Bien que les pays arabes soient conscients que la réunion d’Annapolis ne garantira pas la paix et ne répondra pas à leurs ambitions, ils y ont tous répondu présent. Pourquoi ?
Il s’agit d’une question qui, le moins que l’on puisse dire, reflète les multiples difficultés et contradictions en rapport avec cette réunion et aussi avec les visées de chaque pays arabe pris séparément. « Si les pays arabes ne s’étaient pas rendus à Annapolis, ils auraient beaucoup perdu du moins au niveau diplomatique », explique Abdel-Aziz Chadi, professeur de sciences politiques. C’est dire qu’au départ, il s’agit d’une question de pure forme. D’ailleurs, le politologue poursuit : « Les négociateurs arabes auraient perdu également en crédibilité ». Selon lui, ce sont les pays arabes qui ont lancé une initiative de paix d’inspiration saoudienne relancée en mars dernier à Riyad. « Ce qu’ils veulent à présent, c’est de ne pas donner un prétexte à Israël selon lequel ils ne veulent pas la paix. En participant à la réunion d’Annapolis, ils coupent l’herbe sous les pieds des Israéliens dans les futures négociations attendues après Annapolis », assure Abdel-Aziz Chadi. L’initiative arabe lancée en 2002 au sommet de Beyrouth et réactivée en 2007 prévoit une normalisation des relations entre les pays arabes et Israël en échange d’un retrait israélien des territoires arabes occupés depuis juin 1967. Si les Arabes étaient restés chez eux, le fossé entre les deux camps, arabe et israélien, se serait élargi. Ceci d’autant plus qu’il est clair qu’Israël n’est pas empressé de parvenir à un règlement. Il fallait donc combler ce fossé par une importante participation arabe qui pourrait d’une part, seconder les Palestiniens et d’autre part, faire des négociations un principe acquis après Annapolis. Un autre argument : Yasser Arafat a beaucoup gagné après les conférences d’Oslo et de Madrid grâce à l’appui arabe qu’il a reçu et les négociations des pays arabes avec les Américains et les Israéliens.
Il importe donc de mener des négociations et non pas d’entrer dans une rupture. Les pays arabes ont décidé de participer à cette conférence pour ne pas laisser les Palestiniens affronter les pressions américaines et israéliennes. Les pays arabes ne veulent pas que les Palestiniens soient une proie facile pour les Américains. Ils ont peur que l’Autorité palestinienne subisse seule ces pressions et finisse par faire des concessions qui peuvent affaiblir sa cause. Selon le haut responsable : « Participer à la conférence d’Annapolis est en soi un gain. Plus de 40 pays y sont représentés et une dizaine d’organisations internationales sont présentes. Cela va permettre de faire entendre la voix des pays arabes qui exigent une paix juste et globale avec les Israéliens ». Et d’ajouter : « L’occasion est offerte aux pays arabes pour mettre les Israéliens et les Américains dans l’embarras et montrer que tous les pays arabes sont sur la même longueur d’onde. Ainsi les Arabes pourront-ils faire taire les accusations israéliennes affirmant que les Arabes sont divisés et ne veulent pas la paix ».
Mais qui peut garantir les ambitions des Palestiniens et du peuple arabe après la réunion d’Annapolis ? La conférence d’Annapolis pourrait répondre aux ambitions des Palestiniens et du peuple arabe, a déclaré, cette semaine, le porte-parole de la présidence égytienne, Solimane Awwad. Ces propos officiels semblent être très loin de la réalité et des espoirs du peuple arabe. Sur un ton beaucoup plus franc, une source diplomatique qui a requis l’anonymat affirme que la plupart des pays arabes n’attendent pas grand-chose de la conférence d’Annapolis.
Il reste que malgré tout beaucoup d’arguments ont joué en faveur de la participation des pays arabes. Il y a aussi l’espoir qu’une relance des négociations puisse renforcer la position du président Mahmoud Abbass face au Hamas et protéger leurs propres régimes d’une propagation de l’islamisme, selon les analystes. En fait, les tractations diplomatiques pour réanimer les négociations palestino-israéliennes, gelées depuis sept ans, ont commencé à la suite de la victoire du Hamas aux élections législatives en 2006. Ce succès avait inquiété les pays arabes voisins, particulièrement l’Egypte et la Jordanie, où les islamistes constituent la principale force d’opposition. « Les craintes du Caire et d’Amman ont rejoint les craintes internationales et d’autres pays arabes quant à l’expansion du pouvoir des forces islamistes. Ceci a donc créé un consensus arabe sur la nécessité d’une avancée sur le dossier palestinien qui soutiendrait Mahmoud Abbass et contrerait le Hamas », affirme Emad Gad, spécialiste du dossier israélo-palestinien au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram et cité par l’AFP.
Il estime que l’Arabie saoudite, en dépit de ses hésitations, « a décidé de participer à Annapolis, car elle est incapable de payer le prix politique d’un refus d’une demande des Etats-Unis », dont elle est l’un des principaux alliés régionaux. Gad estime que les pays arabes pro-occidentaux parient sur un succès de la réunion à lancer des négociations conduisant à une « amélioration tangible sur le terrain en Cisjordanie qui soulignerait (par comparaison) la souffrance économique à Gaza, conduisant ainsi à un recul de l’emprise du Hamas » qui s’y est emparé du pouvoir en juin.