A M. Emmanuel Macron
Président élu
99-101 rue de l’Abbé Groult
75015 PARIS
A Paris le 10 Mai 2017
Monsieur le Président,
Vous venez d’être élu à la magistrature suprême en ayant fortement affirmé votre volonté de rejeter les discours de fracture ou de haine et d’oeuvrer pour la paix.
Président de l’Association France Palestine Solidarité, je vous avais adressé le 30 mars dernier une lettre présentant l’approche de notre association sur la question israélo-palestinienne. Je me permets de m’adresser à vous avant même votre prise de fonction, en réaction aux propos que vous avez tenus à plusieurs reprises, et tout récemment lors d’un entretien avec Médiapart, sur la question de la reconnaissance par la France de l’Etat de Palestine.
Contrairement à votre prédécesseur qui en avait fait un engagement de campagne, vous considérez devoir faire preuve de pragmatisme pour préserver une possibilité d’agir en gardant le dialogue ouvert avec les deux parties. La conséquence que vous en tirez est qu’une telle reconnaissance serait contreproductive, car elle nous couperait aussitôt des autorités israéliennes et, de ce fait, nous écarterait du jeu diplomatique.
Vous rejoignez là une position largement répandue dans la « classe politique » française qui est à nos yeux profondément erronée en ce qu’elle contribue à maintenir le déséquilibre fondamental entre les deux parties. C’est ce déséquilibre, entre l’occupant et l’occupé, qui a condamné le processus d’Oslo, laissant les mains libres à la partie israélienne pour développer la colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie et poursuivre indéfiniment l’occupation des territoires palestiniens en écartant, de fait, tout horizon politique respectueux des droits des peuples.
Comment croire que sans pression sur la partie dominante, la paix pourrait être possible ? Tout montre au contraire que la complaisance ne fait qu’ouvrir la voie au pire. M. Nétanyahou avait clairement affirmé, lors de sa campagne électorale de 2015, qu’il n’y aurait jamais d’Etat palestinien tant qu’il serait premier ministre. Il a tenu promesse et jeté aux orties la résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant la colonisation. Que son ministre de la Défense ait pu qualifier la conférence de Paix de Paris de « procès Dreyfus moderne » sans provoquer de réaction est malheureusement révélateur des inconséquences d’une certaine politique française.
Reconnaître l’État d’Israël en 1949 et considérer que, en 2017, le moment n’est toujours pas venu pour reconnaître l’État de Palestine ne constitue pas une position équilibrée mais une prime à l’impunité offerte à la politique d’occupation et de colonisation aux dépens de la recherche de la paix.
Pour être audible et crédible aux yeux de tous, la France doit s’appuyer sur le droit international et ne pas céder d’avance au chantage de la partie dominante. Reconnaître l’Etat de Palestine, c’est simplement le placer par principe au même niveau que l’Etat d’Israël et offrir aux deux parties la possibilité de s’avancer sans faux-semblants sur le chemin de la paix.
Je veux croire, Monsieur le Président, que vous oserez regarder en face cette situation dans l’intérêt même de la France et de la paix et vous prie d’agréer l’expression de ma plus profonde considération.
Taoufiq Tahani
Président de l’AFPS
>>Voir aussi la lettre du 30 mars adressée à Emmanuel Macron