Monsieur Laurent FABIUS
Ministre des Affaires Etrangères
Monsieur le Ministre,
Nous enregistrons avec satisfaction les décisions prises par l’Union Européenne, notamment les conclusions du Conseil Européen des Affaires Etrangères du 10 décembre 2012, précisant que « L’Union européenne déclare qu’elle est déterminée à faire en sorte que - conformément au droit international - tous les accords entre l’État d’Israël et l’Union européenne indiquent clairement et expressément qu’ils ne s’appliquent pas aux territoires occupés par Israël en 1967, à savoir le plateau du Golan, la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza », ainsi que les Lignes Directrices publiées le 19 juillet dernier, relatives à l’éligibilité des entités et activités israéliennes aux aides européennes.
Nous tenons par contre à vous faire part de notre extrême préoccupation face aux pressions du gouvernement israélien et de ses relais pour empêcher la pleine application de ces Lignes Directrices, et pour s’opposer à la mise en œuvre des conclusions prises souverainement par le Conseil des Ministres des Affaires Etrangères.
Déjà, dans les jours qui ont précédé la publication des Lignes Directrices, le gouvernement israélien et le président de la République d’Israël avaient multiplié les pressions, affirmant que leur publication mettrait en péril l’engagement des pourparlers : il n’en a rien été, et l’Union Européenne, en publiant les Lignes Directrices à la date prévue, en est sortie grandie.
Dans le contexte actuel de pourparlers engagés sans référence claire au droit, d’une accélération de la colonisation par Israël, et d’une multiplication des actes de provocations comme ce fut le cas tout récemment à Jénine et à Qalandia, il faut que l’Europe fasse entendre la voix du droit international, seule base possible de la paix ; elle doit affirmer par des actes clairs que la colonisation est illégale et qu’Israël n’a aucun droit sur les territoires qu’elle occupe et colonise par la force. La France doit être le moteur de cet engagement ferme de l’Europe dans le sens du droit et de la légalité internationale.
Tels qu’ils ont été rapportés par différents medias ou sites internationaux, les propos qui vous sont prêtés à la suite de votre visite en Palestine et en Israël pourraient laisser une place au doute sur cette fermeté. Nous espérons que vous saurez nous rassurer sur ce point, et que la position de la France lors du Conseil informel du 6 septembre (dit Gymnich) sera claire, contribuant ainsi à la fermeté des positions européennes sur l’application de ses propres décisions.
Sachez qu’avec l’ensemble des mouvements européens de solidarité avec la Palestine, regroupés dans la Coordination Européenne des Comités et Associations pour la Palestine (CECP), nous sommes particulièrement mobilisés sur ce point et nous suivrons avec la plus grande attention les positions des différents gouvernements dont le nôtre. Nous vous adressons ci-joint le texte de la lettre rédigée par la CECP, à laquelle nous adhérons totalement.
Comme l’ont déjà fait au moins cinq pays européens, dont l’Allemagne et la Grande Bretagne, la France devrait par ailleurs préciser dès maintenant un code de conduite pour les entreprises françaises, afin que des critères comparables à ceux des Lignes Directrices soient appliqués par ces entreprises : c’est aussi cette demande que nous vous adressons.
Dans l’attente de votre réponse sur la position de la France pour l’application pleine et entière des Lignes Directrices et des conclusions du Conseil des Affaires Etrangères de décembre 2012, ainsi que sur une application des critères des Lignes Directrices aux entreprises françaises, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments respectueux.
Taoufiq Tahani
Président de l’AFPS