A Annapolis, le premier ministre israélien, Ehud Olmert, et le président palestinien, Mahmoud Abbass, ont convenu de rechercher avant fin 2008 un accord de traité de paix menant à la création d’un Etat palestinien dans les territoires occupés par Israël. Ils s’étaient engagés à respecter la Feuille de route, un plan de paix international qui prévoit la fin des violences dans les territoires palestiniens et le gel de la colonisation juive. La colonisation juive est parmi les questions les plus épineuses qui doivent être au cœur des négociations israélo-palestiniennes sur le statut permanent des territoires palestiniens, censées débuter ce mercredi 12 décembre.
A la fin des années 1990, la construction du quartier de colonisation de Har Homa, sur une hauteur voisine de la ville palestinienne de Bethléem (Cisjordanie), avait généré une forte opposition de l’Autorité palestinienne et de vives critiques des Etats-Unis. Har Homa fait partie des quartiers dits du « Grand Jérusalem » compris dans les limites de la municipalité de Jérusalem, considérée par tous les gouvernements israéliens depuis 1967 comme « la capitale éternelle, unifiée et indivisible d’Israël ». Or l’annexion du secteur oriental de la ville sainte et sa conquête, suite à la guerre israélo-arabe de juin 1967, n’ont jamais été reconnues par la communauté internationale. Les Palestiniens envisagent faire du secteur oriental de Jérusalem la capitale de leur futur Etat.
Quelques jours avant la réunion internationale de paix d’Annapolis, le ministre israélien de la Défense Ehud Barak, qui avait annoncé la poursuite des constructions dans les colonies existantes, a assuré que les colonies sauvages disséminées en Cisjordanie seront évacuées et qu’il n’y aurait pas de « création de colonies ou de lancement de grands projets » en Cisjordanie, conformément aux engagements d’Israël pris auprès des Etats-Unis. Or, selon le mouvement pacifiste israélien La Paix maintenant, l’administration militaire israélienne en Cisjordanie a fait état de 3 449 dossiers de constructions illégales de bâtiments dans ces colonies en une décennie, mais seules 107 ont effectivement été détruites, soit 3 % de l’ensemble.
Serait-il alors exagéré de dire que les engagements d’Israël pris lors de la conférence d’Annapolis ne valent pas plus que l’encre avec laquelle ils ont été signés ?
voir aussi Pierre Barbancey dans l’Humanité :
Olmert renie sa propre parole
La décision d’Israël de construire de nouveaux logements pour les colons juifs à Jérusalem-Est remet en cause les obligations de la conférence d’Annapolis.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que les déclarations optimistes faites au lendemain de la conférence d’Annapolis ne soient rayées d’un trait de plume par Israël. Tel-Aviv vient d’annoncer le lancement d’un appel d’offres pour la construction de 300 nouveaux logements et d’autres unités dans un quartier de Jérusalem-Est, connu sous le nom de Har Homa chez les Juifs et d’Abou Ghnaïm chez les Palestiniens.
les pressions américaines
Comme tout le monde l’avait compris en novembre aux États-Unis, Israéliens et Palestiniens s’engageaient à respecter les obligations faites par la feuille de route. Ce qui, pour Israël, signifie le gel de toute construction dans les colonies. C’est d’autant plus nécessaire qu’on ne voit pas comment les deux parties pourraient négocier un statut final si les conditions sur le terrain sont régulièrement remises en cause par l’occupant. Le président américain, George W. Bush, avait mis tout son poids dans la balance, annonçant que le nouveau processus se faisait sous son contrôle direct. Une façon de faire savoir à l’Union européenne, à la Russie et à l’ONU, elles aussi normalement garantes de l’application de la feuille de route, qu’elles comptaient pour quantité négligeable, tout du moins pour la dimension politique du dossier (Paris accueillera le 17 décembre une conférence de donateurs en vue d’alléger les difficultés économiques des Palestiniens, difficultés dues… à l’occupation).
La secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, a bien reproché vendredi à Israël de projeter la construction de ces nouveaux logements à Jérusalem-Est, initiative que les Palestiniens jugent de nature à torpiller les pourparlers de paix lancés à Annapolis. « Il ne devrait rien y avoir qui puisse préjuger des négociations sur le statut définitif » des territoires, a-t-elle dit. « C’est d’autant plus important maintenant que nous sommes à la veille de l’ouverture des négociations. […] Nous en sommes à un moment où l’objectif est de renforcer au maximum la confiance avec les parties en présence et cela n’y contribue pas. » Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a déclaré pour sa part : « Cet appel d’offres, si peu de temps après la conférence d’Annapolis sur la paix au Proche-Orient, n’est pas constructif. » D’autant moins constructif que le statut de Jérusalem est particulièrement important et controversé. La partie ouest a été prise par Israël dès sa création, alors que même le plan de partage de l’ONU prévoyait un statut particulier. Quant à la partie est, elle a été occupée à l’issue de la guerre des Six-Jours, en 1967 et, depuis, annexée à Israël qui en a fait sa capitale. Un état de fait qu’aucun pays ne reconnaît, pas même les États-Unis. Pour preuve, les ambassades se trouvent à Tel-Aviv et non pas à Jérusalem.
6 500 logements à Jérusalem-Est
Il en faut plus pour déstabiliser Israël. En 1997, déjà, au lendemain de l’accord passé à Hébron (sud de la Cisjordanie) et des efforts entrepris pour relancer le processus de paix, les Israéliens avaient annoncé la construction de 6 500 logements dans la partie sud de Jérusalem-Est. Ce qui était vécu comme la volonté de couper Jérusalem du reste de la Cisjordanie. À l’époque, le maire était un certain Ehud Olmert. Comme le rappelle un éditorialiste du quotidien israélien Haaretz, les protestations n’avaient rien donné jusqu’à ce que tout le monde oublie l’affaire et que les logements soient construits ! Ce qui n’a fait que renforcer le Hamas, côté palestinien.
Le porte-parole du premier ministre israélien a souligné que l’appel d’offres pour les constructions de Har Homa s’inscrivait dans le cadre d’un programme étalé sur sept ans. Il a même réaffirmé que le secteur ne relevait pas de la feuille de route parce qu’Israël avait annexé ces terrains, conquis et occupés avec le reste des territoires palestiniens en 1967 ! Pour semer un peu plus la confusion, le vice-premier ministre israélien Haim Ramon, très proche d’Ehoud Olmert, a déclaré qu’Israël conserverait tous les quartiers juifs de Jérusalem, tout en abandonnant le contrôle des zones peuplées d’Arabes à l’Autorité palestinienne. Le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riad Malki, a dénoncé ces propos, accusant Israël de faire preuve de mauvaise foi avant même le début des discussions sur ce sujet très sensible. Nabil Abou Rdainah, proche collaborateur d’Abbas, estime que « les implantations font obstacle aux négociations et au processus de paix. Elles affaiblissent la confiance entre Israéliens et Palestiniens ». À Annapolis, interrogé par l’Humanité pour savoir quand Israël allait appliquer les résolutions de l’ONU, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a répondu que cela allait faire partie des discussions. En réalité la question est désormais : comment forcer Israël à se conforter au droit international et à ses propres engagements. Rama Yade a peut-être une solution, elle qu’on a peu entendu alors qu’hier se trouvait à Paris un ancien chef d’état-major israélien, Moshe Yaalon, nommé par Sharon, et qui a sévi dans les territoires palestiniens de 2002 à 2005, avec tout le respect des droits de l’homme dont est capable une armée d’occupation.
http://www.humanite.fr/2007-12-11_International_Olmert-renie-sa-propre-parole