tant que membre influent de l’Union européenne.
Après les déclarations de la Haute Représentante Mme Federica Mogherini et du Président de la République M. Emmanuel Macron, qui l’un et l’autre demandaient la mise en place d’une commission d’enquête, nous avons eu honte de voir les Etats européens membres de la CDH s’abstenir sur la décision formelle de sa mise en place.
Monsieur le Ministre, nous ne voulons pas avoir honte une nouvelle fois le 18 mars. L’adoption du rapport de la Commission d’Enquête est un enjeu essentiel pour pouvoir qualifier les crimes de guerre commis par l’Etat d’Israël, et commencer enfin à sortir de l’impunité et faire respecter le droit international. Il faut que la France mette toute son autorité, y compris par des déclarations publiques, pour un vote positif sur ce rapport, et que l’on sorte enfin de l’abstention honteuse. Et si des États européens veulent voter contre, qu’ils prennent leurs responsabilités devant leurs citoyens et devant l’Histoire.
Ajoutons que les enjeux de ce vote vont bien au-delà de la seule adoption du rapport de la Commission d’enquête. Les États comme la France doivent assurer la protection du peuple palestinien, particulièrement dans la période pré-électorale israélienne propice à toutes les surenchères. La non-reconduction de la mission du TIPH à Hébron est de ce point de vue un signal désastreux, sur lequel, au-delà de son vote au Conseil de Sécurité, nous estimons que la France aurait dû s’exprimer beaucoup plus fortement.
Cet enjeu de protection va être particulièrement important, à Gaza et partout ailleurs en Palestine, à l’occasion de la journée du 30 mars. Pour Gaza, nos interlocuteurs palestiniens nous annoncent une manifestation, pacifique et citoyenne, d’une ampleur inédite. Il s’agit d’un authentique mouvement populaire et citoyen, coordonné démocratiquement par un comité pluraliste où la société civile a toute sa place. Cette mobilisation populaire largement portée par une nouvelle génération, loin d’être une menace comme le présentent les Israéliens, est un espoir pour l’avenir.
Monsieur le Ministre, à l’approche de la journée du 30 mars, nous vous demandons de porter le maximum d’efforts sur la protection de la population palestinienne, notamment à Gaza, et de peser de toutes vos forces pour la levée du blocus, illégal et totalement inhumain, unanimement demandée par la population palestinienne de Gaza. Ce sont maintenant des signaux très clairs qu’il faut envoyer aux autorités israéliennes, y compris par des menaces de sanctions.
Nous souhaiterons être reçus par vous-même et vos collaborateurs pour évoquer ces points, et plus largement les actions de la France pour la défense des droits du peuple palestinien et l’avenir de la Palestine.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Bertrand Heilbronn
Président de l’AFPS