Quel que soit celui qui sera élu à la tête de l’Autorité Palestinienne dimanche il aura de lourdes responsabilités mais aucun pouvoir réel pour les assumer.
« Les candidats, dit Fayçal Hourani, attribuent à l’élection plus d’importance qu’elle n’en a. Quel que soit le vainqueur, on sait bien qu’il n’aura aucune autorité réelle. Le fardeau qu’il devra porter est très lourd mais la situation, sous occupation israélienne, ne lui donne pas les outils nécessaires pour y arriver. ».
Hourani, 66 ans, est l’un des premiers membres de l’OLP qui a rencontré des militants pacifistes israéliens dans les années 70. Opposé aux Accords d’Oslo dès le début, persuadé que cela ne pouvait mener à une solution à deux états, il est néanmoins revenu dans les Territoires (Occupés) à la suite d’Oslo, avec d’autres exilés palestiniens. Aujourd’hui il partage son temps entre Vienne, Ramallah et Gaza et il travaille à un ouvrage sur les partis politiques palestiniens depuis 10 ans.
Hourani pense que les partisans du candidat favori, Mahmoud Abbas (Abu Mazen), attendent peu de lui. « Ils le voient comme un homme pratique qui peut apporter des améliorations à leur difficile vie quotidienne. Actuellement ils limitent leurs attentes à des problèmes concrets tels que la possibilité d’étudier ou de se déplacer. »
Certains, dans l’élite politique et économique palestinienne, espèrent qu’ Abbas va relancer le processus de paix, reconnaît Hourani. Mais il n’a encore jamais rencontré quelqu’un qui « pense que la paix est à l’ordre du jour dans un avenir prévisible ».
Hourani lui même ne croit pas qu’Abbas arrivera à réaliser les améliorations, aussi restreintes soient elles, que les électeurs espèrent. Il pense qu’Israël réservera à Abbas le même traitement qu’à Arafat. Il voit cependant deux éléments positifs dans l’élection de dimanche : elle a mis en mouvement l’arène politique palestinienne et elle prouve que les Palestiniens, contrairement aux scenarii apocalyptiques d’Israël, choisissent le successeur d’Arafat dans le calme.
Il dit que la campagne a élevé le débat public au dessus des problèmes étriqués tels que « une roquette Qassam, ici ou là » pour en arriver à ce que veulent les Palestiniens, ce qu’Israël projette de faire, ce que veut l’Amérique et ce qu’elle est capable de faire, et quelles sont les chances qu’il y ait un état palestinien.
Ce qui a été remarquable dans la campagne, dit-il, c’est qu’il n’y a eu aucune dispute réelle entre les différents camps. Tous les candidats, note-t-il, sont contre l’occupation, pour la réforme, contre la barrière de séparation, et les différences sont seulement de forme.
Ceci est du en partie à ce que l’élection a lieu si rapidement (la loi palestinienne impose qu’elle ait lieu 60 jours après le décès du président en exercice) mais aussi à ce que les partis politiques palestiniens perdent régulièrement de l’importance, dit Hourani.
Il note que les deux candidats favoris, Abbas et Mustafa Barghouti, avaient tous deux pris de la distance avec leurs partis : Abbas a démissionné du Comité Central du Fatah et Mustafa Barghouti a quitté le Parti Communiste (maintenant Parti du Peuple). « Les gens se moquent de savoir si Barghouti est toujours au Parti ou si Abu Mazen est toujours officiellement membre de la direction du Fatah » dit-il.
Hourani apprécie qu’Abbas utilise un langage clair et direct dans sa campagne. C’est quelque chose dont les Palestiniens avaient besoin « à cause de l’adoption de messages et de méthodes d’action qui manquent de clarté, ils ont donné d’eux-mêmes l’image d’agresseurs, même s’ils ont été durement frappés par Israël ces dernières années », dit-il. « Des messages belliqueux ont obéré le fait que l’ensemble de l’opinion palestinienne est favorable à une solution pacifique. Abu Mazen reformule à la fois le langage et les dirigeants et il veillera à ne pas donner à Israël d’excuses pour justifier sa politique agressive. »
Ce langage clair, ajoute-t-il, améliore l’image d’Abu Mazen auprès de l’opinion publique palestinienne.
A la question sur la récente déclaration d’Abbas décrivant Israël comme « l’ennemi sioniste », qui a outré beaucoup d’Israéliens, Hourani a répondu :« Je ne comprends pas ce que veulent les Israéliens. Abu Mazen aurait du dire « le voisin qui est venu nous rendre une visite amicale et qui a tué 6 enfants à Beit Lahyia » ? »